Grève du 2 avril : Contre les groupes de niveau au collège, la colère des enseignants ne faiblit pas

Les articles de L’InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

Fred MARVAUX/REA

A l’appel notamment de FO, les enseignants ont fait grève et manifesté de nouveau le 2 avril pour exiger le retrait de la réforme du choc des savoirs, dont la principale mesure prévoit la mise en place de groupes de niveau au collège à la rentrée prochaine. Ils ont revendiqué des moyens pour l’école publique et une revalorisation salariale sans contreparties.

La colère des enseignants opposés à la mise en place des groupes de niveau, en mathématiques et en français, au collège ne faiblit pas. De nouveau, pour la troisième fois ce 2 avril, plusieurs milliers d’entre eux ont manifesté à Paris à l’appel de la Fédération nationale de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle FO (FNEC FP FO) et de quatre autres organisations pour exiger l’abandon de la réforme du choc des savoirs. Elle doit entrer en vigueur en classe de 6e et de 5e dès la rentrée de septembre prochain.

Ce retour à des voies d’enseignement parallèle, séparant les élèves et donc les contenus avant même la fin de l’enseignement obligatoire, va conduire à un creusement des inégalités, à de l’assignation et de la relégation sociales, dénonçait Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP FO. Cette réforme, qui remet en cause la liberté pédagogique des enseignants, va organiser le tri social des élèves pour répondre à une préoccupation de l’exécutif : faire sortir les élèves défavorisés de l’école publique pour les envoyer en apprentissage ou vers l’armée, expliquait le militant dans le carré de tête du cortège parisien, rappelant que FO défend l’accès à l’instruction pour tous.

A ce titre, la FNEC FP FO exige le retrait des mesures du choc des savoirs et l’abrogation du décret du 17 mars, ainsi que de la note de service du 18 mars, mettant en œuvre cette réforme lancée le 5 décembre dernier par Gabriel Attal, lorsqu’il était ministre de l’Education, et censée élever le niveau des élèves.

Le collège public n’est pas fait pour trier !

La remise en cause de la logique du collège unique ne passe absolument pas. Le collège public n’est pas fait pour trier !, martelait Christine Marchetti-Hakani, secrétaire départementale FO lycées-collèges du Val d’Oise et enseignante en français. Elle témoignait de l’opposition plus que majoritaire des personnels enseignants à cette rupture dans la politique éducative. Dans son collège à Bouffémont, 28 des 32 collègues soutiennent le mouvement. Comme il n’y aura pas assez de professeurs de français et de mathématiques pour mettre en place des groupes limités en nombre, afin de faire progresser les élèves plus en difficulté, ceux-ci risquent de se retrouver coincés dans le groupe des plus faibles pendant quatre ans. Autrement dit, condamnés à quatre ans d’études stigmatisantes, expliquait-elle, anticipant de la casse sociale à la fin de la classe de troisième.

Car la réforme transforme aussi le diplôme national du brevet (DNB ou brevet dit des collèges) en épreuve sélective pour l’entrée directe au lycée. Dès 2025, les élèves qui n’obtiendraient pas celui-ci seraient orientés vers une classe prépa-lycée supposée leur permettre de rattraper leurs lacunes. D’après les estimations syndicales, il n’y en aurait qu’une seule dans notre département, alerte la militante FO, pointant le risque de décrochage scolaire pour les élèves qui se retrouveraient les plus éloignés de l’établissement accueillant la future prépa-lycée.

Une nouvelle réforme sans moyens

Le manque de moyens accompagnant la réforme attise les inquiétudes, la mise en place des groupes de niveau en mathématiques et en français étant prévue au plan des moyens à horaires constants, voire en baisse. Du coup, la réforme va se faire au détriment des autres matières enseignées. L’an prochain, dans mon collège, les travaux pratiques de physique-chimie, qui se faisaient en demi-classe, sont supprimés, pour toutes les classes de la 6e à la 4e. Cela nous a déjà été signifié, expliquait une enseignante en physique-chimie d’un collège de Saint-Maur des Fossés (Val-de-Marne), où 90% des enseignants s’étaient déclarés grévistes ce 2 avril.

La révélation par la presse, le 28 mars, d’un courrier du ministère de l’Education nationale faisant état d’une forte tension sur la ressource enseignante pour la rentrée 2024, renforce encore les oppositions à la réforme. Dans cette lettre adressée aux recteurs, le ministère leur conseille, pour mettre en application le choc des savoirs, de proposer des conditions plus attractives aux contractuels, voire un détachement aux professeurs des écoles vers le corps des professeurs certifiés du second degré. Elle leur suggère encore de recourir aux professeurs retraités. Dans le cortège FO, le sujet n’était pas occulté. L’exécutif se sert de cette réforme pour remettre en cause les statuts des enseignants, et avancer vers un corps unique, anticipait Sonia, professeur des écoles à Vitry-sur Seine (Val de Marne), opposée à toute perméabilité entre les statuts enseignants.

Venue manifester pour montrer sa solidarité avec les enseignants du secondaire - majoritaires dans la manifestation parisien, la militante FO expliquait combien la réforme est aussi rejetée au-delà du collège. Dans son école primaire classée en REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcée), les enseignants de CM2 ont été avertis par l’administration qu’il leur reviendrait de constituer les groupes de niveau pour la 6e. Ils refusent de se plier à ce tri social, expliquait-t-elle. Professeur de physique-chimie dans un lycée d’Asnières (Hauts-de-Seine), Vincent était présent également pour soutenir les collègues du collège qui vont subir la mise en place des groupes de niveau dans un contexte de baisse des moyens. Il témoignait aussi de l’impact de la réforme sur les moyens alloués aux lycées. La création des futures classes prépa lycées doit se faire sur les dotations horaires des lycées. L’an prochain, mon établissement va déjà perdre 140 heures, soit l’équivalent de trois classes, au prétexte de la baisse démographique et de donner des moyens aux collèges. Résultat, beaucoup de collègues se disputent des heures pour pouvoir faire leur programme. L’exécutif doit arrêter ce bricolage permanent !.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération