Congrès : la Fédéchimie FO mobilisée pour le salaire et la retraite

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

Le 22e congrès de la Fédéchimie FO, qui s’est tenu du 20 au 22 juin à Metz, a réuni quelques 250 délégués. Le secrétaire général sortant Hervé Quillet a été réélu à son mandat. Le combat contre la réforme des retraites, la lutte pour les augmentations de salaire et le développement syndical ont été au cœur des interventions des congressistes.

C’est à Metz, en Moselle, que s’est tenu le 22e congrès de la Fédéchimie FO, du 20 au 22 juin. Une terre encore industrielle, malgré les coups portés aux mines et à la sidérurgie comme l’a souligné Alexandre Tott, secrétaire général de l’union départementale FO. Et un territoire qui accueille quelques entreprises emblématiques des secteurs couverts par la fédération, comme TotalEnergies ou les cristalleries Saint-Louis.

Un congrès est l’occasion de faire une rétrospective du mandat écoulé. Et personne n’aurait pu imaginer ce qui allait se passer au cours des quatre dernières années, le covid, le confinement, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l’obstination du gouvernement à réformer les retraites après une première tentative en 2019…, a résumé en ouverture de congrès Hervé Quillet, le secrétaire général fédéral sortant et qui a été réélu à ce mandat.

Le confinement lié à la crise sanitaire du Covid-19 a mis le pays à l’arrêt pendant plus de deux mois, ce qui a entravé l’action syndicale. L’état d’urgence a permis au gouvernement de prendre des dispositions contraires au Code du travail et injustifiées, a dénoncé Hervé Quillet. La période du Covid s’est traduite aussi par le quoi qu’il en coûte avec des mesures exceptionnelles sur l’activité partielle et les prêts garantis par l’état. Pour la fédération, la priorité était de protéger la santé des salariés.

Le dossier de la réforme des retraites était bien sûr au cœur du congrès. Sur la trentaine d’intervenants à la tribune, rares sont ceux qui n’ont pas évoqué le combat mené. Une mobilisation historique de par son ampleur a souligné Pascal Miralles, secrétaire fédéral en charge de la branche chimie à la fédération.

A la raffinerie Exxon Mobil de Port-Jérôme, les salariés ont été de tous les combats, cumulant 18 jours de grève à l’import-export de produits. Virginie Gaden-Marnoto, d’Orano Tricastin, a elle aussi rappelé la forte mobilisation des salariés contre la réforme, y compris lors de la venue de deux ministres sur le site fin avril. C’est une honte de venir se pavaner dans une entreprise où les salariés ont eu des pertes de salaire conséquentes du fait des grèves, a-t-elle dénoncé.

Réforme des retraites : la Fédéchimie n’ira pas négocier dans les branches

Pour Georges Ortéga, de BASF, cette réforme va pénaliser les plus fragiles et augmenter l’âge de départ à la retraite est une bombe à retardement. La proportion de personnes ni en emploi ni à la retraite, les NER, est déjà de 28% chez les personnes de 61 ans, a-t-il alerté. Si on repousse l’âge de départ à 64 ans, elles vont finir au RSA avec en plus une obligation de travailler gratuitement. On a perdu une bataille mais pas la guerre, a-t-il prévenu.

Un argument repris par le secrétaire général de la confédération Frédéric Souillot, qui était présent le 21 juin. Aujourd’hui la moitié de ceux qui liquident leur retraite ne sont déjà plus en emploi, ils ont perdu leur job après 55 ans, et parfois n’en ont pas retrouvé. Et dans votre fédération vous le savez, a-t-il illustré.

Malgré une forte opposition, la loi réformant la retraite a été promulguée le 14 avril. Dans les branches de la chimie et de la plasturgie, certaines organisations syndicales ont déjà demandé l’ouverture de négociations sur les métiers exposés aux facteurs de risques professionnels, en application de l’article 17. Aller négocier dans les branches, ce serait ouvrir la boîte de pandore, a prévenu Hervé Quillet. Une position reprise dans la résolution du congrès qui affirme que la Fédéchimie ne participera à aucune négociation de branche portant sur des articles de la contre-réforme des retraites et plus spécifiquement l’article 17..

Autre combat incontournable de ce congrès, la question des salaires, d’autant plus dans le contexte actuel d’inflation. Le congrès revendique l’augmentation générale des salaires et traitement du privé et du public, des retraites et pensions, allocations, minima sociaux et bourses scolaires au moins à hauteur de l’inflation, et de porter le Smic à 80% du salaire médian. Ainsi que la conditionnalité du versement des aides publiques.

Jezabel Sire, déléguée chez Interspray, une entreprise de 250 salariés spécialisée dans les produits cosmétiques et basée en Dordogne, a évoqué les difficultés des salariés à finir le mois. Les salaires sont tellement faibles que l’entreprise doit verser un complément de salaire pour atteindre le Smic, dénonce-t-elle. Elle appartient pourtant à la famille Fraisse, l’une des 100 familles les plus riches de France. Avec FO, syndicat majoritaire avec 54% des voix, les salariés mènent la bataille. Aux NAO en janvier, ils ont obtenu une augmentation générale de 75 euros par mois ainsi qu’une prime pouvoir d’achat de 600 euros et un assouplissement des conditions d’attribution de l’intéressement et de la participation.

19 milliards d’euros de bénéfices pour TotalEnergies en 2022

Chez Faurecia, devenu Forvia, Laurent Goutard a alerté sur la pénurie de puces électroniques et les ruptures d’approvisionnement qui entraînent de l’activité partielle dans les usines de Saint-Michel-sur-Meurthe (Vosges) et de Bain-sur-Oust (Ille-et-Vilaine). On n’a jamais repris la cadence d’avant-covid, on est passés de 2 500 à 800 véhicules produits par jour, les salariés en souffrent financièrement. Pour 2023, le mot d’ordre de FO, syndicat majoritaire, a été pour l’augmentation des salaires. En janvier, il y a eu 5 jours de grève sur les deux sites, sur 600 salariés, 97% ont cessé le travail. On a obtenu une hausse de 6% d’augmentation générale. Revendiquez, allez jusqu’au bout et ne lâchez rien, a encouragé le militant.

Chez Tryba, lors des NAO de 2023, les salariés se sont mis en grève pour la première fois depuis 43 ans Ils ont obtenu une hausse de salaire de 5%, une prime de 300 euros et la prise en charge de la mutuelle par l’employeur à hauteur de 60%.

Les négociations ont également été fructueuses dans les sociétés du groupe Orano, où FO a obtenu une enveloppe d’augmentations salariales de 6%, dont 4,3% d’augmentation générale. Dans le cadre de la clause de revoyure, actuellement en discussion, la direction propose 1,3% supplémentaire (dont 1,1% d’augmentation générale). Chez Aptar (emballages plastique) FO a obtenu 6,2% aux NAO 2023.

Dans certaines entreprises, la mobilisation pour les salaires a été entravée par des atteintes au droit de grève. Comme chez Exxon mobil, où les salariés ont fait grève durant 24 jours en septembre 2022. Elle s’est finie par une réquisition du gouvernement, a dénoncé Pierre-Antoine Auger.

Chez Tereos, dans les quatre établissements français, les salariés se sont mis en grève fin avril, là encore pour les salaires. La direction a fermé les ateliers et services avec suspension des contrats de travail, sous prétexte que des démarrages et fermetures successifs occasionneraient des problèmes de sécurité, a dénoncé Olivier Aubrun. Les salariés se sont retrouvés sans rémunération ni chômage partiel puisque ce dernier n’est déclenché qu’après trois jours. On appelle ça le lock-out, les salariés sont privés du droit de grève, c’est une nouvelle méthode qui arrive en France. Les NAO se sont malgré tout conclues positivement.

Des négociations salariales laborieuses

Au niveau des branches, les négociations sont plus que difficiles. Dans le secteur du pétrole, malgré les bénéfices énormes - 19 milliards pour TotalEnergies l’an dernier – FO n’a signé aucun accord sur les salaires de 2020 à 2022. Ces gros groupes prennent les aides de l’État et les crédits d’impôts sans contrepartie et contentent uniquement les actionnaires. Ces aides ont représenté 2.4 milliards d’euros pour Total qui avait pourtant les moyens de continuer à verser les salaires durant la crise sanitaire, a souligné Hervé Quillet.

Des négociations ont été engagées dans la branche en 2023, du fait de la hausse du Smic qui a fait passer les premiers niveaux de la grille sous le salaire minimum. Mais on a compris que les augmentations ne concerneraient que les plus bas salaires, ce qui va dénaturer la grille, a dénoncé Jean-François Vapillon, secrétaire fédéral de la branche, qui exige au contraire une augmentation générale de tous les salaires.

Dans la branche du caoutchouc, les négociations salariales n’ont pas abouti. Idem dans le secteur de la chimie, où le patronat n’accorde que le strict minimum. Dans cette branche, le complément de salaire a bondi de près de 10% en quatre ans pour représenter un tiers de la rémunération globale. Les quatre organisations syndicales représentatives dont FO ont décidé de ne plus assister aux réunions de la CPPNI tant que le sujet du pouvoir d’achat n’aura pas été traité.

Dans la branche du plastique, il aura fallu que FO et les trois autres organisations syndicales s’abstiennent de siéger dans toutes les instances liées à la formation professionnelle pour que la chambre patronale accepte de négocier sur les salaires minima impactés par les revalorisations successives du Smic. Un accord a été trouvé an janvier 2023, après plus de six mois de négociations et un bras de fer permanent.

Dans l’industrie nautique, si FO a signé depuis l’an dernier deux accords sur les salaires, les relations avec le patronat ne sont pas pour autant au beau fixe. Celui-ci cherche en effet à obtenir une plus faible valorisation des rémunérations, en tentant de déconnecter des salaires la prime d’ancienneté. C’est hors de question pour FO, qui craint à terme la disparition de cette prime.

Dans la branche du textile naturel, depuis 2021, les salaires on progressé de 12,4%. Hausse à laquelle s’ajoute une augmentation de 2,2% en mai. Mais c’est un rattrapage, on ne fait que dépasser le Smic de 0,2%, idem pour le textile artificiel et synthétique, a relativisé Véronique Breger, déléguée chez Aplix SA, où FO est majoritaire avec 65% des voix. Dans cette entreprise basée près de Nantes (Loire-Atlantique) qui fabrique des auto-agrippant pour les couches enfants ou les vêtements de l’armée, les salariés qui ont débrayé et sont sortis en masse des ateliers lors d’une mobilisation, ont obtenu 6% de hausse de salaire aux NAO 2023. Ce qui ne résout pas les problèmes d’attractivité. Il y a des départs en masse, on a perdu 53 CDI en 2021 et de 72 CDI en 2022, a expliqué la militante. L’entreprise n’arrive pas à recruter, on est trop mal payés. L’an dernier on a dû renoncer à un million d’euros de commandes faute de bras.

Un plan de relance sur le nucléaire

Plusieurs délégués ont aussi évoqué la dégradation des conditions de travail. Chez ExxonMobil, un récent PSE supprime 10% des emplois et réduit de 15% les dépenses. FO a réussi à démontrer l’illégalité d’une partie de ce plan. Le manque de personnel devient ingérable, a témoigné Pierre-Antoine Auger. L’atelier de résine a fermé il y a un mois avec ses 51 emplois, ça crée une surcharge de travail et des situations de stress. On a des problèmes de recrutement, même les dirigeants démissionnent. Les investissements et l’entretien de l’entreprise sont au minimum, il y a eu plusieurs incidents majeurs ces derniers temps.

Tony Conrazier de Chez Eminence, entreprise textile basée dans le Gard avec 450 salariés, a dénoncé le poids croissant de la sous-traitance à l’étranger. Bilan pour les sites français : Les départs à la retraite ne sont plus remplacés, les cadences sont infernales et les salariés usés en fin de carrière, a t-il témoigné.

Yannick Tessier, de chez Orano DS, entreprise spécialisée dans le démantèlement des installations nucléaires, a pointé une sous-traitance à outrance dans son secteur, et une dégradation permanente des conditions de travail. Le personnel absorbe l’essentiel de la baisse des coûts, a-t-il pointé. En cause selon lui, l’absence de convention collective du nucléaire, une revendication portée par FO depuis 50 ans. Nous ne sommes pas une branche traditionnelle, nous n’avons pas de négociations paritaires, nous sommes organisés en union syndicale, a rappelé Yann Perrotte de chez Orano, secrétaire fédéral chargé de la branche Atome et secrétaire général de l’union nationale des syndicats FO de l’énergie nucléaire, de la recherche et des industries connexes (Unsenric).

Sur le nucléaire, Hervé Quillet s’est cependant réjoui du changement de vision du gouvernement, cette énergie décarbonée étant désormais considérée comme bonne pour le climat. Un plan de relance a été mis en place. Ce sont plusieurs centaines de milliers d’emplois non délocalisables pour 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a-t-il rappelé.

Pour FO, faire entendre ses revendications passe par le développement syndical. C’est pour le congrès un objectif prioritaire et impératif pour assurer l’avenir de la Fédéchimie et son indépendance. Les deux tiers des CSE vont être renouvelés d’ici la fin de l’année. Plusieurs bons résultats électoraux ont déjà été annoncés à la tribune. Dans la Somme, FO a remporté 49% des voix chez Procter et Gamble, 68% chez Saint-Frères Enduction et plus de 80% chez Plastic Omnium. FO est également la première organisation syndicale chez Orano, groupe qui compte 15 000 salariés. Le syndicat est arrivé en tête chez Orano Projets, une première, et il conserve sa première place chez Orano enrichissement. Des élections restent à venir chez Orano DS.

Chez Exxon Mobil, FO est devenue première organisation de l’UES en décembre 2022, avec 30% des voix. Le syndicat a aussi remporté 16% des suffrages à Fos-sur-Mer. Chez Faurecia, FO recueille une audience de 85% sur le site vosgien. Sa représentativité dans l’entreprise est passée de 33 à 48%. De nouvelles implantations ont eu lieu dans la branche pétrole comme chez Total ASF, Motul, Shell. Chez Plastic Omnium à Vernon, toute la CFDT a rejoint FO, ça m’a pris 5 ans de travail, s’est félicité Patrick Quandalle.

Des commissions de développement à l’échelle du département

Mickaël Bret, de chez Orano, a appelé au développement et à la syndicalisation auprès des cadres. C’est indispensable, depuis 2019 il y a plus de cadres que d’ouvriers en France et ils seront les plus nombreux en 2050, a-t-il illustré. Chez Orano, FO remporte déjà 20% des voix chez les cadres et affiche un score de 48% chez Framatome à Lyon, entreprise qui ne compte que des cadres.

La création de commissions de développement départementales, issues de la résolution du dernier congrès fédéral a été saluée par divers intervenants. Ces structures permettent à plusieurs branches de se rencontrer pour échanger et définir une stratégie de développement. Elles sont déjà mises en place dans le Rhône, le Bas-Rhin, l’Ain, l’Oise, le Nord…

Plusieurs militants ont dénoncé les effets délétères de la fusion des IRP au sein du CSE. Le dernier mandat a souvent été épuisant avec beaucoup de réunions, trop longues, et dans lesquelles il fallait être expert dans tous les domaines, a témoigné Thierry Girard du CEA. Beaucoup d’élus ne veulent pas renouveler leur mandat, soyez attentifs aux camarades élus pour qu’ils ne soient pas dégoûtés face à la lourdeur du travail syndical. L’interdiction de faire plus de trois mandats successifs engendre un renouvellement des militants. Il va falloir les former, mais le temps de formation qu’on peut libérer est faible, a alerté de son côté Fabrice Mahieu d’Orano.

Thierry Girard du CEA a aussi appelé les militants à ne pas négliger les différents critères en matière de représentativité, sous peine de se voir refuser le dépôt de listes. Et notamment le dépôt des statuts et des comptes au tribunal ou la transparence financière.

Chez Tereos, groupe sucrier, le jeune syndicat FO avait remporté 33% des voix aux élections en 2019. Mais nous avons a été attaqués en justice pour non-respect de la parité sur la liste, une salariée ayant été licenciée juste avant le scrutin, a expliqué Olivier Aubrun. Nous n’avons donc obtenu qu’un seul siège au CSE, mais pour les prochaines élections en octobre on s’attend à un très beau score.

Les combats se passent aussi à l’échelle européenne. Branislav Rugani, secrétaire confédéral chargé de l’international et ancien secrétaire fédéral, a appelé les élus des comités d’entreprise européens à se faire connaître. Le CEE est une instance consultative, il a plus de droits qu’un comité de groupe, nous voulons créer un groupe à la confédération pour avoir des outils de revendication dans les CEE, a-t-il expliqué.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération