Galeries Lafayette : les salariés inquiets après l’annonce de la cession de onze magasins en 2022

InFO militante par L’inFO militante, Maud Carlus

© Xavier POPY/REA

Annoncé à l’été 2021 par la direction de l’enseigne, ce projet de cession de plusieurs magasins, avec affiliation, concernera 889 salariés. Dénonçant l’impact social de cette opération dont elle demande le retrait, la Section FEC FO des Galeries Lafayette a refusé de parapher, à l’issue de négociations, l’accord portant sur un socle de garanties minimum à respecter par les repreneurs. Ces « garanties » sont nettement insuffisantes expliquent les militants soulignant les craintes des salariés quant à l’avenir des emplois et de leurs acquis sociaux.

Après la cession en 2018 de vingt-deux magasins (repris par le groupe Hermione People & Brand), onze nouveaux établissements quitteront le giron des Galeries Lafayette courant 2022. Il s’agit des établissements situés à Angers, Dijon, Grenoble, Le Mans, Limoges, Orléans, Reims, Pau, Rosny, Tours et Avignon. Sept de ces magasins seront cédés à la Société des Grands Magasins (SGM), trois iront à Hermione People & Brands, et celui d’Avignon sera cédé à GF HOLDING. Le montant de la transaction n’est pas connu, et par ailleurs les Galeries resteront actionnaires de tous les magasins à hauteur de 20% jusqu’à fin 2024.

Techniquement, il s’agit d’une « cession avec affiliation », c’est-à-dire la vente des fonds de commerce aux repreneurs, mais la conservation de la marque Galeries Lafayette. Les magasins garderont donc cette appellation et continueront de vendre de la marchandise Galeries Lafayette, mais les bénéfices iront aux nouveaux propriétaires.

Les magasins de province sacrifiés

FO s’est fortement opposée à cette opération. Patrick Lafond, délégué syndical central FO des Galeries Lafayette explique ainsi : La direction est en train de sacrifier les magasins de province au détriment des deux magasins parisiens, (Haussmann et Champs Elysées), qui sont un véritable gouffre pour le groupe. Ainsi, pour sauver les magasins considérés comme plus prestigieux aux yeux de l’enseigne, on se débarrasse des autres. Et ce sont les salariés des magasins concernés qui vont payer les conséquences.

Les deux magasins parisiens, en particulier celui situé Boulevard Haussmann, ont beaucoup souffert de la crise sanitaire, en raison des fermetures pendant les confinements successifs et de l’absence de la clientèle étrangère qui constitue une grande part des bénéfices (à hauteur de 70%). Mais la pandémie n’est pas la seule responsable des difficultés affichées par l’enseigne indique le délégué FO. Le Covid a bon dos. La direction évoque la conjoncture économique pour justifier cette cession mais pendant la crise sanitaire, les Galeries ont bénéficié des aides de l’État (chômage partiel) et ont emprunté 300 millions d’euros à taux très intéressant.

Garantie de l’emploi pour 24 mois seulement

A l’annonce du projet, les différentes organisations syndicales au sein du groupe, dont FO, (section FEC-FO), ont obtenu que se tiennent des négociations, cherchant à obtenir des garanties pour les salariés concernés par ces cessions. Les revendications de FO étaient les suivantes : la garantie salariale pendant 4 ans, une prime de transfert de 1 000 euros, la conservation des avantages déjà négociés par les syndicats au cours des années, par exemple la prime de fin d’année, les vacances ou encore la mutuelle, pendant 4 ans, la possibilité d’être muté dans un magasin GL non affilié avec l’intégration à un poste différent, et enfin, la possibilité que tous les membres du CSE Central d’exercer leurs mandats jusqu’aux prochaines élections.

Les repreneurs ont accepté une garantie de l’emploi pour 2 ans seulement, au lieu de 4. La prime de transfert ne sera que de 600 euros brut s. Les avantages MGL (magasins Galerie Lafayette, NDLR) déjà négociés ne seront conservés que 2 années. Côté mutations, la direction de GL a seulement autorisé les salariés à être mutés à poste équivalent. Enfin, les élus seront repris avec leurs mandats syndicaux jusqu’en novembre 2023. Chez Hermione, un CSE Central avait vu le jour lors de la cession de 2018, mais pour la SGM, il va falloir en créer un, ce qui cause encore de nouvelles inquiétudes.

La crainte d’une nouvelle réduction de voilure

Lydie Pouillart, déléguée FO du magasin Galerie Lafayette de Reims, fait partie des salariés concernés par ce changement de direction. Elle confie toute l’inquiétude que ses collègues ressentent à l’approche de la cession. Le magasin compte 68 salariés fixes, et une soixantaine de démonstrateurs, et démonstratrices.

La nouvelle a été un coup de tonnerre, surtout pour les salariés de longue date. Beaucoup sont dépités. Au-delà de l’inquiétude liée à l’emploi et à la perte de certains acquis, nous craignons que l’on nous impose des prestataires extérieurs, ce qui pourrait, à terme, menacer la masse salariale. Et ce cas de figure s’est déjà présenté, puisque depuis le 1er novembre, un prestataire extérieur au magasin de Reims a loué tout un étage, ce qui fait craindre aux salariés une future réduction du personnel.

Passage à la « modulation » des horaires de travail

Ils redoutent également le moins-disant salarial qui pourrait résulter de cette cession, suivant la précédente qui a déjà fait des dégâts. Les salariés des enseignes des Galeries ayant été rachetés en 2018 par la société Hermione People & Brands sont passés à la modulation, c’est-à-dire qu’ils n’ont plus d’horaires fixes. Leurs horaires ne sont plus réguliers comme avant, cela a été très dur à vivre car la vie personnelle est fortement impactée. Il y a des semaines à 24 heures et d’autres à 40, sans avoir son mot à dire. Le 13e mois et la prime vacances avaient été maintenus pour une durée de 3 ans, mais cette durée à présent écoulée, les salariés ne savent pas si les conditions vont changer. Et la militante de préciser que ces derniers avaient aussi perdu la prévoyance au moment de la cession.

Enfin, une crainte supplémentaire porte sur la gestion en tant que telle par les nouveaux propriétaires. A Reims en particulier, ce qui nous fait peur c’est que notre repreneur (la SGM détenue par Frédéric Merlin NDLR), est davantage dans l’immobilier que dans le commerce. La société Hermione par exemple, a déjà 22 magasins depuis 3 ans, donc on sait que les magasins ne sont pas en péril.

Cessions en France, expansion en Asie

Pour les magasins repris par la SGM, dont fait partie celui de Reims, les acquis des accords d’entreprise ne seront maintenus que 15 mois, ajoute la militante. Pour le reste, le repreneur n’a pas répondu à toutes les interrogations des syndicats. Par exemple sur la question de la mutuelle, qui était prise en charge à hauteur de 70% par les Galeries Lafayette, et dont ils ignorent si les repreneurs continueront sur le même principe. En résumé, nous sommes inquiets sur le devenir de nos acquis sociaux à l’issue des 24 mois, et ces craintes sont partagées par tous les salariés, souligne Lydie Pouillart.

Actuellement, il reste encore dix-sept magasins appartenant aux Galeries Lafayette, hors Paris. Parallèlement aux changements engagés en France, l’enseigne a continué son expansion internationale, notamment en Chine. Il y a déjà au moins deux magasins Galeries Lafayette en Chine et un en Indonésie, note Patrick Lafond. Nous ne savons rien des retombées financières, si ce n’est qu’en Chine, c’est 50% pour reviennent à l’État, 50% aux propriétaires français. Les syndicats redoutent la poursuite des cessions en France, dans un contexte post-Covid délicat. A quand le prochain tour ?, s’interroge le délégué central.

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

Maud Carlus