La Commission de Bruxelles a débouté Air France de sa plainte déposée en juillet 2011 pour distorsion de concurrence sur le tarmac de Marseille. Dans une décision rendue le 20 février dernier, Bruxelles a estimé que toutes les aides publiques octroyées à l’aéroport provençal pour attirer les opérateurs à bas coûts étaient conformes à la réglementation européenne. Le contentieux portait sur diverses subventions versées par les collectivités locales et représentant quelque 12,3 millions d’euros, dont 7,2 millions pour la construction d’un terminal « low cost » aux redevances aéroportuaires défiant toute concurrence. Avec une mansuétude qu’on ne lui connaissait guère sur les subventions publiques aux entreprises, la Commission a jugé que la concurrence avec les compagnies classiques, comme Air France, n’a pas été faussée car « l’investissement a encouragé l’essor du trafic ». À propos de la différenciation des redevances entre « le terminal traditionnel et le terminal à bas prix », elle ne visait qu’à « augmenter les bénéfices d’exploitation de l’aéroport », qui « a agi comme un investisseur privé en économie de marché (sic) ».
Étant l’opérateur principal sur la plate-forme low cost, la compagnie irlandaise Ryanair a par conséquent gagné sur toute la ligne. « Et ce, sur la base d’arguments fallacieux », selon Jean-Luc Secondi de la FEETS FO, partie civile dans ce dossier. « Pourquoi la Commission autorise-t-elle l’octroi de fonds publics aux low cost et l’interdit aux opérateurs historiques comme Air France ? », lance-t-il, avant de dénoncer « une décision idéologique dont le but est d’accélérer la privatisation du secteur et d’encourager le dumping social ». Car Ryanair s’est surtout distinguée jusqu’ici par son recours abusif à des salariés intérimaires ou détachés sous contrat irlandais. Ce qui lui a valu, en octobre 2013, une condamnation pour travail dissimulé par la justice française : « En refusant de se soumettre à la législation française en matière de cotisations sociales, la compagnie a organisé un véritable dumping social lui permettant de réduire ses coûts d’exploitation et plus particulièrement ceux relatifs au personnel. »
DEUX POIDS DEUX MESURES
Quant à la croissance du trafic, devenue une fin en soi pour Bruxelles, poursuit le syndicaliste, « elle se fait encore et toujours aux dépens de la qualité du service public français (dégradation des prestations aux abords des aéroports et à bord des avions) et de l’emploi ». À ce sujet, les données sont parlantes lorsque l’on feuillette le dernier rapport de branche du transport aérien français (compagnies aériennes, aéroports et sociétés d’assistance en escale). Ainsi entre 2008 et 2012 le trafic a progressé de 7,29%, alors que dans le même temps les effectifs du secteur ont eux baissé de 3,4%. Dans le détail, cela s’est traduit par une réduction de 1,9% des personnels navigants et de 4,1% des personnels au sol. Et le périmètre d’emploi des seules compagnies aériennes a chuté de 6,1%. En cause, les politiques systématiques d’externalisation de services entiers vers des sous-traitants où les conditions de travail et de rémunération sont pressurées, toujours au nom d’une concurrence libre et non faussée.