Au printemps dernier, le chef de l’État annonçait pour 2017 une possible mesure de baisse des impôts -à hauteur de deux milliards- en cas de croissance atteignant 1,7% du PIB.
La croissance présentant des signes inquiétants d’atonie (0% en ce troisième trimestre 2016), la mesure fiscale s’adressant aux ménages sera finalement plus modeste que prévue indique le gouvernement.
Le ministre de l’Economie, Michel Sapin, a ainsi annoncé ce 9 septembre une baisse d’impôts à hauteur de un milliard en 2017.
La proposition sera présentée fin septembre par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 et consistera en « une réduction d’impôt sur le revenu de 20% au bénéfice des classes moyennes ». Cinq millions de contribuables devraient être concernés par la mesure sur l’impôt sur le revenu (impôt dont s’acquitte désormais moins de la moitié des foyers fiscaux).
Concrètement explique Bercy cette mesure bénéficiera, à taux plein, aux célibataires gagnant jusqu’à 1 700 euros nets/mois et aux couples gagnant jusqu’à 3 400 euros. Ces plafonds seront augmentés pour les familles avec enfants et par ailleurs un lissage est prévu, y compris pour les célibataires, pour éviter les effets de seuil.
A cette disposition s’en ajoutera une autre. La réduction d’impôt accordée jusque-là aux contribuables (actifs et retraités) imposables sur les services à la personne ou l’emploi de salariés à domicile sera transformée en crédit d’impôt.
Cette mesure qui s’appliquera aux impôts payés en 2018 s’adressera à tous les ménages « quels que soient leurs revenus ». Visant notamment les retraités non imposables, la mesure devrait concerner 1,3 million de ménages et « représenter une aide supplémentaire de un milliard d’euros ».
Pression fiscale : hausse globale de 42,6 milliards depuis 2012
Lors de cette annonce de mesures fiscales à destination des ménages, le ministre de l’Economie s’est plu à souligner que par les mesures prises à trois reprises depuis 2014 « les baisses d’impôt sur le revenu atteindront donc six milliards » en 2017. Certes.
Derrière cette proclamation visant à démontrer la baisse patente de la pression fiscale sur les ménages se cachent toutefois des chiffres qui ont de quoi pondérer l’exaltation gouvernementale…
Ainsi des économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) publiaient ce 5 septembre une étude comparant notamment l’évolution de la pression fiscale sur les entreprises et celle sur les ménages depuis 2012.
L’étude révèle que depuis 2012 (en incluant les derniers mois du précédent mandat présidentiel), les nouvelles mesures en prélèvements obligatoires ont conduit à une augmentation globale de 42,6 milliards de la pression fiscale.
Ce poids est pour le moins inégalement réparti entre les ménages et les entreprises. Mais l’OFCE identifie d’une part les mesures ayant conduit à une pression fiscale en hausse de 47,3 milliards sur les ménages, d’autre part celles qui ont généré une baisse de 18,5 milliards pour les entreprises et, enfin, une hausse de près de 14 milliards répartie entre ménages et entreprises.
Ménages : une pression fiscale toujours à la hausse
Entre 2012 et 2017, sous le seul mandat présidentiel actuel, la pression sur les entreprises aura baissé de 20,6 milliards quand celle sur les ménages aura augmenté de 35 milliards.
Pour les économistes de l’OFCE, 2014 marque un tournant dans la politique fiscale avec un coup d’arrêt à la hausse des prélèvements sur les entreprises.
Une hausse qui depuis a été « plus que compensée principalement par le CICE et le Pacte de Responsabilité » puisque les entreprises auront ainsi bénéficié d’ici 2017 de 100 milliards en termes d’allègements d’impôts et de cotisations sociales.
A titre d’exemple, les cotisations sociales patronales, nettes, représentaient 20,4% d’un Smic brut en 2007, 20,7% en 2012 mais plus que 10,4% en 2015 indiquait cet été un rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale, rédigé par le rapporteur du budget, Mme Valérie Rabault.
Le pouvoir d’achat des ménages « fortement entamé »
D’ici 2017 analysent les économistes « cette politique incarnée par le Pacte de Responsabilité et le CICE, aura porté ses fruits avec le rétablissement des marges des entreprises mais aura fortement entamé le pouvoir d’achat des ménages et la croissance à court terme ».
En 2016 indique l’OFCE, « le pouvoir d’achat des ménages est toujours inférieur de 350 euros par apport à son niveau de 2010 ».
Pour l’OFCE en effet, « la fiscalité des ménages a continué à progresser (+15 milliards), en 2014 avec notamment la hausse des taux de TVA. Ce mouvement s’est poursuivi, de façon plus modérée après 2014, malgré les baisses décidées sur les premières tranches de l’IRPP (impôt sur le revenu) ».
Entre 2012 et 2017 « la contribution des ménages passe essentiellement par la hausse des impôts sur le revenu (IRPP et CSG), sur le patrimoine (ISF) et par la hausse des cotisations sociales, notamment au moment de la réforme des retraites ».
Le rapport de la commission des finances de l’Assemblée souligne lui aussi la forte hausse de la pression fiscale sur les ménages depuis quelques années.
En 2007, la part des prélèvements obligatoires pesant sur les ménages représentait 22,91% du PIB. En 2015, cette part grimpait à 25,45%. Dans le même temps le poids de la fiscalité des entreprises rapporté au PIB représentait 18,60%, en baisse depuis 2007.
Le choix de nouveaux cadeaux aux entreprises
Dès 2012 souligne de son côté l’OFCE, pour contrer des « difficultés économiques profondes » (croissance faible, dette publique à la hausse, fort chômage…), l’État a fait des choix tout en visant l’objectif de respecter le pacte européen de stabilité économique exigeant de ramener le déficit public sous le seuil des 3% de PIB à l’horizon 2017.
« Le travail d’assainissement des finances publiques aura conduit à un ajustement budgétaire conséquent, en repoussant cependant l’objectif de 3 % de déficit public à la fin du quinquennat. Il est cependant probable que le même résultat ait pu être atteint avec une évolution plus graduelle de la fiscalité » estime l’OFCE.
Les entreprises, elles sont quant à elles ces dernières années les grandes bénéficiaires en matière de fiscalité. Et dévoilant les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2017, l’État a d’ores et déjà annoncé la poursuite des cadeaux.
Entre autre choses, le taux de l’impôt sur les sociétés sera ramené à 28% (contre 33,3%) pour les PME avant une généralisation prévue pour toutes les entreprises à partir de 2020.
Quant au CICE, il s’appliquera à 7% de la masse salariale (pour les salaires jusqu’à 2,5 Smic) des entreprises contre 6% actuellement. Cette nouvelle montée en puissance du crédit d’impôt induira à elle seule un manque à gagner supplémentaire de plus de trois milliards pour l’État.