Des exonérations fondées sur… une forme de confiance

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

C’est un rapport parlementaire transpartisan qui fera date : premier à être mené sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux entreprises, et premier à tenter d’évaluer l’effet en matière d’emploi et sur la compétitivité de ses trois composantes (les allégements dits Fillon sur les salaires entre 0 et 1,6 Smic, la réduction de cotisations maladie sur les salaires entre 0 et 2,5 Smic, dite « bandeau maladie », et enfin la réduction de cotisations familiales sur les salaires entre 0 et 3,5 Smic, dite « bandeau famille »).

En le présentant fin septembre, pour examen, au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le député Jérôme Guedj – co-rapporteur avec Marc Ferracci – n’y est pas allé par quatre chemins. Il existe très peu d’évaluations de l’efficacité de ces exonérations, qui semblent fondées sur une forme de confiance, a-t-il souligné. La confiance en guise de boussole des politiques publiques ! Le constat est terrible, alors que l’abaissement du coût du travail est devenu la principale politique d’emploi depuis 1993 et avec un manque à gagner budgétaire qui explose depuis dix ans.

Depuis longtemps, les économistes sceptiques

Or, des études critiques d’économistes existent. Conseil d’analyse économique (CAE), France Stratégie, Institut des politiques publiques, Observatoire français des conjonctures économiques, Laboratoire interdisciplinaire de Sciences Po… Tous leurs travaux d’évaluation, notamment du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), se sont montrés critiques quant à l’efficacité des exonérations sociales sur les salaires au-delà de 1,6 Smic.

En 2019, le CAE recommandait, lui, l’abandon des baisses de cotisations au-dessus de 2,5 Smic.
Il existe aussi un « consensus » des économistes sur certaines mesures, a précisé le député Marc Ferracci. C’est le cas pour le « bandeau famille » appliqué aux salaires entre 2,5 et 3,5 Smic, conçu en 2014 et appliqué depuis 2016. Ses effets ? Nuls pour l’emploi, difficilement décelables sur la compétitivité, disent les économistes, quelle que soit leur école de pensée. En substance, ils expliquent que l’impact des allégements dépend de la capacité des entreprises à ne pas répercuter ceux-ci sur les salaires brut, en clair à ne pas les augmenter. Le mécanisme a été décortiqué de longue date : les premiers travaux concernant le possible effet des exonérations de cotisations sociales sur la hausse de l’emploi selon le niveau de revenus datent de… 1993, rappelle le rapport.

S’appuyant sur ce consensus, Jérôme Guedj et Marc Ferracci demandent la suppression du « bandeau famille » sur les salaires entre 2,5 et 3,5 Smic, concédant commencer par le « petit bout ». Effectivement ! Le coût de la mesure pour le budget de l’État (qui compense le manque à gagner pour la branche famille de la Sécurité sociale) est estimé à 1,6 milliard d’euros en 2022, soit 2 % du coût total des exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux entreprises. La commission des affaires sociales a voté en ce sens.

En vain pour l’instant.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération