Protection de l’enfance : au sein de Sauvegarde 93, le combat de FO contre un management delétère

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Farid Bennai, délégué syndical FO et éducateur spécialisé à la Sauvegarde 93. DR

Le malaise social est présent depuis 2019 au sein de Sauvegarde 93, la plus grosse association de protection de l’enfance de Seine-Saint-Denis. Face à une direction qui reste immobile, FO multiplie les mobilisations et les alertes. Une expertise indépendante devrait avoir lieu en septembre.

Farid Bennai, éducateur de rue et délégué syndical FO au sein de l’association Sauvegarde 93, mène en quelque sorte le combat de sa vie. Je ne me laisse pas faire et je ne lâche pas l’affaire, sourit-il. Depuis 2018, le militant alerte sur les conditions de travail et les dérives managériales au sein de l’association qui est aussi la plus grosse structure de protection de l’enfance en Seine-Saint-Denis.

Il énumère les abus, il y a des humiliations, de l’infantilisation ou encore des mises au placard, abusives, sans aucunes explications. La liste semble sans fin. On s’occupe des enfants placés. Or les risques psycho-sociaux peuvent avoir un impact grave et dangereux sur nos missions, met en garde Farid Bennai. Sur les 9 500 mineurs placés sous la responsabilité du département, plus de 5 500 sont pris en charge par Sauvegarde 93.

Créé en 1968 l’association compte près de 400 salariés et se voit confier par le département, dans le cadre d’une délégation de service public, une mission d’aide sociale à l’enfance (ASE). Pour celle-ci, l’association reçoit un financement annuel de 26 millions d’euros du conseil départemental.

Une mobilisation intersyndicale initiée par FO

En février 2021, dans sa lettre de démission, une responsable de service décrit une pression assimilable à une forme de harcèlement moral. Ce texte, envoyé au comité social économique central (CSEC), à l’inspection du travail et aux syndicats, fait office de déclencheur. La parole des salariés se libère. Cela a donné lieu à une mobilisation intersyndicale, initiée par Force Ouvrière, souligne Farid Bennai. Au mois de juin, une inspection sur site est diligentée en urgence par le département.

Les modes de gouvernance et de management actuels sont facteurs de conflits internes et de dysfonctionnements potentiels, affirme le rapport qui suit, publié en novembre 2021. Le département alerte notamment sur une organisation des délégations de pouvoir […] à structurer, un pilotage défaillant de la fonction RH, et une prévention des risques professionnels à mettre en conformité. Les risques professionnels sont particulièrement mis en exergue. Sur l’année 2020, sur un effectif total de 430 salariés dans la structure, on comptabilise 11 029 jours d’arrêt maladie et 1 032 jours d’absence pour accident du travail.

Mais cet électrochoc n’est pas suivi d’action. Il y a quelques changements de personnes au niveau des postes de la gouvernance, mais le système demeure, regrette Farid Bennai. Voire s’aggrave : les salariés ont peur désormais de faire remonter des problèmes, par craintes de représailles. Il y a des traitements différenciés, dénonce le délégué syndical, citant quelques exemples. Certains travailleurs voient leur projet bloqué, sans raison. Des demandes de RTT sont aussi refusées sans aucune explication. Lui-même s’est vu refusé des jours de formation syndicale. Quant à la question des risques, l’inspection du travail a pu constater que, depuis l’arrivée de la nouvelle direction, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DURPS) demeure cependant incomplet et non mis à jour.

Première victoire : une expertise en septembre

Depuis 2019, le délégué syndical FO compte neuf droits d’alerte lancés, dont plusieurs pour dangers graves et imminents. Normalement, lorsqu’un droit d’alerte est déposé, la direction doit diligenter une enquête sans délai. C’est la loi, c’est le code du travail, martèle Farid Bennai. Mais, la direction refuse encore et toujours. Face à cet immobilisme, le CSEC a décidé en novembre 2021, à l’unanimité, de recourir à une expertise pour risque grave, en sollicitant un cabinet extérieur. La direction a contesté cette décision en justice, estimant qu’il n’y avait pas de risque grave.

Mais, le 8 décembre 2022, elle est déboutée par le tribunal de Bobigny qui donne raison au CSEC. C’est une première victoire, déclare Farid Bennai. L’expertise aura bien lieu en septembre et trois inspecteurs ont d’ores et déjà été saisis sur les droits d’alertes de divers services. Ils ont constaté des situations édifiantes...

Pour le militant, c’est avant tout une victoire syndicale alors qu’il a créé la section de Force Ouvrière il y a 5 ans. Nous sommes représentatif au sein du CSE de mon périmètre, mais pas dans le CSE central. Farid Bennai compte que les prochaines élections professionnelles changent cette situation : Vu tout le travail abattu, je pense que l’on va monter. Les gens viennent nous voir pour que nous les représentions. Car par notre travail quotidien, nous les avons convaincus !

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération