Prévoyance complémentaire : des conventions collectives de Sécurité sociale ?

FO Actualités Retraites n°74 par Secteur des Retraites

Ce numéro de FO Actualité Retraites paraît au moment du 70e anniversaire des ordonnances portant création de la « Sécu ». Notre organisation prépare elle aussi cet événement, le secteur retraite a apporté sa contribution.

Cette date anniversaire nous donne l’occasion de rappeler que l’ordonnance du 4 octobre 1945 ne comporte pas qu’un article… je fais allusion à l’article 18 : « les institutions de prévoyance ou de Sécurité sociale de toute nature, autres que celles qui gèrent des régimes spéciaux et des sociétés de secours mutuels établies dans le cadre d’une ou de plusieurs entreprises au profit des travailleurs salariés et assimilés, ne peuvent être maintenues ou créées qu’avec l’autorisation du ministre du travail et de la Sécurité sociale et en vue seulement d’accorder des avantages s’ajoutant à ceux qui résultent de l’organisation de la Sécurité sociale ». Cet article offre sans ambiguïté la possibilité de négocier et de mettre en place des garanties complémentaires et ce, par voie de convention collectives.

Pendant 68 ans, les interlocuteurs sociaux ont fabriqué des conventions collectives ayant trait aux couvertures sociales complémentaires, ce que Paul Durand appelait dans les années cinquante des conventions collectives de Sécurité sociale. Pendant 68 ans et pas 70 parce que, suite à l’ANI de janvier 2013, l’outil de mutualisation du risque que constituait la clause de désignation a été prohibée par le Conseil constitutionnel. Il n’aura échappé à personne que cette décision faisait suite à l’article 3 de l’accord en question où il était expressément écrit que l’employeur devait avoir le libre choix de son assureur. Les conséquences ne se sont pas fait attendre, nous avons abondamment commenté cette triste décision, je n’y reviendrai pas.

Sur notre insistance [1], la Ministre des affaires sociales a confié une mission sur les conséquences en matière de prévoyance à Dominique Libault, Conseiller d’État, Directeur de l’Ecole Nationale supérieure de Sécurité sociale. Voici un extrait de sa lettre de mission : « Mener une large concertation qui permettra de formuler des propositions concrètes d’évolution à même d’offrir un cadre stabilisé et solidaire pour la couverture complémentaire collective et obligatoire… Cette réflexion, qui s’intègre dans le cadre de la généralisation de la couverture complémentaire santé, devra tenir compte des spécificités de la couverture santé et de la couverture prévoyance. Elle devra tenir compte des impératifs d’équité et de continuité de la protection sociale des salariés et des anciens salariés, ainsi que de l’équilibre des comptes publics ».

Début septembre, nous avons participé à la réunion de présentation des préconisations qu’il devrait faire. Parmi celles ci, deux retiennent notre attention et obtiennent notre aval :

 La séparation, dans l’approche de la mutualisation, de la santé complémentaire et de la prévoyance complémentaire.

 L’avènement des conventions collectives de Sécurité sociale. A titre liminaire, il est évident que ces conventions collectives ne sont que sur le champ complémentaire.

Ce concept, développé par Paul Durand dans les années cinquante, a été remis au goût du jour par deux éminents juristes à l’occasion de la décision du Conseil constitutionnel. Que ce soit ici l’occasion de remercier chaleureusement Jacques Bartélémy et Francis Kessler pour nous avoir fait partager à la fois leurs savoirs mais aussi leurs convictions en matière de mutualisation.

Le rapport doit être remis à la Ministre avant la fin de ce mois de septembre. Pour autant il nous faudra rester vigilants quant aux suites données à ces propositions. Les assureurs lucratifs ne resteront pas sans réaction face à ce qu’ils qualifient déjà comme une tentative de réintroduire les clauses de désignation.

Pour Force Ouvrière, le terrain de lutte sur lequel nous nous situons dans cette problématique est tout simplement l’intérêt du salarié qui doit pouvoir avoir accès à une couverture complémentaire de bon niveau au moindre coût. Cette équation ne peut être obtenue qu’en pratiquant une mutualisation la plus large possible, et le niveau de la branche nous semble toujours pertinent. Cette mutualisation que nous voulons rétablir n’est pas obligatoirement synonyme d’attribution à un seul assureur complémentaire, le rapport Libault va dans ce sens et nous paraît devoir produire des effets.

Contrairement à beaucoup d’autres, nous ne sommes pas dans le dogmatisme mais simplement dans le pragmatisme au bénéfice des salariés. Vous avez dit syndicat ?

Secteur des Retraites Le secteur Retraites est chargé des retraites (obligatoires, complémentaires et surcomplémentaires) et porte les revendications de FO sur ces dossiers.

Notes

[11 Voir FO Actualité Retraites N°71 page 6 : « Et pourquoi pas une clause de mutualisation ? »

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