Sarthe : les soignants en grève dénoncent une psychiatrie à l’agonie

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

© FO EPSM 72

Les personnels des urgences du Centre hospitalier du Mans, comme ceux de l’Etablissement public de santé mentale (EPSM) d’Allonnes, dans la Sarthe, sont appelés par FO, dans le cadre d’intersyndicales, à se mobiliser respectivement les 7 et 11 mars. En raison d’un manque de lits en psychiatrie, les urgences sont saturées de patients en attente d’une hospitalisation. Les conditions de travail se dégradent et les usagers sont accueillis dans des conditions indignes.

Des patients relevant de la psychiatrie attachés plusieurs jours d’affilée sur un brancard, d’autres qui déambulent dans les couloirs ou restent sur des chaises avant de dormir sur un matelas à même le sol… Telle est la situation apocalyptique aux urgences du Centre hospitalier du Mans (CHM), dans la Sarthe. Faute d’un nombre suffisant de lits en psychiatrie dans l’Etablissement public de santé mentale (EPSM) d’Allonnes, l’équivalent d’une unité d’hospitalisation y est pris en charge en parallèle du flux des patients.

Face à cette situation intenable, tous les personnels des urgences – aides-soignants, infirmiers, cadres et médecins – sont en grève illimitée depuis le 29 février à l’appel d’une intersyndicale à laquelle FO participe. Ils dénoncent la prise en charge indécente de ces patients déjà très fragiles et la dégradation des conditions de travail des personnels.

Nouvelle action le 7 mars

Une nouvelle action, la deuxième en huit jours, est organisée le 7 mars, avec un rassemblement devant l’hôpital, puis un défilé dans le centre-ville du Mans jusqu’à l’Agence régionale de santé (ARS), où une délégation doit être reçue. La population est invitée à venir soutenir les manifestants.

Les urgences sont confrontées à un double engorgement. D’une part, l’hôpital du Mans est le dernier établissement du département à disposer d’un service d’urgences ouvert en continu, 7 jours sur 7, et les patients affluent. La situation est d’autant plus tendue que la Sarthe est devenue un véritable désert médical, avec une pénurie de médecins généralistes et de dentistes. Aux urgences, nous devrions normalement faire 140 entrées par jour, mais actuellement nous en faisons entre 180 et 200, explique Marc Gandon, secrétaire adjoint du syndicat FO du CHM. 

Un manque criant de psychiatres

D’autre part, par manque de lits disponibles en psychiatrie, les malades en attente d’hospitalisation restent en zone de transit durant plusieurs jours, dans des conditions indignes, avec un accès limité aux sanitaires. C’est d’une violence institutionnelle sans nom mais nous sommes dans un no man’s land, déplore Marc Gandon. Nous ne pouvons pas les hospitaliser car le CHM n’est pas agréé pour la psychiatrie, et nous ne pouvons pas non plus les laisser sortir car ce serait une mise en danger de la vie d’autrui. Aucune solution ne semble émerger pour l’instant. Le directeur général adjoint de l’hôpital était d’ailleurs présent à la manifestation du 29 février, ajoute le militant.

Pour l’intersyndicale, l’urgence est à l’ouverture ou la réouverture de lits d’aval de psychiatrie. L’EPSM d’Allonnes, le seul hôpital psychiatrique du département, a subi 42 suppressions de lits l’été dernier, point d’orgue d’une dégradation de l’offre de soins depuis des années. Selon Marc Gandon, par ailleurs secrétaire du groupement départemental FO Santé de la Sarthe, il manque près de la moitié des psychiatres à l’EPSM pour fonctionner : ils étaient 52 par le passé contre 29 actuellement.

Dans cet établissement aussi, l’heure est à la mobilisation. Les personnels sont en grève reconductible depuis le 20 novembre 2023, à l’appel de FO et d’une autre organisation syndicale. Ils sont appelés à une grève massive le 11 mars, avec rassemblement devant l’établissement. FO et l’autre syndicat revendiquent l’arrêt de la dégradation des conditions de travail et des prises en charge ainsi que l’accès et qualité des soins pour tous, dans le respect des droits des patients. Cela passe notamment par la réouverture de services de psychiatrie et avec une couverture médicale, des recrutements de médecins mais aussi davantage de reconnaissance pour les personnels et avec de meilleures conditions de travail.

180 lits supprimés en 8 ans

Depuis l’ouverture de l’hôpital en 2012, cinq unités ont fermé et on a perdu 180 lits en 8 ans, explique Valérie Manceau, secrétaire du syndicat FO de l’EPSM. Il reste 197 lits actuellement. Et ces lits tournent peu, les patients sont beaucoup plus difficiles à stabiliser et ils restent plus longtemps qu’avant, indique-t-elle.

A la demande de l’ARS, une zone d’attente non médicalisée a été mise en place à l’EPSM pour délester les urgences de l’hôpital du Mans, même si cela reste insuffisant. Ces patients ont un lit, mais ils ne voient pas de médecins, ils sont actuellement 17, c’est la capacité maximale, détaille-t-elle. Dans le cadre d’une cellule régionale mise en place cet été, des patients ont aussi été hospitalisés à Angers, à Nantes ou à Bordeaux. On a vraiment gratté tout ce qu’on a pu mais ça ne suffit pas, ça n’est plus possible, poursuit Valérie Manceau.

L’hôpital manque cruellement de médecins psychiatres, alors que les besoins ont explosé. On gère une quarantaine de structures ambulatoires dans le département mais avec seulement 4,5 médecins en équivalent temps plein dédiés, ce n’est pas tenable. En pédopsychiatrie, un enfant peut attendre 20 mois pour voir un psychiatre, poursuit la militante.

FO Santé compte interpeler le gouvernement

Pour les personnels de l’EPSM, la mise en place d’une nouvelle organisation du travail, annoncée pour janvier 2024, a mis le feu aux poudres. Avec ces nouveaux cycles et effectifs de fonctionnement, les agents ne peuvent plus poser leurs RTT quand ils le veulent. Ils vont également être amenés à travailler dans d’autres unités, or en psychiatrie, le lien avec le patient est hyper important, les soignants ne sont pas interchangeables. Ils ont l’impression de donner beaucoup et de ne rien avoir en retour. C’est la première fois que je vois une telle mobilisation, témoigne Valérie Manceau.

La fédération FO Santé apporte son soutien plein et entier aux syndicats FO du Centre hospitalier du Mans, de l’EPSM, et aux personnels de ces établissements dans la bataille qu’ils mènent. La politique de santé désastreuse des gouvernements successifs relative aux fermetures de lits, et le fait d’avoir organisé sciemment la pénurie médicale et paramédicale, se vérifient sur le terrain chaque jour, dénonce-t-elle. C’est pourquoi elle entend interpeler le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, ainsi que la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités sur cette situation particulière et sur l’état critique des secteurs de la psychiatrie, et du secteur sanitaire, médico-social et social.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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