Agroalimentaire : liquidation de Bergams, les salariés sous le choc

InFO militante par L’inFO militante, Maud Carlus

Coup de massue pour les 283 salariés de Bergams à Grigny (Essonne). Le tribunal de commerce d’Evry (Essonne) a prononcé le 17 novembre la liquidation judiciaire du site spécialisé dans les sandwiches et plats cuisinés. Alors qu’une grève se poursuit depuis le 13 septembre dans l’usine, soutenus par FO notamment, les salariés cherchent déjà des solutions pour sauver le site et ses emplois.

Pour les salariés de Bergams, en grève depuis plus de 2 mois, c’est le choc, résume Nicolas D’Andrea, délégué syndical FO. Il s’agit d’une liquidation judiciaire sèche, avec le licenciement de 283 personnes, et sans poursuite d’activité. Même la liquidatrice, qui est venue nous voir dès le 18 novembre, avait rarement vu ça.

Cette décision qui vient conclure en quelque sorte douloureusement une grève entamée chez Bergams depuis la mi-septembre par des salariés déterminés à contester un APC mis en place au cœur de la crise sanitaire. L’entreprise bénéficie d’un délai de 21 jours pour fermer ses portes. Une première rencontre a eu lieu le 18 novembre avec la responsable de la liquidation désignée par le tribunal, qui doit prochainement convoquer le CSE et les autres instances afin de lancer officiellement la procédure. La direction a promis des reclassements, mais les salariés craignent l’absence de traduction concrète et pointent l’attitude de la direction. Nous voulons reprendre le travail, mais la direction n’est pas venue depuis 2 semaines, seule la RH continue de venir une fois par semaine, toute activité a cessé.

Tant que la liquidation n’est pas terminée, nous gardons espoir.

Malgré cette situation explique le délégué FO, nous faisons tout pour trouver des solutions. Au niveau syndical, nous allons recevoir la visite du préfet d’Ivry, pour tenter de chercher un repreneur. Tant que la liquidation n’est pas terminée, nous gardons espoir.

Selon Christophe Le Comte, secrétaire général de l’union départementale de l’Essonne (UD-FO 91), une reprise serait possible. L’usine est bien située, près des autoroutes, il y a du bon matériel... C’est un site qui dispose d’atouts intéressants pour un repreneur.

Les efforts des salariés pour sauver le site et ses emplois se conjuguent avec un fort sentiment d’injustice. Ils se sentent abandonnés par la maison-mère. Si le groupe nous suivait, on pourrait continuer et se relancer. Et , Norac est détenu par la 397e fortune de France... souligne le militant. Le groupe agroalimentaire Norac, basé à Rennes, est dirigé par Bruno Caron, 397e fortune française selon le magazine Challenges ). En 2020, ce groupe a réalisé plus de 250 millions d’euros de chiffre s d’affaires.

Un APC voté sous pression

Pour l’UD-FO de l’Essonne, est aux côtés des grévistes depuis le début, cette liquidation judiciaire met en lumière les attitudes de Bergams. C’est la méthode Bergams analyse le secrétaire général de l’UD Christophe Le Comte, et au-delà, celle du groupe Norac. Il y a une volonté de faire des économies par tous les moyens. Le DS FO de l’entreprise nous avait déjà alertés il y a plus d’un an, lorsque sous couvert de la signature d’un accord de chômage partiel, une annexe prévoyait la mise en place de l’APC. Ces signaux contradictoires envoyés par la direction visaient clairement à commencer à réduire la masse salariale tout en diminuant les salaires.

Le secrétaire général de l’UD regrette donc que le tribunal de commerce n’ait pas pris en compte la situation financière du groupe Norac. L’économie du groupe est organisée selon une logique bien précise, il y a des synergies, Bergams fait partie de ce tout, et clairement il aurait fallu considérer la totalité de la situation. Le groupe Norac a les capacités de maintenir l’activité de Bergams, mais ne le souhaite pas.

L’attitude de Bergams est particulièrement révoltante

Sur le plan local, Bergams est le premier employeur privé de Grigny, ville la plus pauvre de France selon l’Observatoire des inégalités (rapport 2020). Étant située en zone franche, l’entreprise a d’ailleurs bénéficié de nombreux avantages financiers, comme le rappelle Christophe Le Comte. L’attitude de Bergams est particulièrement révoltante quand on se souvient des aides publiques que l’entreprise a reçues.

Depuis mi-septembre, les salariés en grève dénonçaient l’application, depuis janvier 2021, d’un accord de performance collective (APC), voté en plein Covid (septembre 2020), visant à réduire la masse salariale, cela dans l’objectif de revenir à un équilibre financier suite aux pertes causées par la pandémie. L’accord prévoyait des diminutions de rémunérations comprises entre 100 et 1000 euros brut par mois, et qui plus est pour un temps de travail hebdomadaire supplémentaire de deux heures et demi. La direction avait refusé de revenir sur cet accord, affiché comme un impératif pour un retour à l’équilibre financier.

La contestation s’étend dans le groupe

Mais la contestation contre ce genre de méthodes commence à s’étendre au sein du groupe. Dans une autre usine Norac, Nor’Pain, située à Val-de-Saâne (Seine-Maritime), les salariés ont fait grève du 8 au 22 novembre à l’appel de trois syndicats dont FO, revendiquant notamment, sur fond de NAO, des augmentations de salaires et de meilleurs conditions de travail. Si la réponse de la direction est loin d’être totalement satisfaisante, elle a été contrainte d’entendre les salariés. Nor’Pain appartient à la marque La Boulangère, industrie dédiée au pain et à la viennoiserie, elle-même filiale du groupe Norac. Or, la Boulangère, dont les objectifs commerciaux n’ont pas été altérés pendant la crise sanitaire, de l’aveu de ses dirigeants, a même renforcé son activité : elle a produit et vendu jusqu’à trois fois plus que la normale en pain, une fois et demi supplémentaire en viennoiserie pendant le premier confinement. La grève qui a eu lieu chez Nor’Pain est-elle Une première fissure dans la machine Norac ?, s’interroge le SG de l’UD FO 91.

A Grigny, les syndicats de Bergams, dont FO, poursuivent la lutte, cherchant à protéger les salariés. Nous savons que nous aurons les indemnisations les plus basses prévues, donc nous allons nous battre pour essayer de responsabiliser le groupe et négocier jusqu’au bout au niveau du CSE, martèle Nicolas D’Andréa.

La cagnotte de soutien aux salariés grévistes de Bergams est toujours en ligne : https://www.cotizup.com/solidarite-grevistes

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Maud Carlus