Un dernier baroud d’honneur ? Certainement pas, prévient Jean-Claude Mailly, même si les organisations syndicales ont décidé de lever le pied sur les manifestations. « Baroud d’honneur signifie qu’on manifeste et qu’après tout le monde rentre à la maison et passe à autre chose. Nous poursuivrons la pression, notamment sur le plan juridique et sur la mise en application de la loi dans les entreprises. »
De l’abstrait au concret
« Tout cela n’est pas fini », confirme Pierre, 58 ans. Comédien, il milite au syndicat des artistes SNLA-FO. « Pour la plupart des salariés, les dispositions de la loi Travail sont pour le moment abstraites. La situation risque d’être différente quand ils vont se rendre compte de tout ce qu’il y a dans cette loi, quand ils le vivront au quotidien. C’est pour cela qu’on continue à expliquer de quoi il en retourne dans les syndicats, dans les boîtes et partout ailleurs. »
Trop de risques pour les salariés
Nathalie, 54 ans, officie dans le secteur de la formation professionnelle pour adultes. Militante chez FO, les manifestations contre la loi Travail, elle les a toutes faites. Pour elle la pilule la plus difficile à avaler est celle de l’inversion de la hiérarchie des normes. « Nous sentons bien qu’il y a une tendance à aller vers la casse de nos accords et vers une augmentation de la pression sur le personnel », remarque-t-elle avant d’ajouter que même s’il n’y a plus de manifestation, pas question d’arrêter de militer pour que cette loi soit revue. « On ne l’accepte pas parce qu’elle génère trop de risques pour les salariés. »
Des droits remis en cause
Benjamin, 38 ans, cheminot, est sur place avec de nombreux collègues. Lui est inquiet du sort qui sera réservé à sa profession. Il explique qu’à la SNCF, les cheminots ont réussi à préserver une partie de leurs droits. Il souhaite que tous les droits dont lui et ses collègues bénéficient soient inscrits dans la convention collective nationale des travailleurs du rail. Afin que toutes les entreprises soient alignées sur les mêmes bases. Cela éviterait que les salariés de la SNCF soient montrés du doigt et désignés comme des privilégiés. Et que leurs droits soient remis en cause de manière récurrente.
La porte ouverte aux QPC
Après la séquence « manifestations », place à une séquence juridique qui prendra la forme de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). « Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les points sur lesquels il avait été saisi », rappelle Jean-Claude Mailly. « Il aurait pu en profiter pour dire que toute la loi était conforme à la constitution, or il ne l’a pas fait. Il a même laissé la porte ouverte à des QPC. »
Dans les entreprises également, les militants FO vont surveiller les effets de la mise en application de la Loi. « Les salariés ressentent de la colère et de l’incompréhension », signale Jean-Claude Mailly. « Et, il n’y a pas qu’eux… j’ai rencontré des députés socialistes qui ne sont ni frondeurs ni "aubrystes" qui ne comprennent pas non plus. »
Publication des décrets d’application
Plus de 70 décrets doivent être publiés au mois d’octobre 2016. Notamment ceux sur le temps de travail, sur le referendum en entreprise ainsi que ceux qui concernent les accords « offensifs ». Ces derniers permettent à un chef d’entreprise de faire travailler ses salariés davantage, sans augmentation de salaire, pour gagner en compétitivité. De quoi entretenir « la colère » et « l’incompréhension » d’une majorité de la société française.