Projet de loi PACTE : À qui appartient l’entreprise ?

Modification par Nadia Djabali

Le projet de loi PACTE doit être transmis au Conseil d’État cette semaine. © HAMILTON / REA

Le sujet est suffisamment sensible pour qu’en janvier dernier, pas moins de quatre ministres aient cornaqué le lancement des travaux sur la réforme de l’objet social des entreprises. Le 9 mars 2018, Nicole Notat, ancienne dirigeante de la CFDT, et Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, ont remis au gouvernement un rapport sur le rôle de l’entreprise dans la société. Ses conclusions doivent alimenter la future loi intitulée Plan d’action pour la croissance et la transformation de l’économie (PACTE).

La réflexion sur l’objet social des entreprises comporte des enjeux importants car elle pose en sous-main les questions suivantes : qu’est-ce qu’une entreprise ? Et à qui appartient-elle ? Pour le moment, seuls deux articles du code civil (art. 1832 et 1833), rédigés en 1804, définissent ce qu’est juridiquement une société. Mais la notion juridique de l’entreprise n’y est pas définie.

Dépoussiérer le code civil ?

Donner une définition juridique à l’entreprise permettrait donc d’y mentionner des éléments absents jusqu’à aujourd’hui, notamment la place et le rôle des salariés et les responsabilités environnementales. Et cela n’a pas échappé au patron du Medef, qui est vent debout contre ce « dépoussiérage » du code civil.

Actuellement, deux visions de l’entreprise tiennent la corde. La première, très libérale, défendue par les adeptes de l’École de Chicago et de l’économiste Milton Friedman, prétend que le seul objet de l’entreprise est le profit de ses actionnaires.

1804

C’est l’année où a été rédigé l’article 1833 du code civil sur l’objet social des sociétés.

La seconde école, également d’inspiration anglo-saxonne, s’appuie sur la théorie des parties prenantes. Une vision à l’origine de la responsabilité sociale des entreprises : pour être plus efficace et viable économiquement, l’entreprise, composante essentielle de la société, ne doit pas être guidée uniquement par les critères financiers et le rendement des dividendes. Elle doit prendre en compte les intérêts de la société dans son ensemble. L’entreprise n’est pas seulement composée d’actionnaires mais également de salariés, de fournisseurs, de clients. Les partisans de cette théorie sont favorables à une réécriture du code civil. Pour, en définitive, donner plus de place aux salariés lors de l’élaboration des orientations stratégiques de l’entreprise, ou sous la forme du développement des dispositifs d’intéressement et de participation.

Chaîne de sous-traitance

D’une certaine manière, il faut tordre le cou à l’École de Chicago, a déclaré Jean-Claude Mailly, le 8 mars, devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Il faut permettre aux entreprises qui le souhaitent de s’engager sur d’autres missions sociales et environnementale que la simple rémunération des associés.

Vidéo. Commission des affaires économiques : Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises

FO est convaincue que pour se développer économiquement, les grandes entreprises seront obligées d’intégrer la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Les grandes entreprises donneuses d’ordre doivent donc se préoccuper des conditions sociales en vigueur chez leurs sous-traitants. Jean-Claude Mailly s’est déclaré favorable à la négociation d’accords internationaux avec les organisations syndicales. Pour la France, FO souhaite que s’ouvre une négociation interprofessionnelle consacrée à la relation entre donneurs d’ordre et sous-traitants.

Reste à savoir quelles mesures concrètes seront inscrites dans la loi PACTE. L’attention est grande dans le monde syndical. On sait d’ores et déjà que la question de la désindexation du Smic ne devrait pas y figurer. Et c’est très bien, a souligné le secrétaire général de FO, avant de prévenir que la participation et l’intéressement ne devaient pas se substituer au salaire.

Un certain nombre de questions demeurent néanmoins en suspens, comme celle sur la simplification des seuils sociaux et fiscaux annoncée par Bruno Lemaire. La loi PACTE comportera également des mesures permettant à l’État de vendre des participations au-delà des seuils de détention minimaux fixés par la loi. Seuils qui l’obligent à conserver 50 % du capital d’ADP et le tiers de celui d’Engie (sauf s’il détient le tiers des droits de vote). Réponse le 18 avril 2018, lorsque le projet de loi sera examiné en Conseil des ministres.

 

Décryptage : Les propositions de FO
Ouvrir une négociation interprofessionnelle sur la relation entreprise donneuse d’ordre et sous-traitant ; favoriser la mise en place de fondations d’entreprise ; simplifier la vie des TPE-PME en mettant en place un guichet unique, afin qu’elles soient orientées vers les bons interlocuteurs sur les questions fiscale, sociale, d’innovation ou de recherche ; transformer le crédit d’impôt recherche en crédit d’impôt recherche développement, afin qu’une fois la recherche aboutie, l’entreprise puisse développer son produit sur le territoire.

 Voir en ligne  : Vidéo. Commission des affaires économiques : Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante