Accessibilité à l’emploi : encore des freins à lever !

24e journée nationale FO Travail et handicap Collectif

© F. BLANC

Réunir les référents FO handicap et leur permettre de rencontrer certains des décideurs en la matière, mettre au cœur des débats les questions de l’accessibilité à l’emploi, dont numérique, mais aussi la question des réformes concernant le secteur du handicap : telles étaient fin 2023 les visées de la 24e journée nationale Handicap et Travail organisée en novembre par FO au siège de la confédération. Retour sur une journée de rencontres et de témoignages.

Comment un travailleur en situation de handicap peut-il accéder ou se maintenir en emploi si les outils utilisés au quotidien ne lui sont pas accessibles ? Dans mon rectorat, une collègue doit emprunter un monte-charge pour accéder à son lieu de travail, a par exemple indiqué Salima Bouchalta, secrétaire fédérale FNEC FP FO. Alors que ce bâtiment est référencé comme accessible depuis 2005. Quant aux toilettes, les travaux d’aménagement n’ont été lancés qu’en 2023.

Lors de la journée nationale Travail et handicap qui s’est tenue le 7 novembre au siège de la confédération à Paris, la question de l’accessibilité à l’emploi, et sous toutes les formes, était au cœur du programme. Ainsi, derrière les annonces faites par la déléguée interministérielle à l’accessibilité, Isabelle Saurat concernant les divers crédits consacrés à ce sujet (création d’un fonds territorial de 300 millions d’euros pour permettre aux commerces de proximité de se mettre aux normes ou encore annonce – lors de la conférence nationale du handicap d’avril 2023 – du déblocage d’un budget d’1,5 milliard d’euros pour faciliter l’accessibilité physique de tous les lieux publics), c’est aussi l’accessibilité numérique qui inquiète. Des objectifs sont fixés : 100 % d’accessibilité d’ici 5 ans assure-t-elle. Mais pour l’instant, les freins restent bien serrés. Carine Dormy, chargée de mission handicap et égalité professionnelle à la FGF FO a ainsi rappelé que dans le périmètre ministériel rassemblant l’Education nationale, la Jeunesse et les Sports, et l’enseignement supérieur, il existe pas moins de 680 outils numériques et 245 applications en ressources humaines. Il va falloir d’abord simplifier tout cela pour le rendre accessible.

Accessibilité numérique, la fonction publique dans le viseur

Pourtant une première directive européenne sur l’accessibilité numérique a été votée en 2016. Une deuxième, adoptée en 2019 et dont les mesures doivent entrer en vigueur à partir de juin 2025, a été transposée dans le droit français sans aucune consultation des associations parties prenantes ni des organisations syndicales relève Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO au secteur international. Dans ces conditions, peu étonnant que la France affiche un retard considérable…

Afin de prendre enfin, a priori, le taureau par les cornes, une ordonnance conçue pour pousser l’accessibilité des systèmes d’information de la Fonction publique a été publiée indique Carine Dormy. Le texte précise que si ces sites web ne sont pas accessibles à 100 % pour des personnes en situation de handicap, des sanctions seront prises : 50 000 euros d’amende seront infligés, après une mise en demeure de l’Arcom (autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et l’institution aura six mois pour se mettre à niveau, sans quoi une nouvelle amende pourra tomber. Les services de Pôle emploi, des impôts, de l’Urssaf sont concernés… Mais à noter qu’en cas d’amendes, celles-ci ne seront pas versées au FIFPH (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) ou à l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) qui sauraient cependant mettre ces recettes à profit.

Des CHSCT qui manquent beaucoup

Parmi les améliorations, Anne Baltazar, conseillère confédérale FO en charge du handicap, a brossé au cours de cette journée un état des lieux de la réforme de la santé au travail. S’il est trop tôt pour tirer des enseignements de son déploiement, on peut néanmoins saluer la création des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle dont on attend beaucoup pour que des postes adaptés au salarié ou des adaptations de postes soient proposées. La visite de mi carrière (à 45 ans) est également intéressante et son âge pourra être révisé selon les accords de branche pour les secteurs où la pénibilité est importante. Cette visite, conçue comme un droit du travailleur, permettra de vérifier l’adéquation entre l’état de santé et le poste de travail en tenant compte de l’exposition et d’évaluer les risques de désinsertion professionnelle et de sensibiliser aux enjeux du vieillissement au travail.

Bien sûr FO continue de revendiquer le retour des CHSCT, avec leur suppression, nous avons perdu l’expertise de nos militants de terrain, les élus devant condenser leurs interventions dans le temps plus court des CSE. Yohann Laporte chef de mission santé et sécurité du groupe Legrand (un cabinet d’expertise) a regretté que les sujets liés au handicap soient plus rarement amenés en CSE, passant après les sujets financiers. FO souhaite également que les commissions santé sécurité et conditions de travail (au sein des CSE), actuellement obligatoires dans les entreprises comptant 300 salariés ou plus, soient créées dès que l’effectif atteint 50 salariés. Anne Baltazar regrette cependant l’absence dans la réforme d’un renforcement de l’attractivité de la médecine du travail qui demeure le parent pauvre de la médecine.

Droits : des améliorations, mais...

L’impact de la création de France Travail concernera également les travailleurs handicapés. Le rapprochement de Pôle emploi et Cap emploi apparaît dans l’assistance comme un point positif : les conseillers conservant à l’intérieur du nouveau dispositif leurs spécificités, l’accompagnement spécifique devrait être préservé. On
Lors de cette journée organisée par FO, a aussi été salué l’alignement des droits des travailleurs en Esat (établissement ou service d’aide par le travail) sur ceux des salariés ordinaires (aides au transport, droits syndicaux, droit de grève, complémentaire santé etc.) et l’accès aux dispositifs d’aide à l’emploi à toutes les personnes handicapées, même celles ne bénéficiant pas d’une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) mais d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’incapacité. Cela correspond à une revendication de FO de longue date, souligne Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi. En revanche le parcours pour accéder à un emploi en milieu protégé risque d’être alourdi, puisqu’au lieu d’une unique décision de la CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) en faveur des personnes bénéficiaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, il faudra désormais que cette décision transite par France Travail. FO revendique toujours le retour du critère RQTH (supprimé en 2016) comme critère d’accès à une retraite anticipée.

Retraite : Le handicap victime aussi de la réforme

Car côté retraite, malgré ce qu’a pu dire le Gouvernement, les camarades handicapés subissent également un allongement de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein a résumé Michel Beaugas. Il sera certes toujours possible de partir en retraite anticipée à 55 ans.
Mais comme le montrent en effet les tableaux publiés par la Cnav la durée nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein est sensiblement et progressivement augmentée en fonction de l’année de naissance du travailleur : soit une différence de quatre trimestres entre ceux nés avant 1961 et ceux nés à partir de 1973.

L’assurance retraite : Je suis un travailleur handicapé

La même progression s’applique aux personnes affectées d’une incapacité permanente comprise entre 10 et 19 % puisque leur départ anticipé est fixé (à terme) deux avant l’âge légal…

L’assurance maladie : Incapacité permanente : quelles conditions pour un départ anticipé à la retraite ?

Il reste fixé à 60 ans pour un taux d’incapacité supérieur ou égal à 20 %. Et l’âge de départ en retraite pour inaptitude demeure fixé à 62 ans, quel que soit le nombre de trimestres cotisés, avec une pension à taux plein. Sur ce chapitre, Michel Beaugas a donc rappelé les revendications de Force ouvrière : Une diminution de la durée de cotisation exigée pour les travailleurs handicapés, la bonification des droits à la retraite pour chaque année travaillée en situation de handicap, et qu’il n’y ait pas de taux d’incapacité opposable... Le secrétaire confédéral a enfin regretté l’absence de l’Agefiph et du FIFPH de la gouvernance de France Travail. Ils pourront cependant compter sur FO pour réclamer leur présence à tous les niveaux de gouvernance (national, régional, départemental et territoriale).

 

Journée Travail HHandicap 2023-049

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération