La charge est sévère, étayée par 137 pages d’analyses nourries par l’audition de représentants d’entreprises, d’économistes, de juristes, de sociologues. Dans son rapport sur l’index égalité professionnelle, rendu public le 7 mars, le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) tire un bilan très mitigé de l’impact de cet indicateur statistique qui était censé permettre aux entreprises de plus de 50 salariés de passer du calcul des inégalités salariales et de carrière à leur correction, sous peine de sanction. Faciliter le passage d’une obligation de moyens (la première loi sur l’égalité salariale datant de 1972, NDLR) à une obligation de résultats, voilà l’objectif alors affiché par l’exécutif. Dans les faits, la portée de l’indicateur reste limitée, constate l’instance consultative indépendante rattachée à Matignon qui titre son rapport « Salaires : 5 ans après l’Index, toujours pas d’égalité ».
Un levier pour la future concertation
?
Au titre des progrès, le HCE pointe la mise en visibilité des écarts salariaux femmes-hommes (23,5% tous temps de travail confondus ou 14,9% à temps de travail égal selon les chiffres de Insee pour 2022) ou une meilleure prise de conscience de ces inégalités
. Mais la liste des inconvénients est longue : du périmètre d’application limité (seulement 1% des entreprises sont assujetties à l’index et un quart des salariés du privé couvert par les index publiés) aux biais de la méthodologie choisie. Laquelle neutralise les écarts de rémunération (jusqu’à 5%), omet le facteur du « temps partiel » (emplois où les femmes sont sur-représentées) ni ne prend en compte le concept légal de « travail de valeur égal » intégrant la sous-valorisation des métiers féminisés. Ainsi que FO le dénonce depuis la création de l’index en 2019, en revendiquant une réforme en profondeur
.
Le rapport du HCE, qui est très argumenté, pointe les mêmes travers que ceux dénoncés par FO depuis 2019. Cela prouve bien que nos critiques font consensus
, appuie Béatrice Clicq, secrétaire confédérale FO chargé du secteur Egalité, rappelant que ce rapport a été adopté à l’unanimité de la Formation égalité professionnelle du HCE (regroupant syndicats et personnes qualifiées), hors collège patronal. Celui-ci a choisi de s’abstenir plutôt que de voter contre. La militante, qui en prend acte, juge que le rapport du HCE peut être un levier pour la future concertation
sur l’index, visant à l’améliorer.
La concertation lancée dans le courant du mois de mars
Elle sera lancée dans le courant du mois de mars
, a annoncé la ministre du Travail Catherine Vautrin dans un article du quotidien Les Echos, publié le 8 mars. L’exécutif est poussé à l’action par la directive européenne de mai 2023 destinée à contraindre les employeurs à la transparence, laquelle va rendre caduc le premier et le plus important des indicateurs de l’index, celui censé révéler l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, par tranche d’âge et catégorie de postes équivalents. Alors que cette directive doit être transposée par les États membres dans leur droit national d’ici juin 2026, l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne s’était engagée à anticiper sa transposition avant juin 2025.
Le cahier revendicatif FO est prêt de longue date, et fourni. Il propose notamment la création d’un nouvel indicateur sur la proportion de femmes et d’hommes dans les 10% de salaires les moins élevés, ou encore le renforcement de l’obligation de transparence de l’employeur (inscrite dans la directive européenne, NDLR) envers les représentants du personnel, en rendant par exemple obligatoire l’analyse détaillée de l’indicateur sur les écarts de rémunération en Comité social et économique (CSE). L’absence d’intégration de l’Index dans le dialogue social, et ses outils, est une autre limite pointée par le rapport du HCE : alors que l’index a été conçu comme un levier d’action, il est faiblement mobilisé dans le cadre des négociations d’entreprise
, déplore-t-il.