Télécoms : en ne tenant pas ses engagement, Orange plombe Scopelec

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Scopelec, groupe coopératif spécialisé dans le déploiement de réseaux télécoms, a été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon, le 26 septembre. Orange, son principal donneur d’ordre, a refusé au dernier moment de le soutenir financièrement, malgré ses engagements. Quelques 2 400 emplois sont menacés.

Malgré de longs mois de combat, c’est le pire scénario qui se profile pour Scopelec SA et sa filiale Setelen. Financièrement exsangue, le groupe coopératif spécialisé dans l’installation et la maintenance des réseaux télécoms a été placé en redressement judiciaire le 26 septembre par le tribunal de commerce de Lyon, avec un plan de cession à la clé. Les éventuels repreneurs ont jusqu’au 2 novembre pour déposer une offre. La date du jugement est fixée au 2 décembre. Frédéric Mazars, délégué FO, craint une vente à la découpe et s’inquiète pour le sort des 2400 salariés.

Scopelec était il y a quelques mois encore la plus grosse société coopérative et participative (Scop) de France, avec 3 600 salariés. L’entreprise, créée en 1973 et basée dans le Tarn, assurait l’installation de la fibre optique et l’entretien du réseau de cuivre pour le compte d’Orange. En novembre dernier, à l’issue d’une série d’appels d’offres, elle a perdu les deux tiers des contrats de sous-traitance qui la liaient à l’opérateur historique. Ces marchés, qui ont pris fin de manière effective fin mars, représentaient environ 150 millions d’euros de revenus annuels, soit 40% du chiffre d’affaires de Scopelec (475 millions d’euros en 2021). Depuis le début de la crise, plus d’un millier de salariés sont partis volontairement, y compris pour rejoindre d’autres entreprises du secteur.

La direction et les CSE du groupe Scopelec, estimant entre autres qu’Orange n’avait pas respecté les délais de préavis, avaient saisi la justice pour rupture brutale de relation commerciale. Mais les plaignants ont été déboutés par le tribunal de commerce de Paris fin avril, une décision confirmée en appel fin juin.

Plus d’une centaine de salariés avaient manifesté devant Bercy à l’appel de FO

En difficultés financières, le groupe coopératif avait demandé en mars 2022 à être placé en procédure de sauvegarde. Des discussions se poursuivaient entre Orange et son sous-traitant, sous l’égide du comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), cellule de Bercy. Une proposition d’accord permettant à Scopelec de sortir de sa situation périlleuse avait été trouvée mi-mai. L’État prend en charge 90% des dettes de Scopelec, ce qui représente plus de 100 millions d’euros, expliquait Frédéric Mazars, délégué FO, au début de l’été. Et Orange nous donne 40 à 45 millions d’euros de travail supplémentaire pour les 18 prochains mois et règle nos créances vis-à-vis de nos sous-traitants pour environ 20 millions d’euros.

Fort de ces promesses, Scopelec avait pu présenter fin juin les grands axes d’un plan de sauvegarde – incluant la suppression d’environ 550 postes – au tribunal de commerce de Lyon, pour une validation prévue en septembre. Mais le projet d’accord était toujours en attente de ratification. L’État ne veut pas signer tant qu’Orange n’aura pas signé, et comme Orange ne donne pas de nouvelles, on est un peu inquiets, reconnaissait cet été le militant. Mais on ne comprendrait pas un retournement de situation.

Et le pire est arrivé. Mi-septembre, à la veille de l’audience au tribunal, Orange a fait savoir qu’elle n’apporterait pas son soutien financier, précipitant la chute de Scopelec. Le 23 septembre, plus d’une centaine de salariés de Scopelec étaient venus manifester à l’appel de FO Métaux devant le ministère de l’Economie pour exiger des pouvoirs publics qu’ils prennent leur responsabilité et trouvent une solution permettant d’éviter le naufrage du groupe ainsi que celui de dizaines d’entreprises sous-traitantes.

Le projet d’une nouvelle Scop est sur les rails

L’État est actionnaire d’Orange à hauteur de 23%, s’il l’avait voulu, il aurait pu amener l’opérateur à signer un accord, estime Frédéric Mazars. Et sans cet accord, l’État n’est plus obligé d’écraser nos dettes sociales comme il l’avait promis. Durant des mois, on nous a laissé miroiter une solution pour gagner du temps et avoir la paix sociale, mais Orange n’a jamais eu l’intention de nous aider. Et maintenant on va se faire dépecer.

Bien déterminée à préserver son modèle social, la direction de Scopelec planche de son côté sur la création d’une nouvelle Scop pour se porter candidat à une reprise partielle de l’activité. Nous avons déjà le soutien de la région Midi-Pyrénées et de l’Union des Scops, explique Frédéric Mazars. J’en appelle à toutes les autres régions où Scopelec est implantée et j’en appelle aussi à l’État, afin que l’on nous aide à reprendre le plus de salariés possible.

Pour les salariés sociétaires de Scopelec, propriétaires de parts sociales dans l’entreprise, c’est la double peine. On a tout perdu, cela représente plus de 3 millions d’euros, c’est dramatique, explique Frédéric Mazars. Il y a des gens qui ont placé leur épargne dans la Scop. Certains ont perdu plus de 20 000 euros. Tout ça pour faire augmenter les bénéfices d’Orange, qui atteignaient déjà 2 milliards d’euros l’an dernier.

Le militant est d’autant plus amer que le grand gagnant des appels d’offres perdus par Scopelec est Solutions 30, une société basée au Luxembourg et qui travaille avec des travailleurs détachés, donc beaucoup viennent du Portugal déplore-t-il. Et selon lui, cette société pourrait se porter candidate à la reprise d’une grande part de l’activité de Scopelec.

Tous les discours d’Emmanuel Macron sur la nécessité de relocaliser l’activité ne sont que des paroles, poursuit-il. Nous sommes des ouvriers tarnais avec des valeurs, nous faisons face à des entreprises du CAC 40 et nous ne sommes pas respectés. Au final, seule la finance compte.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération