Grève et manifs dans la Fonction publique : un 19 mars revendicatif

InFO militante par Valérie Forgeront, L’inFO militante

© F. BLANC

Par la grève qui était organisée ce 19 mars dans la Fonction publique, assortie de manifestations sur le territoire, les huit organisations représentatives, dont l’union interfédérale FO, ont envoyé un message clair au gouvernement : vouloir toujours traiter les agents publics comme une variable d’ajustement budgétaire est insupportable et ne peut plus durer. Les quelque 5,7 millions d’agents publics attendent, entre autres, un vrai rattrapage de leur pouvoir d’achat et de vraies mesures générales d’augmentation. Plus largement, le respect du Statut et l’entrée enfin dans un vrai dialogue social. Reste au gouvernement à sortir de sa surdité.

Salaires, carrières, conditions de travail, effectifs... Sur tous ces sujets, et d’autres, l’humeur des personnels de la Fonction publique est au plus bas. Le « dialogue social », tant vanté par l’exécutif, est en panne, même plus de manière récurrente mais chronique. Cela depuis des mois, voire des années. Au sein des trois versants (État, hospitalier et territorial), le mécontentement des quelque 5,7 millions d’agents publics atteint des sommets, et cela, martèlent-ils, ne peut plus durer. Tel pourrait être résumé l’argument de l’appel intersyndical à la grève et à des manifestations le 19 mars. Des dizaines de manifestations étaient organisées sur tout le territoire, dans les grandes villes mais aussi celles de taille moyenne (à Périgueux, Pau, Lyon, Reims, Niort, ...). Cette journée d’actions a été lancée par les huit organisations représentatives de la Fonction publique, dont l’Union interfédérale FO, laquelle a déposé un préavis de grève jusqu’au 8 septembre, en vue de couvrir dès à présent la reconduction de mouvements, ce qu’envisageait déjà en amont du 19 mars la fédération FO des services publics et de Santé (SPS-FO).

Venu apporter le soutien de la confédération aux agents publics, le secrétaire général de FO participait au cortège parisien ce 19 mars. Et Frédéric Souillot soulignait l’ampleur des craintes concernant l’avenir de la Fonction publique. Depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir, lorsque l’exécutif évoque la dette, il place les fonctionnaires dans le viseur les assimilant à une dépense, considérant la Fonction publique comme un coût s’indignait Frédéric Souillot. Il essaye de réduire le nombre d’agents, de ne pas augmenter les salaires, d’instiguer la notion de mérite qui va à l’encontre du Statut, ... Cela traduit l’absence de respect vis-à-vis des fonctionnaires...

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Le risque d’une privatisation de services

Organiser ainsi et depuis des années le manque d’attractivité de la Fonction publique, s’inquiète le secrétaire général de FO, c’est risquer de détruire au final le principe républicain de l’égalité de traitement des usagers du service public. Principe qui s’appuie notamment sur le devoir de neutralité du fonctionnaire inscrit dans le Statut général. Car, entretenu par les gouvernements successifs, ce manque d’attractivité - qui se traduit déjà par un recul du nombre des candidats aux concours ou encore par des agents qui quittent prématurément la carrière- revient à organiser l’étape suivante la privatisation de services de la Fonction publique souligne Frédéric Souillot. Le secrétaire général de FO pointe les dix milliards d’euros d’économies supplémentaires prévues en 2024 et les vingt milliards d’euros prévus en 2025. Or, pour parvenir à ces objectifs d’abaissement drastique des dépenses publiques, l’exécutif vise particulièrement la Fonction publique et s’emploie, entre autres, à ignorer les demandes salariales des agents.

Autant dire que ces derniers ne l’entendent pas ainsi. Ils ont subi un gel de leur traitement indiciaire depuis 2011, et hormis une revalorisation minime de 1,2%, en deux temps, sur 2016-2017, la glaciation a duré jusqu’en 2022. Cette année-là, en juillet, le gouvernement avait décidé d’une mesure générale d’augmentation de 3,5% puis à l’été 2023, de 1,5%. Pour autant, cela n’est en rien satisfaisant. Car non seulement ces mesures sont venues après de longues années sans aucune augmentation générale, ce qui avait déjà induit pour les agents publics l’enregistrement d’une perte importante de pouvoir d’achat, mais aussi, ces mesures n’ont même pas pu compenser l’inflation. Ainsi, les mesures de 2022 et 2023, inférieures au niveau de l’inflation d’alors (5,2% sur 2022 puis 4,9% en 2023) ont été largement absorbées par cette inflation. Bilan ? Pour les agents, la perte de pouvoir d’achat, depuis 2000, s’élève désormais à 28,5%, résumait dans le cortège parisien Christian Grolier, le secrétaire général de l’union interfédérale FO-Fonction publique, tandis que pour 2024, aucune mesure générale d’augmentation des traitements indiciaires n’est prévue par le gouvernement.

FO-Fonction publique demande à être reçue par le Premier ministre

La demande salariale de FO-Fonction publique, moult fois adressée ces derniers mois au ministre de la Transition et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, est simple et s’est exprimée encore à l’occasion de cette journée du 19 mars. Il faut l’ouverture immédiate de négociation salariales, cela en vue d’obtenir des mesures générales : la revalorisation du point d’indice (base de calcul du traitement indiciaire statutaire, Ndlr), l’amélioration de la grille indiciaire rappelait Christian Grolier. Et de souligner que seule FO-Fonction publique a demandé audience au Premier ministre, Gabriel Attal. Et tant que nous n’aurons pas obtenu cette audience, nous ne participerons plus aux réunions prévues par l’agenda social.

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FO-Fonction publique demande clairement un rattrapage salariale à hauteur de 10%, minimum, dans un premier temps, afin de compenser les pertes de ces trois dernières années, insistait-il. Mais ce n’est pas tout. Et alors que le gouvernement via le ministre Stanislas Guerini, se plaisait à vanter le 14 mars devant les organisations syndicales lors d’une « réunion-bilan » sur la rémunération – à laquelle FO-Fonction Publique a refusé de participer – les dépenses qu’il a lancées pour les agents publics depuis 2022 et qu’il juge satisfaisantes, FO rappelait de son côté le caractère partiel et partial du document. Et l’attitude de provocation du gouvernement.

La Fonction publique dans l’étau de l’austérité

Car plus largement, ce type de communication, virant à l’auto-satisfecit ministériel, illustre toute la difficulté que rencontrent les organisations syndicales à obtenir un vrai dialogue social. Sans compter d’autres difficultés qui viennent encore compliquer la situation... On a en quelque sorte plusieurs ministres ! ironise ainsi Christian Grolier. On a l’officiel, Stanislas Guerini qui a été nommé un mois après la nomination du gouvernement de Gabriel Attal. Un ministre qui nous a dit avant l’été qu’il y aurait des négociations salariales, des NAO. Puis après l’été, des discussions sur la grille indiciaire et sur le projet de loi Fonction Publique. Mais « l’autre ministre de la Fonction publique »..., Bruno Le Maire (ministre de l’Economie), a annoncé une réduction de crédits de dix milliards d’euros sur les dépenses en 2024... Thomas Cazenave, un autre ministre de la Fonction publique faut-il croire..., annonce, lui, une réduction de vingt milliards d’euros sur les dépenses publiques en 2025... Au final, pour les agents publics, il ne se passe plus rien : aucune négociation salariale programmée avant l’été, contrairement à ce qu’avait dit Stanislas Guerini. Il n’y a aucune réunion salariale inscrite sur l’agenda social jusqu’au 30 juin ! Pas plus sur les carrières et rémunérations.

Quant au projet concernant une loi Fonction publique, projet annoncé pour le second semestre, aucune réunion n’est programmée, constate encore Christian Grolier. Et quoi qu’il en soit, ce projet censé modifier la manière de rémunérer les fonctionnaires (visant à placer la notion de mérite au cœur de la problématique, ce à quoi s’oppose FO-Fonction Publique, Ndlr)... nécessite que le ministre ait malgré tout un peu de sous à lui consacrer ! Or, les annonces de réduction des dépenses signifient qu’il n’y a plus aucune marge de manœuvre. Donc, il y a actuellement une sorte de situation de stand-by (d’attente, Ndlr) dans la Fonction publique, situation incompréhensible par rapport aux engagements de monsieur Guerini. De fait, analyse Christian Grolier, le projet de rémunération au mérite pourrait accoucher d’une souris : des primes un peu plus modulables qu’aujourd’hui ? On ne sait rien, on n’a aucun projet sur la table, et sur aucun sujet !.

Le gouvernement n’entend rien, n’écoute rien

Ce que savent en revanche les agents, c’est le régime sec auquel le gouvernement compte soumettre la Fonction publique. En 2024, les dix milliards d’euros de crédits en moins, dont cinq milliards impactent directement le versant de l’État, font craindre des impossibilités à remplacer sur leurs postes les agents partant en retraite. Cette situation de moindres effectifs pèserait encore sur les conditions de travail avec le risque de moindres services rendus à l’usager. Et avec cela, on voudrait nous faire croire qu’on pourrait faire la semaine en quatre jours !, projet lancé par le gouvernement.

Par ailleurs, alors que l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques approche (le 26 juillet) et que cet événement sportif international va mobiliser en France les agents publics de moult secteurs, là encore, l’attitude du gouvernement vis-à-vis de ces derniers, revendiquant des primes, est source de mécontentement. C’est à l’image du gouvernement, pointe Christian Grolier. Nous avons eu une réunion sur les JO le 12 mars concernant le versant de l’État. Mais ce jour-là, les administrations ont subi un piratage informatique, la réunion, en visio, a donc dû être stoppée. Il avait été alors convenu que les organisations syndicales présenteraient chacune leur contribution, leurs revendications. Nous étions en train de préparer cette contribution quand nous avons appris, ce 19 mars au matin et par la bande, que la circulaire de l’administration a déjà été envoyée dans les services et signée par l’administration, la DGAFP, à la date du 18 mars ! Donc rien n’a été pris en compte, y compris nos revendications : notamment obtenir vingt jours supplémentaires – contre dix – de télétravail sur la période des jeux. Obtenir aussi par exemple que les agents qui ne bénéficient pas du télétravail et qui ne peuvent pas aller travailler dans la période JO car leur service est fermé soient placés en autorisation spéciale d’absence (ASA). Malheureusement, ils vont se voir imposer des congés. Car au final, les quatre groupes de travail qui ont été réunis par l’administration et auxquels nous avons participé n’ont servi à rien. Une fois de plus ! Le gouvernement n’entend rien, n’écoute rien.

Cependant, sur les JO comme sur le reste, les revendications demeurent. Ce 19 mars sonnait pour les 5,7 millions d’agents publics comme un premier coup de semonce envoyé en 2024 au gouvernement.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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