Géants de la technologie : des dizaines de milliers de licenciements

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

Après une année 2022 marquée par la suppression annoncée de 80 000 emplois, l’hécatombe se poursuit dans les firmes du numérique. En cause, une dégringolade boursière et l’arrivée de l’intelligence artificielle.

Ils semblaient indéboulonnables il y a encore quelques années. Mais le premier âge d’or des emplois au sein de Google, Meta, Amazon, Microsoft et leurs concurrents semble bel et bien toucher à sa fin. Depuis janvier 2022, plus de 200 000 licenciements ont été annoncés dans le domaine des nouvelles technologies, alors que la plupart des entreprises du secteur connaissaient une chute boursière importante : en 2022, le Nasdaq – indice où sont cotées la plupart des grandes entreprises technologiques – a enregistré un recul de plus de 30%. Pour la première fois, ces entreprises annoncent des baisses de chiffres d’affaires. L’hécatombe dans la Silicon Valley est d’autant plus spectaculaire qu’elle contraste avec la situation du reste des secteurs de l’économie qui peinent à trouver de la main d’œuvre.

Début janvier, le leader du commerce en ligne Amazon a annoncé la suppression à venir de 18 000 emplois, y compris en Europe, soit la réduction de personnel la plus massive de son histoire. En mars, la maison-mère de Google a choisi de mettre fin à 12 000 contrats, tandis que Microsoft en supprimait 10 000. Une saignée sans précédent qui s’explique en partie par les choix faits au moment de la pandémie de Covid-19 : l’explosion de la demande en streaming, en visioconférence et en livraison à domicile avait poussé les firmes à embaucher à tour de bras. Amazon avait par exemple doublé son personnel entre 2020 et 2022. Mais son bénéfice net sur un an était en baisse de 9% au troisième trimestre 2022 – suffisamment, dans la philosophie de la firme, pour licencier aussi vite qu’elle avait embauché. Un mouvement qui va parallèlement avec la robotisation qui se déploie toujours plus vite dans ses entrepôts : 520 000 robots industriels y seraient déjà actifs.

Des emplois menacés par l’intelligence artificielle

Mi-mai, à deux jours d’intervalle, les opérateurs téléphoniques britanniques BT et Vodafone ont annoncé eux, respectivement, 55 000 suppressions d’emplois d’ici 2030 et 11 000 licenciements sur trois ans, visant à relancer leur compétitivité et pointant du doigt l’inflation.

Les géants de la tech semblent espérer que la numérisation et l’intégration de l’intelligence artificielle nécessiteront moins de personnel dans les années à venir. La course à celui qui parviendra à distancer ChatGPT, un prototype d’interface utilisant l’intelligence artificielle développée par OpenAI, est déjà bien avancée.

Il ne s’agit là que du début du bouleversement à venir dans le monde du travail : selon une étude de la banque Goldman Sachs, la nouvelle vague d’intelligence artificielle pourrait faire augmenter le PIB mondial de 7% par an sur les dix prochaines années mais aussi faire disparaître jusqu’à 300 millions d’emplois dans le monde. Dès lors, l’un des enjeux sera de faire monter en compétences, les salariés dont les emplois seront touchés par l’automatisation, car d’autres types d’emplois seront en parallèle créés par ce changement. Concrètement, par la formation et donc des moyens dédiés.

Brutalité, attitudes versatiles…

Dans la jungle concurrentielle des technologies de l’information et de la communication (TIC), les entreprises laissent donc peu de place à l’humain. Dans certaines entreprises, les licenciements prennent un tour particulièrement brutal, lorsque les salariés malchanceux sont reconduits immédiatement à la porte de l’immeuble afin qu’ils ne puissent pas faire sortir d’informations stratégiques.

Apple est pour le moment une des seules survivantes à ne pas avoir opté pour les licenciements de masse, que le P-DG Tim Cook qualifiait en avril de « dernier recours », pas encore à l’ordre du jour. Certaines firmes font pourtant en partie marche arrière : après avoir licencié 6 500 personnes sur 8 000 lors du rachat du réseau social Twitter, le milliardaire Elon Musk a reconnu mi-mai sur la chaîne américaine CNBC avoir licencié trop vite. Je pense que nous devons absolument embaucher des gens, a-t-il développé, et, s’ils ne sont pas trop furieux contre nous, probablement réembaucher certaines des personnes qui ont été licenciées. Des attitudes versatiles qui font fi des salariés.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération