Si la réforme du baccalauréat est mise en place depuis l’année scolaire 2018, cette année sera la première de pleine application. Pour la première fois, comme il était initialement prévu, les épreuves de spécialités auront bien lieu en mars. Les dernières années, sur fond de bouleversement dû à l’épidémie du Covid-19, elles avaient été reportées parfois de plusieurs mois.
Symbole du passage au ministère de l’Éducation, pendant cinq ans, de Jean-Michel Blanquer, les réformes du baccalauréat et du lycée ont conduit à la fin des séries S, L et ES, remplacées par des enseignements de spécialités, au nombre de trois en Première et de deux en Terminale.
Conséquence sur l’examen de l’année de Terminale : la mise en place du contrôle continu ainsi que ces épreuves au mois de mars. Un calendrier imposé pour que ces notes soient intégrées dans les dossiers Parcoursup des élèves
, a expliqué Reynald Diranzo, secrétaire départemental du syndicat national Force Ouvrière des lycées et collèges (SNFOLC), lors d’une conférence de presse le 25 janvier.
Un système empêchant des marges de manœuvre
FO continue, inlassablement, de se mobiliser contre ces réformes qui affectent les enseignants, stressent les élèves et désorganisent le lycée général. Alors que de nombreuses associations d’enseignants spécialisées se mobilisaient le jour-même aux abords du ministère de l’Éducation nationale, le syndicat s’est joint à leur action. Avec eux, nous demandons le report de ces épreuves de spécialités de mars à juin,
Pour la militante, le ministère a mis en place un système empêchant toute marge de manœuvre : soit ses mesures passent, soit c’est dans la rue que cela se joue. Il n’y a pas d’entre-deux.
Elle fait le parallèle avec la réforme des retraite et remarque que la mobilisation contre cette dernière catalyse les mécontentement
. C’est la jonction des colères. Les enseignants n’en peuvent plus et si le mouvement continue jusqu’au mois de mars, se posera la question de la grève durant ces épreuves de spécialités.
Des programmes impossibles à finir ?
Pour les enseignants comme les élèves, la tenue de ces épreuves de spécialités en mars pose bien des problèmes. Alors que les programmes des spécialités sont plus lourds qu’à l’époque des séries S, L et ES, les collègues prennent du retard pour boucler les programmes avant les épreuves,
Une autre problématique inquiète les enseignants : comment garder l’attention des élèves de mars à juin ? Alors que les épreuves sont passées, qu’ils doivent préparer leur oral ou le bac de philo —la seule épreuve qui demeure—, et que les réponses de Parcoursup se font attendre.
Un changement de paradigme
Surtout, le contrôle continu mis en place par la réforme stresse les élèves et angoisse les familles. Les enseignants font face à des demandes de davantage de contrôles, ou des remises en question de leurs notes. On leur demande en effet de les remonter
, témoigne le militant. D’ailleurs, dans le cadre des épreuves en mars, il n’est pas impossible que les enseignants soient plus cléments avec les élèves, pour ne pas les pénaliser dans leur affectation dans le supérieur
, reconnaît-il. C’est un changement de paradigme,
Car cette réforme a également amené un bac « maison », propre à chaque établissement, cela avec des paramètres comme les consignes données aux enseignants ou encore l’attitude de ces derniers face aux consignes. Est-ce qu’un baccalauréat obtenu dans un lycée de Seine-Saint-Denis sera considéré comme équivalent à celui obtenu dans un grand lycée de Bordeaux ?
, interroge Reynald Diranzo. Et dans le cadre de Parcoursup, cela n’est pas un détail, loin de là.
Si l’on connaît l’algorithme national de Parcoursup, la procédure permet à chaque formation d’avoir ses algorithmes locaux, autrement dit, les critères pris en compte pour classer les candidatures, avec des éléments qui sont bonifiés. Dans les algorithmes locaux, est-ce que le lycée d’origine est pris en compte ? Dans ce cas, quid de l’égalité entre les élèves ?
Pour le SNFOLC, et plus largement la FNEC-FP-FO, l’urgence est de revenir à un bac national et anonyme.
Des élèves stressés par leur orientation
Enseignant de maths au lycée, le militant constate que les élèves ne sont pas touchés par le stress seulement en Terminale. Reynald Diranzo raconte : Lors d’un conseil de classe de 4e, je félicite une de mes élèves. Elle est douée, participe en classe, a 18 de moyenne. Sa réponse : je ne sais pas si ça me permettra d’avoir quelque chose après le bac
. La réforme exige en effet des élèves qu’ils réfléchissent très tôt à leur orientation. Leur choix de spécialités, à la fin de la Seconde, conditionne également leur poursuite d’études dans le supérieur.
Face à des déceptions ou pour juste s’extirper de l’angoisse de la procédure, les jeunes et leurs familles se tournent vers des formations privées, qui recrutent hors de Parcoursup. On les rend responsables de leur échec. Alors que le problème est structurel : il n’y a pas assez de places dans les universités ou les formations publiques pour accueillir tous les néo-bacheliers
, s’indigne Reynald Diranzo.
Des réformes plus comptables que pédagogiques
La réforme du lycée, et bien d’autres appliquées à l’Éducation nationale, depuis la présidence d’Emmanuel Macron cache une logique comptable. Alors que les concours de recrutement peinent à faire le plein de candidats, remarque l’enseignant girondin, le ministre, Pap Ndiaye, a annoncé le retour des mathématiques dans le tronc commun mais cela demandera au moins 400 enseignants supplémentaires. Où les trouver ?
Edith Bouratchik voit, elle, une tendance inquiétante qui se dessine : la suppression des postes annoncée un beau jour pour le lendemain
. Les enseignants de maths ont vu leur nombre d’heures diminuer avec la réforme, ceux de technologie vont voir leur matière disparaître des emplois du temps de 6e, comme l’a annoncé le ministre en janvier. Dans ce contexte-là, on s’inquiète et on s’interroge : qui seront les prochains ?