L’Afrique détient la clé pour accélérer la décarbonation de l’économie mondiale. Nous ne sommes pas seulement un continent riche en ressources. Nous sommes une puissance au potentiel inexploité, désireux de s’engager et d’être compétitifs équitablement sur les marchés mondiaux.
Par ces paroles prononcées en ouverture du Sommet africain sur le climat, début septembre, le président kényan William Ruto a exposé l’ampleur de l’enjeu que représente l’Afrique dans la lutte contre le changement climatique. Réunissant des chefs d’État et de gouvernement, ainsi que des responsables économiques (mais pas de syndicats), la rencontre a permis d’obtenir 23 milliards de dollars de promesses d’investissements.
Bien qu’il ne soit responsable que de 2 à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le continent est en première ligne pour en souffrir les conséquences, entre inondations et sécheresses intenses. Mais lors de ce sommet international, l’Afrique s’est résolument affichée non en victime du changement climatique, mais en actrice essentielle dans le cheminement vers un monde décarboné. Une transition énergétique propre dans les pays en développement est en effet une condition indispensable pour tenter d’atteindre l’objectif des Accords de Paris : limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’époque préindustrielle.
Plus grand potentiel d’énergie solaire au monde
Avec sa main d’œuvre jeune et abondante et sa richesse en ressources naturelles – notamment 40% des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine, qui servent à fabriquer des batteries et des piles à hydrogène –, l’Afrique a en effet un rôle clé à jouer, mais ne reçoit pour le moment que 3% des investissements mondiaux en matière énergétique. L’écart entre possibilités et réalité est particulièrement frappant : alors qu’elle abrite 60% du potentiel mondial d’énergie solaire, l’Afrique dispose pour l’instant d’autant d’installations solaires que la Belgique. Près de la moitié de sa population, soit 500 millions de personnes, n’ont actuellement pas accès à l’électricité.
Si elle parvenait à imposer son image de nouvel eldorado pour les investisseurs, l’Afrique tiendrait entre ses mains une opportunité de développement sans pareil. Les énergies renouvelables pourraient être le miracle africain
, a ainsi affirmé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Cet appel du pied en direction des pays les plus riches est d’autant plus significatif que le Sommet africain inaugurait un cycle de quatre mois d’intenses discussions internationales sur le climat, qui culminera à partir du 30 novembre avec la 28e conférence mondiale sur le climat (COP28) à Dubaï (Emirats arabes unis). Celle-ci promet d’occasionner des débats intenses sur la fin des énergies fossiles. Le Sommet africain s’est d’ailleurs conclu sur la rédaction d’une « déclaration de Nairobi », qui doit servir de base pour une position commune africaine en vue de la COP28.
Le financement, nerf de la guerre
Peu après le Sommet africain sur le climat, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a rendu son bilan des huit années d’action écoulées, affirmant l’insuffisance des efforts engagés jusque-là. Déployer les énergies renouvelables et sortir de toutes énergies fossiles non réduites est indispensable
, souligne le rapport. Récemment en octobre le FMI et la Banque mondiale organisaient pour leur part leur réunion annuelle, où leur positionnement sur l’aide aux pays en développement et l’aménagement de leurs dettes était très attendu. Le remboursement de ces dernières occupe en effet une place majeure dans les économies de nombreux États africains. Pour l’instant la répartition des votes au sein du FMI n’a pas été modifiée annonçait celui-ci mi-octobre, tout en mettant en avant un premier pas : les états membres du Fonds monétaire international ont voté une hausse de leurs contributions au FMI, hausse censée permettre à celui-ci d’aider davantage les pays en développement. Ils ont aussi accepté que l’Afrique obtienne un troisième siège au sein du conseil d’administration de la structure. Mais alors que les pays en développement, réunis au sein du G24, visaient un acte fort et en leur faveur concernant la question de leurs dettes, la réponse fut négative. Le président du G24, le ministre Ivoirien Adama Coulibaly, avait précédemment demandé l’annulation de la dette des pays les plus vulnérables et les plus pauvres dont la majeure partie de la dette est due aux banques multilatérales de développement et au FMI
… Une situation qui plombe bien sûr les possibilités d’investissements de ces pays qui nécessitent donc d’autant plus une aide financière massive pour eux aussi participer à la grande lutte pour le climat.
Or, face aux investissements colossaux nécessaires pour opérer cette transition énergétique, le nerf de la guerre reste évidemment le financement. Un point qui s’annonce épineux selon Branislav Rugani, secrétaire confédéral du secteur international chez FO. En juin, nous avons participé à une discussion sur le sujet entre gouvernements, syndicats et employeurs au sein de l’Organisation internationale du travail. Quand on a abordé les sujets économiques, le fiasco a été total : seules les organisations syndicales essayaient réellement de trouver des moyens de financement. Personne ne s’accorde pour savoir qui va payer quoi.
La promesse des pays riches, qui s’étaient engagés à fournir, d’ici 2020, 100 milliards de dollars par an en financement climatique aux pays les plus pauvres, reste d’ailleurs à tenir. Alors même que les énergies fossiles ont, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), bénéficié d’investissements records en 2022 : 1 000 milliards de dollars, tandis qu’ils n’avaient plus dépassé la barre des 600 milliards de dollars depuis 2015.