Face à des hôpitaux en surchauffe, FO exige des moyens

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

© HAMILTON/REA

Manque de lits, services fermés, urgences saturées, personnels en sous-effectifs… La situation dans les hôpitaux empire d’année en année sur tout le territoire et la crise atteint son paroxysme durant les congés d’été. Ces dernières semaines, plusieurs syndicats FO ont tiré la sonnette d’alarme.

A force de ne pas mettre les moyens dans les hôpitaux, d’appliquer une politique toujours plus ambulatoire, une politique de diminution de lits d’hospitalisation complète, une diminution de lits la nuit et le week-end, on en arrive à ne plus pouvoir assurer la continuité des soins, a alerté le syndicat FO des hôpitaux publics de Paris (AP-HP) dans un communiqué daté du 18 août.

Faute de place dans les hôpitaux spécialisés de région parisienne, un nourrisson atteint de bronchiolite a dû être transféré à Rouen mi-août. A l’hôpital pédiatrique Robert Debré, le 17 août, la moitié des lits de pédiatrie générale et de réanimation était fermée selon FO. Le syndicat revendique notamment l’embauche de 10 000 personnels avec le statut AP-HP et la réouverture de tous les lits et services fermés.

A Strasbourg, dans le Bas-Rhin, une dizaine de véhicules de secours, dont deux camions des sapeurs-pompiers, ont été contraints de patienter pour certains durant plus de trois heures à l’extérieur des urgences du Nouvel hôpital civil, le 16 août au soir, avant de pouvoir faire prendre en charge leurs passagers. Le service, saturé, tournait alors à 190% de ses capacités selon le syndicat FO des hôpitaux universitaires de Strasbourg, cité par Les dernières nouvelles d’Alsace. Le syndicat a lancé un droit d’alerte et écrit au nouveau ministre de la Santé Aurélien Rousseau.

La situation n’est guère enviable en zone rurale. A Saint-Flour, dans le Cantal, le syndicat FO a écrit fin juillet aux élus locaux pour les alerter sur la situation très critique du centre hospitalier. Le syndicat, cité par le journal La Montagne, dénonce notamment des difficultés pour recruter du personnel médical toutes spécialités confondues. Ce manque de personnel a entraîné la fermeture de lits et de services, ce qui, par ricochet, a provoqué un engorgement des urgences. Selon le journal local, la ligne téléphonique du Smur a même été désactivée les nuits du 24 et du 25 juillet. Ces difficultés de personnel touchent aussi les services d’imagerie, les consultations externes ou l’informatique.

Des pertes de chances pour les patients

A Chinon (Indre-et-Loire), les urgences ont fermé dans la nuit du 18 au 19 août par manque de personnel et le syndicat FO demande là aussi des moyens pour le centre hospitalier, selon La Nouvelle République. Effectifs insuffisants, fermetures de lits, dégradation des conditions de travail… FO devrait prochainement appeler le personnel et les usagers à se mobiliser pour manifester leur mécontentement et réclamer des moyens.

Le gouvernement ne semble pas prendre la mesure de la grave crise que traverse l’hôpital. Le nouveau ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a déclaré le 18 août sur France info que l’hôpital fera face. Il a tout de même reconnu le lendemain sur France Inter que sur les 380 services d’urgences des hôpitaux publics, cinq sont complètement fermés et une quarantaine est amenée à fermer partiellement, notamment la nuit. Par ailleurs, 18% des urgences ne sont accessibles qu’après un appel au Samu.

La situation en 2023 est pire qu’en 2022, dénonce Gilles Gadier, secrétaire fédéral à la fédération des services publics et de santé SPS-FO. Ce n’est pas possible de continuer à gérer l’hôpital de la sorte. Quand on manque de professionnels, qu’il y a des heures d’attente aux urgences et qu’il faut préalablement passer par le 15, il y a des pertes de chance manifestes pour les patients (ndlr : de voir leur état de santé s’améliorer) que personne ne peut contester. Et on s’installe dans un continuum d’une politique qui ne prend pas en compte les besoins de la population en matière de prise en charge.

Alors que l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) doit être dévoilé en septembre prochain, la fédération n’est guère optimiste. Nous sommes plus que dubitatifs sur la volonté du gouvernement de prendre en compte la situation des établissements de santé, des Ehpad et des établissement sociaux et médicaux sociaux, ajoute Gilles Gadier.

103 000 lits d’hôpitaux fermés depuis l’an 2000

Le militant rappelle que la France a perdu 103 000 lits d’hospitalisation entre 2000 et 2023, passant de 485 000 lits à 382 000 lits actuellement, alors que sur cette même période la population est passée de 60.9 à 68.1 millions de personnes. La situation est telle que depuis 2010, on a créé des postes de bed-manager dans les hôpitaux, ce sont des gens chargés de trouver des lits pour hospitaliser les patients à la sortie des urgences. Des fermetures qui ont continué malgré la crise sanitaire du Covid, avec 5 758 lits en moins en 2020 et 4 600 suppressions en 2021. Les conditions de travail sont devenues catastrophiques, les personnels sont démotivés alors que nos métiers suscitent un engagement fort, et la rémunération n’est pas attractive.

Illustration, près d’une infirmière hospitalière sur deux quitte l’hôpital et parfois change même de métier après dix ans de carrière, selon une étude des ministères sociaux (Drees) rendue publique le 24 août, et qui porte sur la période 1989-2019.

La fédération SPS-FO demande un véritable plan Marshall d’investissement. Elle revendique 200 000 créations de postes pour l’hôpital et les secteurs de la santé, du social et du médico-social. Il faut rendre les métiers attractifs, ouvrir d’avantage de places dans les écoles de formation et réaliser des embauches avec des salaires attractifs pour donner des perspectives, ajoute Gilles Gadier.

La fédération des services publics et de santé FO a proposé aux syndicats représentatifs de la fonction publique hospitalière et aux syndicats de médecins de se constituer en intersyndicale, avec plateforme revendicative et actions communes dès la rentrée. Sauver l’hôpital ne pourra passer que par une mobilisation massive et durable pour alerter la population et faire entendre raison au gouvernement qui ne semble pas prendre la mesure de la situation, prévient Gilles Gadier.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération