Finances publiques : la domination d’un credo d’austérité truffé d’invraisemblances

InFO militante par Valérie Forgeront, L’inFO militante

L’exécutif, qui organise ce 19 juin des Assises des Finances publiques, entend placer 2024 sous le signe d’une forte réduction des dépenses publiques. Tout en poursuivant, entre autres paradoxes, une politique d’abaissement de la fiscalité.

La culture de la dette, c’est juste pour remettre de l’austérité lançait le secrétaire général de FO, le 9 juin, devant le congrès de la Fnec FP-FO réuni à Angers. Et Frédéric Souillot de pointer un paradoxe qui en dit long sur la posture budgétaire adoptée par le gouvernement lequel prône un recul sévère des dépenses publiques pour une réduction drastique d’ici 2027 du déficit public (État, collectivités territoriales et sécurité sociale) à 2,7% du PIB ainsi qu’une réduction de la dette. Par le retard de compensation apportée aux comptes sociaux concernant le manque à gagner qu’induisent les exonérations sur les cotisations sociales, les intérêts de cette dette augmentent. Et l’État paye ainsi neuf millions d’euros d’intérêts chaque trimestre !, s’indignait Frédéric Souillot rappelant au passage que les aides publiques aux entreprises -accordées toujours sans aucune conditionnalité- affichent désormais un montant de 167 milliards d’euros par an. Si l’on veut trouver de l’argent, on en a là !

Le retour de la règle d’un déficit à moins de 3% du PIB

Mais ce n’est pas l’axe choisi par l’exécutif qui ne cesse d’appeler à la « maîtrise » des dépenses publiques. Ce qui en langage moins feutré signifie les réduire. Dès janvier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, annonçait des réductions de dépenses significatives dès 2024, convoquant notamment l’argument de la hausse des taux d’intérêts d’emprunts qui menaçait d’alourdir gravement la charge de la dette... Et le discours ministériel se fait d’autant sévère que 2024 s’annonce comme l’année, a priori, du retour du pacte de stabilité européen (après sa suspension pendant la pandémie), et notamment de sa règle sur les déficits publics (3% du PIB, maximum). Le programme de stabilité 2023-2027 transmis par la France à Bruxelles prévoit déjà une réduction de 0,8% par an en volume des dépenses de l’État. Selon ce programme, la part des dépenses publiques dans le PIB passerait de 56,9% du PIB en 2023 (elle était de 58,4% en 2021) à 54% en 2027.

Le gouvernement qui a d’ores et déjà lancé une revue des dépenses de chaque secteur de l’État, doit organiser aussi le 19 juin des assises des Finances publiques. Elle seront l’occasion d’identifier les premières mesures d’économies, pour plusieurs milliards d’euros, que nous mettrons en œuvre dans le cadre du projet de loi de Finances pour 2024 précise Bruno Le Maire. Pour lui, des économies pourraient être recherchées entre autres dans la gestion de l’État social. Parallèlement, le gouvernement a présenté au Parlement une loi de programmation militaire (adoptée par l’Assemblée en première lecture le 7 juin) affichant une hausse des dépenses, à 413 milliards d’ici 2030...

Un manque à gagner qui s’amplifie

Si l’exécutif prévoit de poursuivre sa politique de réduction des dépenses publiques, il maintient paradoxalement la baisse de la fiscalité, notamment celle des entreprises (suppression sur deux ans des impôts de production, impôt sur les sociétés ramené à 25%), cela au nom de la croissance et de l’attractivité de la France. Des largesses qui s’ajoutent à d’autres, tels les crédits d’impôts, exonérations de cotisations sociales... Ce qui amplifie le manque à gagner pour les comptes publics.

Parmi les conséquences ? Le constat de la mise à mal des moyens des services publics, dont en effectifs. Quant au poids du paramètre budgétaire sur les projets et réformes présentés... La réalisation d’économies ou au minimum l’absence de surcoût est ainsi érigée en totem. La transition écologique n’échappe pas à cet axe. Pour une partie de son financement, l’exécutif préconise ainsi de s’appuyer sur les économies (à hauteur de sept milliards d’euros) qu’auront réalisées les secteurs ministériels, enjoints de réduire leurs dépenses de 5% en 2024. Le projet Industrie verte conçoit lui une sorte de redéploiement de crédits d’impôts. L’effet de celui -pour deux milliards d’euros d’ici 2027- accordé aux entreprises pour le verdissement de leurs activités serait compensé par une réduction des mesures fiscales sur les énergies fossiles et les véhicules polluants. Ce qui fait craindre un manque de soutien aux emplois relevant de ces secteurs. En mai, une étude de la Dares soulignait de son côté les risques pour certains métiers et bassins d’emploi et évoquait la nécessité « d’accompagner la montée en formation » des salariés impactés. Ce qui requiert des moyens à la hauteur.

Des riches de plus en plus riches…

Dans un rapport rendu fin mai à la Première ministre, l’économisme Jean Pisani-Ferry a souligné, lui, la dette supplémentaire que représentera la transformation écologique d’ici 2030, soit 250 à 300 milliards, cela avec des investissements publics à hauteur de 34 milliards par an. Pour faire face, l’économique a évoqué notamment la possibilité de solliciter les 10% de ménages les plus riches, en créant un prélèvement exceptionnel et temporaire, pour un rendement de 5 milliards par an (globalement celui de l’ancien ISF). Le gouvernement a balayé cette possibilité immédiatement.

Le 6 juin une étude de l’institut des politiques publiques, révélait, elle, que plus on est riche, plus l’impôt est dégressif, passant d’une imposition à 46% pour les 0,1% des plus riches à 26% pour les très très riches. Le 9 juin, FO réitérant sa revendication d’une véritable réforme fiscale réhabilitant un impôt véritablement progressif en fonction des facultés contributives de chacun rappelait que la suppression de l’ISF, l’instauration du prélèvement forfaitaires unique (PFU) sur les revenus financiers, la réforme de l’exit-tax en 2017 visant à alléger la taxation des plus-values latentes des chefs d’entreprise expatriés ou encore la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés aggravent les inégalités existantes.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération