Construction de logements sociaux : à quand une véritable politique publique ?

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Frederic MAIGROT/REA
Article publié dans l’action Dossier Climat

Les 2,4 millions de ménages qui attendent un logement social en France n’ont pas fini de patienter ! Entre 2020 et 2022, 64 % des communes tenues de combler leur déficit de logements sociaux n’ont pas atteint leur objectif légal de production, alors qu’elles n’étaient que 47 % dans ce cas lors du précédent bilan triennal, a révélé en décembre la commission nationale chargée du suivi de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) de 2000. Laquelle impose aux communes d’atteindre un minimum de 20 % ou 25 % de HLM parmi leurs résidences principales d’ici 2025. Conséquence, alors que les objectifs agrégés de production étaient de 278 177 logements HLM en 2020-2022, seuls 186 124 ont été bâtis. Le taux de réalisation total a chuté à 67 % (contre 116 % en 2017-2019). Avec d’extrêmes disparités territoriales. En région Paca, 158 des 166 villes soumises à la loi SRU (soit 95 % !) n’ont pas tenu leurs objectifs... L’opposition de certains élus locaux l’explique pour la fondation Abbé-Pierre, qui appelle à une application plus ferme de la loi.

Les capacités de financement des bailleurs sociaux grevées

Mais ni le non-respect de la loi SRU par les élus locaux, ni la crise sanitaire qui a bouleversé le secteur de la construction ne sauraient, seuls, expliquer la crise sévère que traverse le logement social. La production de HLM s’effondre. Passée depuis 2020 sous les 100 000 logements par an, elle devrait continuer de ralentir pour se stabiliser à une moyenne de 66 000 logements neufs par an à partir de 2030, a alerté en septembre la Caisse des dépôts et consignations. De fait, les bailleurs sociaux ont vu depuis 2018 leurs capacités de financement grevées par une série de décisions politiques, et devraient donc construire beaucoup moins de logements.

La loi de finances pour 2018, qui a instauré la réduction de loyer de solidarité ou RLS, a été le premier coup de boutoir pour le secteur. Il s’est vu obligé de financer cette remise de loyer pour les locataires de logement social (éligibles sous conditions de ressources), laquelle a permis à l’État de faire des économies en réduisant d’autant le coût des aides personnalisées au logement, versées aux locataires concernés. Manque à gagner pour les bailleurs sociaux ? 800 millions en 2018 et 2019, puis 1,3 milliard par an jusqu’en 2022. Le deuxième séisme a été la multiplication par six, de 0,5 % à 3 %, entre février 2022 et février 2023, du taux d’intérêt du livret A, sur lequel sont indexés les taux des emprunts accordés aux organismes HLM, et qui est donc le facteur aggravant du coût de leur dette. Leur endettement a ainsi explosé, avec 6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires depuis 2022, selon l’Union sociale pour l’habitat (USH). Ajoutez-y l’effort de rénovation énergétique de leur parc, que les bailleurs sociaux doivent engager pour tenir les objectifs d’éradication des passoires thermiques fixés par la loi Climat et résilience de 2021 (estimés à plus de 100 milliards d’euros en quinze ans par l’USH), et les marges de manœuvre, pour la construction, apparaissent minimes.

Signés en octobre, les engagements de l’État et du mouvement HLM pour la transition écologique et la production de logements sociaux 2024-2026 ne risquent pas de changer la donne. Même si l’exécutif y promet un plan de soutien de 1,2 milliard d’euros sur trois ans. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, en cours d’adoption, en fait la parfaite démonstration : le soutien au secteur pour la rénovation énergétique s’élève… à 40 millions d’euros. Et le PLF n’intègre pas de réexamen de la RLS.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération