EDF : FO à l’offensive pour obtenir l’annulation du relèvement du plafond de l’AReNH

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© F. BLANC

La décision de l’exécutif de mettre à contribution EDF, pour payer la facture du blocage des tarifs réglementés, met l’opérateur historique en grandes difficultés financières. Pour la FNEM-FO, l’insuffisante recapitalisation d’EDF, à hauteur de 2,5 milliards d’euros dont 2,1 milliards de fonds publics, ne les résoudra pas. FO, dans le cadre d’une intersyndicale, va mobiliser l’arsenal juridique pour obtenir l’annulation du relèvement du plafond de l’AReNH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique).

C’est un plan d’actions insuffisant qui prépare le démantèlement d’EDF, dénonce Alain André, secrétaire général de FO Energie et Mines (FNEM-FO). La fédération a accueilli de manière extrêmement critique le « plan d’actions », adopté mi-février par l’opérateur public et censé lui permettre de sécuriser sa situation financière.

Il prévoit une recapitalisation d’EDF à hauteur de 2,5 milliards d’euros —dont 2,1 milliards d’euros apportés par l’État, premier actionnaire à 84% du capital— ainsi qu’un plan de cession d’actifs de 3 milliards d’euros entre 2022 et 2024.

Mais ces 2,5 milliards d’euros ne font que consolider les fonds propres du groupe endetté de 43 milliards d’euros fin 2021. Ce n’est pas ça qui va permettre à EDF de restaurer les capacités financières, que l’exécutif a lui-même dégradées de façon inacceptable, martèle le secrétaire général de la FNEM-FO.

Le risque d’« un retour d’un ersatz d’Hercule »

En 2021, EDF aurait pu connaître une année-record avec la hausse des prix de l’électricité. Celle-ci lui rapporte bien 6 milliards d’euros, multipliant par huit son bénéfice net. Mais l’énergéticien va voir amputés ses solides résultats 2021, en hausse de 11 % pour atteindre 18 milliards d’euros d’Ebitda (bénéfices avant charges et impôts, NDLR). Mi-janvier, l’exécutif a en effet décidé d’obliger l’opérateur public à vendre davantage d’électricité nucléaire à prix bradé à ses concurrents, pour tenir la promesse gouvernementale de limiter la hausse des factures d’électricité à 4 % en 2022.

Ce manque à gagner, évalué entre 7,7 et 8,4 milliards d’euros, va s’ajouter aux 11 milliards d’euros de pertes liées aux arrêts de réacteurs. Conséquences, les capacités d’investissement d’EDF sont compromises, alors que ses dépenses à venir sont colossales, entre la prolongation des centrales nucléaires et la transition vers les énergies renouvelables.

Dans ce contexte, pour la FNEM-FO, il est évident qu’une nouvelle augmentation du capital devrait être rapidement décidée après les élections présidentielles. Si cette recapitalisation intervenait dans le cadre d’une nationalisation, c’est-à-dire uniquement avec de l’argent public, la Commission européenne serait saisie et exigerait de l’État français des contreparties, donc des cessions d’actifs, décrypte le secrétaire général de la FNEM-FO, pour qui une telle recapitalisation signifie le retour d’un ersatz du projet Hercule et un possible démantèlement d’EDF.

Aujourd’hui suspendu, grâce notamment à la mobilisation sociale, le projet Hercule aurait pu se traduire par une scission du groupe en trois entités, avec une privatisation des activités les plus rentables.

Un nouveau rehaussement du plafond de l’AReNH déjà réclamé

Depuis que l’exécutif a annoncé mi-janvier son intention de mettre à contribution EDF, pour payer la facture du blocage des tarifs réglementés, FO est à l’offensive contre cette décision jugée scandaleuse. Pour la FNEM-FO, le plafonnement à 4 % de la hausse des tarifs —qu’elle approuve— doit être assumé par l’État, au travers d’une baisse de la TVA à 5,5 %, et non par l’opérateur public historique.

L’exécutif a prévu d’augmenter, en 2022, de 100 à 120 térawattheures (TWh) le volume d’électricité nucléaire qu’EDF doit vendre à prix réduit à ses concurrents dans le cadre du dispositif AReNH (pour Accès Régulé à l’électricité Nucléaire Historique), ce qui soutient artificiellement leurs offres à leurs clients. Concomitamment, l’exécutif a prévu d’augmenter le prix de vente du mégawattheure cédé, de 42 à 46 euros. Sauf qu’EDF a déjà vendu ces 20 TWh et va donc devoir se fournir sur un marché toujours au plus haut, pour ensuite brader cette électricité. Le pire, c’est que les fournisseurs dits alternatifs réclament un nouveau rehaussement du plafond de l’AReNH pour 2023 et qu’il n’y a aucun engagement écrit de l’État qu’ils n’auront pas satisfaction, explique la FNEM-FO.

Dépôt de plainte devant la Commission européenne

Pleinement mobilisées pour obtenir l’annulation du relèvement du plafond de l’AReNH, FO et l’intersyndicale EDF, à laquelle elle appartient et que soutient chaque fédération respective, ont décidé de déployer l’arsenal juridique. Les organisations ont annoncé le 11 mars qu’elles allaient déposer plainte dans les prochains jours devant la Commission européenne, pour contester la hausse du plafond de l’AReNH. Selon elles, celle-ci contreviendrait au droit communautaire, et instituerait un régime d’aides illégalement mis en place. A l’appui de leur plainte, les organisations demandent à la Commission européenne d’ouvrir une procédure d’examen formel à l’encontre du gouvernement français sur le sujet, et de demander immédiatement à la France de suspendre le dispositif.

Ce n’est pas tout. Sitôt parus les décrets et arrêtés-socles relevant le plafond de l’AReNH et le prix de vente, nous allons les attaquer devant le Conseil d’État, prévient Alain André, secrétaire général de la FNEM-FO. Ces textes, attendus avant le 1er avril, date prévue par l’exécutif pour le relèvement du plafond de l’AReNH, ont été publiés le 12 mars.

Et, précise le militant, nous ne nous interdisons pas d’appeler à la mobilisation, de façon mesurée et proportionnée, pour défendre le service public de l’électricité.

La mobilisation du 26 janvier, à l’appel de l’intersyndicale, avait été suivie par plus de 37 % des salariés d’EDF sur la matinée et, par près de la moitié des salariés, sur la journée.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération