Le CESE ambitionne d’éradiquer la grande pauvreté

Social par Michel Pourcelot

5 millions de personnes vivent dans une grande pauvreté en France. Pour y remédier le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a exposé ses préconisations. Sur plusieurs d’entre elles FO a émis de sérieuses réserves.

En France, 8,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 5 millions dans la grande pauvreté, selon l’Insee. Sans compter celles qui ne sont pas comptabilisées, vivant dans bidonvilles ou squats, étrangers sans titre de séjour, personnes hébergées… Cet effectif de pauvres parmi les pauvres est estimé à environ un million. Depuis la crise de 2007-2008, comme on le sait, les riches se sont enrichis et les pauvres se sont appauvris : le nombre de personnes pauvres a en effet augmenté de 600 000 en dix ans, passant de 4,4 millions en 2006 à 5 millions en 2016, concernant désormais en France 8% de la population contre 7,3% en 2006. La pauvreté a cessé de reculer en France. Bien au contraire, elle progresse.

C’est dans ce contexte que le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, a présenté le 26 juin dernier un rapport et un projet d’avis intitulé « Eradiquer la grande pauvreté à l’horizon 2030 ». Ce qui devrait théoriquement se traduire par le fait que personne ne devra plus vivre dans notre pays avec des ressources inférieures à 50 % du revenu médian, seuil monétaire symbolique de la grande pauvreté. C’est pour le moins un vaste projet dans la ligne des Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les Nations-Unies en 2015. Ils avaient désigné la lutte contre la pauvreté comme l’objectif n°1, avec l’ambition élevée d’éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde à l’horizon 2030… Au Cese, ce 26 juin 2019 l’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public lors de la séance plénière du Conseil économique, social et environnemental par 143 voix pour et 15 abstentions, dont celle du groupe FO.

Un revenu minimum social garanti (RMSG) : mise en garde de FO

Bien sûr, le groupe FO adhère à l’objectif d’éradiquer la grande pauvreté, même si nous pensons que l’échéance de 2030 est trop lointaine, car d’ici là ce sont plusieurs générations de nos concitoyens qui vont être privées d’une vie décente. Le CESE a demandé, en tête de ces préconisations, que dès 2020 soit instauré un revenu minimum social garanti (RMSG), qui se substituera à sept des huit minima sociaux existants : le revenu de solidarité active (RSA), et les allocations de solidarité spécifique (ASS), adulte handicapé (AAH), supplémentaire d’invalidité (ASI), supplémentaire vieillesse (ASV), de solidarité aux personnes âgées (ASPA), et veuvage (AV). Certes, les prestations familiales ainsi que les allocations logement et chômage n’y sont pas incluses à la différence de ce qui ressort du projet encore en gestation de « revenu universel d’activité » (RUA), annoncé par l’exécutif. Et surtout ce RMSG n’est pas assorti de condition autre que celle d’avoir 18 ans. Le groupe Force Ouvrière a mis en garde contre une réforme instaurant un revenu universel d’activité par fusion des minima sociaux et des prestations sociales qui viserait à réaliser des économies au profit d’autres lignes budgétaires. C’est d’ailleurs cette préconisation qui a conduit le groupe FO à ne pas voter favorablement cet avis et à s’abstenir. Il soutient cependant plusieurs préconisations, dont en particulier celles relatives à la simplification des dispositifs pour les rendre plus accessibles afin de réduire les non recours, ainsi que celles demandant le renforcement de la politique de logement et la construction de plus de logements sociaux avec des loyers adaptés et accessibles aux personnes en difficulté. De même que celles, le droit d’accès à une santé et à une éducation de qualité doit être renforcé et assuré.

Quid des causes de la pauvreté

Les préconisations sur le renforcement du travail social sont soutenues aussi par le groupe FO, qui regrette cependant que l’avis ne dénonce pas les politiques de réduction à tout-va des effectifs dans les services publics en charge de l’accompagnement et des choix faits pour privilégier le tout numérique aux dépens du lien humain indispensable pour cerner la complexité des parcours des personnes en difficulté. D’ailleurs, il déplore aussi que malgré sa richesse, l’avis laisse dans l’ombre une grande partie des causes de la pauvreté. Rien n’est dit sur les politiques d’emploi, la tendance à faciliter le développement des emplois de mauvaise qualité dans une logique de libéralisation du marché du travail. Ce faisant, la pauvreté laborieuse explose et environs 2 millions de travailleurs sont pauvres ou très pauvres.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante