Façon Molière, on pourrait interroger : Mais pourquoi diable ne consomment-ils pas plus ?!
C’est parce qu’ils sont prudents et qu’ils n’en n’ont pas vraiment les moyens ! Fin 2022, la consommation des ménages a baissé de 1 %. Elle atteint péniblement 0,1 % au premier trimestre 2023 et serait en recul de 0,2 % sur l’année, selon l’Insee. Dans le détail, la consommation de produits manufacturés reculerait de 3,5 %, dont une baisse de 8,9 % pour les produits agroalimentaires, ou encore de 2,1 % pour les biens d’équipement. Au deuxième trimestre 2023, la consommation des ménages serait en légère baisse (- 0,3 %). L’inflation continuerait en effet de peser sur les achats de produits alimentaires, qui se replieraient pour le sixième trimestre consécutif et tireraient à la baisse la consommation de biens dans son ensemble
, analyse l’Insee, notant le recul depuis un an de l’investissement des ménages, et qui perdurerait. Le recul sur le logement, par la hausse des taux d’emprunt conjuguée à la frilosité des banques, serait de 6,7 % sur 2023. C’est cependant sur la consommation des ménages, moteur de la croissance, que l’exécutif compte pour booster l’économie, produire des richesses et ramener le chômage à 4,5 % en 2027. Mais les travailleurs sont à la peine. D’autant plus face à une inflation certes retombée à 4,5 % sur un an en juin, mais qui depuis plus d’un an pulvérise des scores. Ainsi, plus de 6 % cet hiver avec la hausse des prix des énergies, des biens manufacturés ou encore de l’alimentaire, dont l’inflation se situerait encore à 11,8 % en 2023.
Le moral des ménages toujours très bas
Le contexte salarial, lui, est l’absence (depuis 2012) de coup de pouce au Smic et des hausses de salaires globalement limitées à l’inflation. Début 2023, le SMPT (salaire moyen par tête) réel a baissé de 2,2 % sur un an, alors que fin 2023 il ne serait plus que 0,2 % en deçà de son niveau un an plus tôt. En moyenne sur l’année 2023, malgré une progression nominale prévue de + 5,1 %, le SMPT réel serait 1,3 % plus faible qu’en 2022
, estime l’Insee. En 2023, le pouvoir d’achat par unité de consommation se stabiliserait (+ 0,0 %) après une baisse en 2022 (- 0,4 %)
. Une situation atone, donc. Si elle a très légèrement remonté depuis, en avril dernier les économistes de l’OFCE notaient que la confiance des ménages […] est au plus bas depuis l’été 2022 et se situe à des niveaux historiquement bas
. Les entreprises, elles, ont bon moral. Entre autres causes, leur taux de marge est supérieur de 0,7 point à celui de 2018 et elles bénéficient de mesures de soutien budgétaire et fiscal, dont certaines non pérennes, représentant 1,5 point de valeur ajoutée de plus qu’en 2018
. Les aides publiques (crédits d’impôts, exonérations, …), et toujours sans conditionnalité, représentent environ 160 milliards par an de manque à gagner pour les comptes publics.
Toujours moins de dépenses publiques
L’exécutif entend cependant poursuivre dans le même axe. Visant à ramener le déficit public à 2,7 % du PIB en 2027, il a conçu un programme conjuguant encore des baisses d’impôts, notamment aux entreprises, et une réduction drastique des dépenses publiques. Ce cocktail paradoxal est censé doper l’activité, élever la croissance du PIB à 1,6 % en 2024 et booster l’emploi. Reste à savoir lesquels... Pour le premier trimestre 2023, la Dares (ministère du Travail) note que l’emploi progresse de 0,2 % mais tiré par les contrats courts
. Et de détailler : Les déclarations d’embauche en CDD de moins d’un mois progressent nettement (+ 2,1 % sur le trimestre), alors que les embauches en contrat de plus d’un mois (CDD longs et CDI) reculent (- 0,8 %).
L’exécutif, qui parie dur comme fer sur une croissance à 1 % cette année (contrairement à diverses études économiques qui voient plutôt une croissance autour de 0,6 % à 0,8 %), compte aussi pour les années qui viennent sur les économies induites par les récentes réformes qu’il a imposées. Réformes qui réduisent les droits et impactent les revenus des travailleurs. Il vise 4 milliards d’euros d’économies sur l’Assurance chômage et près de 18 milliards d’ici 2030 concernant les retraites. Il compte aussi, par exemple, sur la fin du bouclier tarifaire sur le gaz, tandis que la suppression cet été aussi des tarifs réglementés sur le gaz risque d’impacter douloureusement les particuliers. Alors que les observateurs soulignent les incertitudes à venir – situation internationale, prix des énergies, remontée des taux… – l’exécutif entend aussi introduire dès 2024 des mesures sévères de réduction des dépenses publiques, 12 milliards d’euros par an au moins. Sont déjà dans le collimateur les remboursements de soins dentaires, les prix des médicaments, les arrêts maladie, les transports de malades en ambulance… Mais ces recettes ultra-libérales connues, zappant la question des salaires et impactant les plus modestes, montrent déjà leurs effets : cette consommation atone qui freine la croissance et qui est l’illustration des difficultés de plus en plus fortes des travailleurs à faire face à la dépense.