Qui décide du début et de la fin d’une grève ?

Libertés fondamentales par Patricia Drevon, Secteur des Affaires juridiques

Dans le secteur privé, les grévistes peuvent déclencher un mouvement de grève à n’importe quel moment. Ils n’ont pas à respecter de préavis. Une convention collective ne peut pas avoir pour effet de limiter ou de réglementer pour les salariés l’exercice du droit de grève. Les salariés doivent uniquement transmettre leurs revendications professionnelles au début du mouvement de grève.

Dans le cadre d’un appel national à la grève, un salarié peut se mettre en grève tout seul sur son lieu de travail. Lorsque la mobilisation ne concerne que le périmètre de l’entreprise ou du service, il faut être au moins deux, pour respecter le caractère nécessairement collectif de la grève, à moins que l’entreprise n’emploie qu’un seul salarié.

Un syndicat est libre de lancer un mouvement de grève dans une entreprise privée, même s’il n’est pas représentatif dans celle-ci. Dès lors que le syndicat porte des revendications professionnelles (augmentation des salaires, amélioration des conditions de travail…), le mouvement de grève est licite. Seuls les grévistes et le syndicat qui mènent le mouvement sont juges de la durée du mouvement et de la légitimité de leurs revendications, l’employeur ne saurait valablement s’immiscer dans ces considérations sans porter atteinte au droit de grève constitutionnellement garanti.

Durant la grève, un salarié peut rejoindre le mouvement à tout moment, décider de le stopper durant une certaine période et revenir ensuite dans le mouvement. Le salarié gréviste n’a pas de délai à respecter avant de se mettre en grève. En théorie, il peut se déclarer gréviste une fois de retour au travail, à l’issue de la mobilisation.

Dans le secteur public (y compris dans les entreprises privées chargées de l’exécution d’une mission de service public), les syndicats représentatifs doivent, selon l’article L 2512-2 du code du travail, déposer un préavis de grève. Dans certains secteurs d’activité, comme le transport public terrestre de voyageurs, la grève doit être précédée par une procédure de prévention des conflits (8 jours francs). La grève dans ce type d’entreprise ne peut donc débuter qu’à l’expiration d’un délai de 13 jours francs (8 jours francs + 5 jours de préavis).

Dans le secteur public, seul un syndicat représentatif peut déposer un préavis de grève. Pour pouvoir déposer un préavis de grève dans l’entreprise ou l’établissement, le syndicat doit être représentatif à ce niveau. Un préavis de grève déposé dans ce type d’entreprise par un syndicat non représentatif ou une simple section syndicale rend le mouvement de grève illégal.

Attention, rien n’empêche une organisation syndicale non représentative de se joindre à un mouvement initié par un syndicat représentatif. Au sein d’une entreprise privée chargée d’un service public, l’obligation de déposer un préavis ne s’applique qu’au seul personnel affecté à cette activité de service public (Cass. soc., 9-10-12, n°11-21508 ; Cass. soc., 8-10-14, n°13-13792).

Le préavis doit parvenir à l’autorité hiérarchique ou à la direction de l’entreprise, de l’établissement ou de l’organisme cinq jours francs (ce délai se décompte en jours calendaires, celui-ci commençant à courir le lendemain à zéro heure et expirant le dernier jour à minuit) avant le déclenchement de la grève.

L’inobservation du préavis constitue une faute lourde pour les salariés qui ont appelé à la grève, de même que pour les organisateurs de la grève (Cass. soc., 6-2-85, n°82-16447).

En effet, la grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du préavis est illégale et les salariés qui s’y associent même après l’expiration de ce délai, en dépit d’une notification de l’employeur attirant leur attention sur l’obligation de préavis, commettent une faute disciplinaire que l’employeur est en droit de sanctionner (Cass. soc., 11-1-07, n°05-40663).

L’inobservation du délai de préavis ne peut être reprochée aux salariés de l’entreprise que si leur attention a été attirée sur l’obligation de respecter ce préavis : tout manquement au délai de préavis étant imputable à ceux qui l’ont donné, une faute lourde ne peut être reprochée aux autres salariés que si leur attention a été attirée sur l’obligation de respecter le préavis incombant aux personnels des entreprises privées chargées de la gestion d’un service public (Cass. crim., 10-5-94, n°93-82603).

Le préavis doit préciser les motifs du recours à la grève et fixer le lieu (le champ géographique), la date et l’heure de la grève envisagée ainsi que sa durée, limitée ou non. Pendant la durée du préavis, le syndicat et la direction sont tenus de négocier sur les revendications posées.

La Cour de cassation considère que, dès lors qu’un préavis de grève a été déposé par une organisation syndicale, les salariés ne commettent aucune faute en participant au mouvement dans le respect du délai de prévenance, peu important que le préavis ait été irrégulier faute de préciser l’heure et la durée de l’arrêt de travail (Cass. soc., 25-2-03, n°00-44339).

Dans une entreprise privée exerçant une mission de service public, dès lors qu’un syndicat représentatif a déposé un préavis de grève portant sur des revendications locales, un salarié peut faire grève tout seul et ne pourra pas être accusé d’abandon de poste (Cass. soc., 21-4-22, n°20-18.402).

Si un préavis de grève a été déposé auprès de l’autorité publique qualifiée sur le plan national, l’article L 2512-2 du code travail ne saurait avoir pour effet de subordonner la licéité de la participation des agents à la grève au dépôt d’autres préavis auprès des directions des différents établissements auxquels ils appartiennent (CE, 16-1-70, n°73894).

Pour certaines professions soumises à des restrictions ou à un service « minimum » (ex : transports publics de voyageurs), le salarié doit avertir son employeur de son intention de participer à la grève au plus tard 48 heures avant sa participation effective à la grève. En cas de non-respect de cette obligation de déclaration préalable, les salariés sont passibles de sanction disciplinaire.

Attention, dans les entreprises de transport terrestre public de voyageurs, si les conducteurs peuvent se mettre en grève à n’importe quel moment durant la période couverte par le préavis, ils doivent le faire nécessairement au début de leur prise de service.
Dans le cadre d’un préavis de grève à durée illimitée (déposé au niveau national et interprofessionnel ou localement), même s’il n’y a pas eu de grévistes certains jours dans l’entreprise, l’employeur ne peut pas décréter la fin d’un mouvement de grève.

Tant que le préavis de grève est en vigueur, il continue de couvrir les salariés grévistes. Et pour être considérés comme grévistes, les salariés ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée du préavis déposé par les syndicats. La décision de la fin d’un mouvement ne peut être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève :

Si, dans les services publics, la grève doit être précédée d’un préavis donné par un syndicat représentatif et si ce préavis, pour être régulier, doit mentionner l’heure du début et de la fin de l’arrêt de travail, les salariés qui sont seuls titulaires du droit de grève ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis ; qu’il en résulte que c’est à bon droit que la cour d’appel a décidé que l’employeur ne peut, dans la période ainsi définie, déduire de la constatation de l’absence de salariés grévistes que la grève est terminée, cette décision ne pouvant être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève (Cass. soc., 4-7-12, n°11-18404, voir également Cass. soc., 11-2-15, n°13-14607).

Également, l’absence de salariés grévistes au cours de la période visée par le préavis, même en cas de préavis de durée illimitée, ne permet pas de déduire que la grève est terminée, cette décision ne pouvant être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève (Cass. soc., 8-12-16, n°15-16078).

Attention, il faut distinguer un préavis de grève reconductible et un préavis de grève à durée illimitée.

Un préavis de grève reconductible n’a pas de date de fin prédéfinie et peut se poursuivre dans le temps. Il supposer, en théorie, que le syndicat l’ayant déposé le renouvelle chaque jour.

Une grève reconductible, à partir d’une certaine date, suppose que cette grève soit reconduite régulièrement pour considérer que le mouvement de grève est toujours en cours. Ce renouvellement sous-entend un acte positif. Si tel est le cas, le syndicat est seul maître pour décider la fin du mouvement de grève. Si une grève reconductible chaque jour suppose un acte positif, elle ne nécessite pas de déposer à chaque fois un nouveau préavis. La reconduction tacite est, par principe, contraire au principe même d’une grève reconductible qui suppose qu’une décision soit prise.

Patricia Drevon Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.

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