#TDF2017 - Au cœur de la caravane

Actualités par Baptiste Bouthier

Le passage de la caravane attire des milliers de spectateurs. © ASO

Depuis 1930, elle est indissociable du Tour de France. La caravane appartient à la légende de la Grande Boucle, mais comment vit-elle durant trois semaines ? Ses acteurs principaux nous racontent.

Elle est presque centenaire et véhicule des images d’Épinal qui font partie de l’histoire de France, comme les impressionnants véhicules Bic ou Michelin, ou Yvette Horner et son fameux accordéon. La caravane du Tour de France est un mythe indissociable de l’épreuve cycliste elle-même, qui ne peut plus s’en passer. D’ailleurs, les spectateurs au bord de la route chaque mois de juillet la citent spontanément comme l’une des deux raisons principales de leur venue, avec la course elle-même ! Pour les familles, les enfants mais aussi leurs parents bien souvent, pas question de repartir de l’étape sans avoir collecté un cadeau au passage. Il faut être hyper vigilant, témoigne d’ailleurs Patrick Lieau, 60 ans, présent à bord des véhicules de FO Hebdo sur la caravane entre 2012 et 2016, parce qu’il y a des gens qui font vraiment n’importe quoi. Certains sont prêts à mettre les enfants devant les véhicules de la caravane pour les forcer à s’arrêter… Bon, heureusement, les accidents sont très rares.

« Le job d’étudiant que je conseillerais à n’importe qui »

En dehors de ces quelques frayeurs (si vous vous êtes reconnu(e) dans le portrait ci-dessus, ne recommencez plus !), les caravaniers du Tour de France sont unanimes pour parler d’une expérience unique bien qu’épuisante. C’est le job d’étudiant que je conseillerais à n’importe qui ! s’exclame Léonie Roux, 23 ans, qui vient tout juste de terminer ses études et participe à la caravane de Skoda pour la deuxième fois cet été. On part à l’aventure, loin de papa et maman, et puis c’est vraiment bien payé pour un job d’été [environ 1 400 euros minimum, NDLR], sachant qu’on est nourri, logé et blanchi… Il vaut mieux faire ça plutôt que de travailler à la chaîne ! Après, il ne faut pas avoir peur de se lever tôt, de se coucher tard, de devoir un peu faire la bobonne… mettre la main à la pâte quoi ! Il faut dire que les journées sont bien remplies. Tous les matins, la caravane se met en branle deux heures pile avant les coureurs : il faut donc se lever tôt, parcourir la centaine de kilomètres qui sépare bien souvent l’hôtel de la ville-départ, faire le plein, nettoyer les véhicules, se mettre en file… Puis, plus tard, une fois l’arrivée franchie, rebelote : On fait le plein, encore de la route jusqu’au nouvel hôtel, on recharge les goodies à distribuer le lendemain… puis repas et soirée en groupe, les caravaniers se retrouvant souvent au même endroit le soir venu. Et ainsi de suite pendant quasiment un mois !, raconte la jeune femme.

La caravane, c’est une horloge, toute une organisation, reprend Patrick Lieau, qui a été le chef caravanier pour FO Hebdo ces dernières années. On est toujours un peu stressé, on a peur d’un couac ou d’un malade, on est toujours sur le fil. Ma première réaction après quelques jours sur la caravane a été : Quel truc de dingue !, se souvient Maryse Lebel, 24 ans, qui bosse elle aussi cet été, comme les deux précédents, pour les véhicules Skoda. C’est complètement fou, surtout en terme de liens que l’on parvient à tisser en trois semaines à peine. On rencontre des gens d’âge, de milieux sociaux et d’origine très différents, et ils deviennent comme une seconde famille, des amis… Je ne vous cache pas qu’après mon premier Tour, le retour à la réalité a été difficile, s’amuse Léonie Roux. Pendant un mois, on se retrouve tous ensemble à faire de grands repas entre caravaniers le soir, on n’allume jamais la télé, on est dans le rythme à fond… Et d’un coup, on passe de trente à trois à table ! Le retour à la vie réelle, je l’ai pris en pleine face.

« Les gens sont heureux de nous voir »

Mais la caravane c’est surtout, du départ à l’arrivée, l’échange avec le public, les cadeaux que l’on distribue, les sourires sur les visages. On fait forcément des déçus : par jour, une hôtesse va par exemple distribuer entre 1 000 et 2 500 bobs, ce qui est peu par rapport au nombre de spectateurs sur le bord des routes, détaille Léonie Roux. Mais les gens sont joyeux, heureux de nous voir et de voir le Tour, on fait des super rencontres, les enfants sont ravis, il fait beau… Et puis, la caravane met l’ambiance : les cadeaux (goodies) bien sûr, mais aussi la musique à fond, les véhicules plus impressionnants les uns que les autres… Tout cela est évidemment travaillé. Les véhicules d’une marque passent une quinzaine de secondes à la hauteur d’un spectateur, précédés par une autre marque, suivis par une autre encore… Il faut donc être le plus percutant possible, explique Alexandre Vieu, chargé de la caravane chez Ideactif. Cette agence (il en existe d’autres, et c’est auprès d’elles qu’il faut postuler pour travailler sur la caravane) gère en fait la présence de plusieurs marques dans la caravane : cet été, Skoda, Bannette ou encore McCain. On s’occupe de tout : le recrutement, les véhicules, les goodies. C’est dans notre atelier de production que sont imaginés et conçus les véhicules et leurs décors, les tenues des caravaniers… La caravane n’est pas publicitaire pour rien : le but premier est évidemment marketing.

Remettre ça dès que possible

Ce qui n’empêche pas le public de rêver, et les caravaniers de prendre leur pied. Si la plupart d’entre eux sont jeunes, on voit aussi beaucoup de gens plus âgés qui se débrouillent pour poser trois semaines de congés en juillet afin de participer à la caravane, parfois pour la quinzième fois d’affilée… Tous viennent pour le « tourbillon », l’esprit de famille, la découverte et la déconnexion aussi. Parfois, on ne sait plus où on est, s’étonne Patrick Lieau. On traverse la France ou d’autres pays, on voit un peu le paysage, mais on est tellement concentré, vigilant sur la conduite et la distribution que tout cela est un peu virtuel… Au bout de trois semaines, on est épuisé et bien content de rentrer chez soi. Et puis, au bout de deux ou trois jours, on réalise qu’on vient de vivre quelque chose de fantastique. Et le virus prend : rares sont les caravaniers qui ne ressortent pas d’une Grande Boucle avec l’envie de remettre ça dès que possible. Moi, à la fin de mon premier Tour, la nostalgie était énorme et c’était clair : je voulais y retourner l’année suivante ! se souvient Maryse Lebel. Je veux en profiter tant que ma vie, mes études ou mon travail me le permettent. 

Au-delà des amplitudes horaires importantes, le Tour est aussi un moment de convivialité pour les caravaniers. © ASO