[Hommage] Camus, l’homme révolté

Culture par Christophe Chiclet

Il y a 60 ans Albert Camus se tuait dans un accident de voiture. Journaliste, essayiste, romancier, nouvelliste, dramaturge, son œuvre singulière et exceptionnelle est plus que jamais d’actualité.

Camus c’est le refus de tout dogmatisme, de tout système qui emprisonne l’être humain. C’est surtout la passion de l’exigence morale et une grande lucidité. Traduit dans le monde entier, Camus continue par la richesse de sa réflexion à être présent dans les débats actuels d’importance, et cela en dehors des célébrations du soixantenaire de sa disparition.

Né le 7 novembre 1913 à Mondovi, petit village du Constantinois algérien, il grandit dans le quartier populaire de Belcourt à Alger. Orphelin de père tué durant la Première guerre mondiale, élevé par une mère analphabète, son instituteur lui obtient une bourse en 1924. Pur produit de l’école laïque et républicaine, il pourra passer son bac à Alger.

Mais dès l’âge de 17 ans il contracte la tuberculose. En 1935, il adhère au Parti communiste algérien, l’antenne locale du PCF et en est exclu dès 1937. Il devient journaliste à Alger Républicain, puis Le Soir Républicain, l’organe du Front populaire en Algérie. En 1940, il rejoint Paris et entre à Paris-Soir.

Il publie son premier grand roman en juin 1942, « L’Étranger ». En 1943, il travaille pour la maison Gallimard et clandestinement devient le rédacteur en chef de Combat en 1944 (jusqu’en 1947). À la libération, il se lie d’amitié avec Gide et Sartre. En août 1945, il est l’unique intellectuel français à dénoncer la bombe d’Hiroshima. Deux ans plus tard, il publie « La peste », qui fut l’un des livres le plus lu pendant le confinement dû au Covid-19.

Contre les totalitarismes

En 1948, il fait partie des rares écrivains de gauche à dénoncer le coup de Prague et "l’excommunication" de Tito. En 1951, il sort son chef d’œuvre, L’Homme révolté. Il ne sépare pas la révolte métaphysique de l’homme contre sa condition, et la révolte historique qui en est selon lui, la suite logique. Il se situe alors à égale distance de Sartre et des intellectuels compagnons de route du Parti communiste et de Aron et des libéraux pro-américains.

En 1952, c’est la rupture avec Sartre qui l’injurie copieusement par porte plume-porte flingue interposé dans sa revue Les Temps Modernes. En 1956, il dénonce la répression de la révolution hongroise. Depuis plus d’un an « son Algérie » tant aimée a basculé dans la guerre d’indépendance et les guerres civiles internes. Avec courage, il lance alors « L’Appel pour une trêve civile ». Une nouvelle fois, il est seul, en porte-à-faux entre deux clans. Il est critiqué et rejeté, tant par lles partisans de l’indépendance que par les tenants d’une Algérie française. Il est même menacé de mort par l’OAS.

À sa grande stupeur, il reçoit le prix Nobel de littérature en octobre 1957. Il milite alors dans le Comité de patronage et de secours aux objecteurs de conscience (CPSOC), fondé par l’anarchiste-pacifiste Louis Lecoin, en compagnie d’André Breton, Jean Cocteau, l’abbé Pierre, et publie de nombreux articles dans Le Monde Libertaire et Solidaridat Obrera, l’organe de la CNT espagnole en exil, proche de la jeune CGT-FO.

Remontant sur Paris en voiture avec Michel Gallimard au volant, ils se tuent le 4 janvier 1960 dans l’Yonne. Albert Camus est aussi l’homme qui a écrit : Je ne connais qu’un seul devoir, et c’est celui d’aimer.

Toute l’œuvre de Camus est publiée chez Gallimard dans La Pléiade, en six volumes.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante