Complémentaire santé, une généralisation trompeuse

Protection par Mathieu Lapprand

L’accès aux soins reste difficile pour la part des Français qui n’ont pas de complémentaire santé. ©Ian HANNING/REA

L’Accord national interprofessionnel de janvier 2013, que FO n’a pas signé, promet de généraliser la complémentaire santé en entreprise à compter du 1er janvier 2016. Mais selon une analyse de l’Irdes, les effets réels, sans être insignifiants, seront limités et, dans les faits, la couverture complémentaire sera loin d’être généralisée.

Si l’Assurance maladie obligatoire finance plus des trois quarts des dépenses de santé, l’accès aux soins reste corrélé à la possession d’un contrat d’assurance complémentaire santé et à la qualité de ce dernier. Or 5 % de la population en étaient dépourvus en 2012 selon l’enquête Santé et Protection sociale. Cette dernière permet, depuis 1988, d’étudier les relations entre l’état de santé, l’accès aux services de santé, l’accès à l’assurance publique et privée et le statut économique et social des individus enquêtés. Elle a ainsi été utilisée par l’Irdes (Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) pour mesurer l’impact de l’introduction de l’ANI sur la proportion et les caractéristiques des individus qui resteront non couverts par une complémentaire santé.

Trois scénarios sont analysés dans l’étude de l’Irdes. Le premier analyse uniquement la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés du secteur privé et amènerait le taux de salariés non couverts à 4 %, soit un point de moins que le taux actuel. Le second scénario ajoute à l’hypothèse de la généralisation, celle de la portabilité pour les chômeurs de moins de un an. Dans ce scénario, ce seraient 3,7 % des salariés qui resteraient exclus d’une couverture complémentaire. Enfin, le troisième intègre les deux précédents et ajoute les éventuels ayants droit comme bénéficiaires de la complémentaire santé généralisée et selon l’Irdes, ce scenario laisserait 2,7 % de salariés sans couverture complémentaire.

Le revenu, principal déterminant pour l’absence de couverture santé

Quelle que soit la solution retenue in fine, la couverture santé complémentaire ne sera donc pas généralisée mais au mieux étendue. En effet , l’analyse montre que si 5 % des salariés ne sont pas couverts en 2012, ce taux est de 13,7 % chez les chômeurs, de 8,9 % chez les hommes ou femmes au foyer et de 11,6 % chez les autres inactifs. Tandis que les actifs en emploi sont ceux qui ont le taux de non-couverture le plus bas (3,7 %) et ceux qui seront les premiers concernés par le nouveau dispositif.

Les 18-30 ans et les plus de 80 ans sont les deux populations les plus exposées à une absence de couverture. Selon l’Irdes, seuls les 18-30 ans bénéficieront de la généralisation de la couverture santé, celle-ci restant sans effet sur les plus de 70 ans et notamment les plus de 80 ans (les moins couverts).

L’étude rappelle enfin que le principal déterminant pour une non-couverture santé reste le revenu. 12,7 % des individus dont le revenu (par unité de consommation) est inférieur à 650 euros par mois, tandis que ce taux est de 0,7 % pour les revenus compris entre 2 000 et 3 000 euros par mois. En conclusion, l’étude met en évidence le fait « que la diminution du taux de non-couverture sera beaucoup plus importante parmi ceux pour qui la non-couverture est choisie plutôt que subie ».


Folio : Un extrait de l’étude de l’Irdes
« Alors même que l’objectif annoncé du gouvernement est de permettre à tous les Français de bénéficier d’une complémentaire santé de qualité, la généralisation de la complémentaire santé d’entreprise, qui exclut de facto les individus qui ne sont pas présents sur le marché du travail et donc, pour une large part, les personnes modestes ou les plus malades, risque donc au contraire de renforcer les inégalités d’accès, de coût et de niveau de couverture au détriment de ceux qui auraient le plus besoin d’une complémentaire santé. »

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante