JC Mailly : « Pas de procès a priori »

Le Télégramme le 11 mai 2017 par Jean-Claude Mailly

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

« Secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly déclare se préparer à un dialogue franc avec le nouveau président de la République. » Le Télégramme

Y aura-t-il un état de grâce après l’élection d’Emmanuel Macron ?

Cela n’existe plus beaucoup, l’état de grâce. La situation économique et sociale est tendue depuis un bon bout de temps. Sur le plan de l’activité économique et du chômage, il y a des attentes. Il faudra voir comment le nouveau président de la République et son gouvernement sauront réagir.

À défaut d’état de grâce, y aura-t-il un troisième tour social ?

Je n’aime pas la formule. Elle laisse entendre qu’il y aurait une contestation du résultat de l’élection. Il est élu, légitimement, avec même un beau score. Je ne fais pas de procès d’intention. On a dit ce qu’on avait à dire sur les points qui nous inquiètent mais qui sont encore imprécis, comme sur la question de l’inversion de la hiérarchie des normes. On a besoin de précisions, à la fois sur la forme et sur la méthode. Nous n’instruisons donc pas un procès a priori. Nous attendons de rencontrer le président de la République et, demain, son gouvernement pour voir exactement ce qu’ils veulent faire.

Êtes-vous inquiet à l’idée que le président de la République veuille procéder par ordonnances ?

Oui. C’est bien entendu un outil constitutionnel. Ce n’est pas forcément un outil démocratique. Si le thème et le contenu des ordonnances sont de nature consensuelle, il n’y a pas de problème. Sauf que là, ce que je crains, a priori, c’est que ce ne soit pas obligatoirement consensuel si les ordonnances sont aussi un moyen d’aller vite et d’éviter le débat.

Le dialogue avec un président de la République qui a été très largement l’inspirateur des dernières lois sociales sera-t-il aisé ?

On va voir si l’habit fait le moine, si, dans le costume de président de la République, il peut modifier certains points de son programme. Une des questions que je lui poserai, c’est quelle est sa conception du dialogue social. Considère-t-il, par exemple, que le rôle des organisations syndicales est important à tous les niveaux ? Du niveau interprofessionnel au niveau national des branches, et jusqu’à celui de l’entreprise. Il y a eu des phrases qui laissaient entendre que le niveau national interprofessionnel n’était pas sa tasse de thé.

Comment entendez-vous lutter contre un mouvement populiste comme le Front national qui a réalisé un score si important ?

La montée en puissance de ce mouvement est d’abord causée par le chômage, par l’augmentation des inégalités et de la précarité. Si l’on veut que le populisme reflue, c’est à ces problèmes qu’il faut s’attaquer. Ce n’est pas en régulant le social qu’on réglera les problèmes. Le nouveau président de la République a réalisé 24 % des voix au premier tour et 66 % au second. C’est un beau résultat, mais beaucoup de ceux qui ont voté pour lui l’ont fait d’abord pour battre le Front national. Il doit donc tenir compte de ces résultats. On va donc voir s’il est prêt, ou pas, à modifier, à réviser certaines des annonces de son programme. Réponse dans les semaines à venir.

Jean-Claude Mailly Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière