Instituteurs, professeurs des écoles et directeurs des écoles, professeurs des collèges et des lycées (d’enseignement général et professionnels), personnels administratifs, principaux et proviseurs, professeurs d’université et chercheurs, enseignants du secteur privé sous contrat… Mais aussi, personnels accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) précaires et sous-payés, assistants d’Education (AED, ex-surveillants) contractuels que la réforme pour une école de la confiance prévoit d’utiliser pour remplacer des enseignants titulaires, assistantes sociales, infirmières, médecins, psychologues, confrontés à une telle restriction des moyens et remise en cause de leurs statuts particuliers qu’ils craignent de voir disparaître leurs professions… Et, au-delà de l’Education nationale, les agents de l’Afpa (Agence pour la formation professionnelle des adultes) sous le coup d’un plan social sans précédent, les personnels du ministère des Sports et ceux de la Culture, sur le pied de guerre contre le démantèlement de leurs missions.
Tous étaient représentés au 18e congrès de la Fédération nationale de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle FO (FNEC-FP FO), du 15 au 18 octobre à Clermont-Ferrand, que le Secrétaire général de la confédération, Yves Veyrier, est venu saluer le jour de clôture des travaux. Tous étaient tendus vers un même objectif, stopper la remise en question des acquis et de leur statut.
Aujourd'hui avec les #syndicats de la Fédération nationale de l'#enseignement, de la culture et de la formation professionnelle @force_ouvriere. 900 délégués réunis pour le congrès de la FNEC-FP FO à Clermont-Ferrand. #fonctionpublique #5décembre #retraite pic.twitter.com/vH7s8EnSnv
— Yves VEYRIER (@YVeyrier) October 18, 2019
Plus de 70 délégués sont intervenus à la tribune en séance plénière, encouragés par la combativité des personnels qu’ils ont constatée dans les assemblées générales et par la résolution du Comité confédéral national (CCN) des 25 et 26 septembre.
Une résolution qu’ils ont intégrée à leur propre résolution générale en ces termes : Depuis des mois la résistance des salariés s’exprime (…) C’est pourquoi le congrès s’inscrit pleinement dans la résolution du Comité confédéral national des 25 et 26 septembre qui réaffirme :
.
Faire vivre
la résolution du Comité confédéral national
Près de 300 congressistes ont participé à la commission de la résolution générale adoptée en plénière à la quasi-unanimité des délégués (moins trois abstentions et trois contre), et près de 200 autres à celle de la résolution sociale (adoptée à l’unanimité).
De tous ces travaux, une volonté commune s’est dégagée : faire vivre
la résolution du CCN, pour reprendre une expression de Frédéric Volle, le nouveau secrétaire général du Snudi-FO (Instituteurs, professeurs des écoles et directeurs d’école).
Comment ? En préparant concrètement
la grève, avec les personnels
, en contactant systématiquement les autres écoles, les autres établissements, les autres syndicats, en réactivant les réseaux construits pendant la mobilisation contre la loi Blanquer pour une école de la confiance, en arrivant aux réunions intersyndicales avec plein de motions d’assemblées générales dans les poches
. Ou encore : en mettant d’ores et déjà en place des caisses de grève, pour pouvoir tenir
. Autant de propositions faites à la tribune du congrès.
Si l’objectif premier est d’empêcher le projet de retraite par points de voir le jour, il s’agit aussi pour les militants FO de la FNEC-FP FO de mettre un coup d’arrêt à la spirale mortifère des contre-réformes
.
Un appel solennel aux personnels et à tous les syndicats de la fédération
Hubert Raguin, secrétaire général sortant qui a choisi de ne pas renouveler son mandat, l’a souligné en présentant le rapport d’activité des trois dernières années de la fédération (voté à 97%) : Les réformes Blanquer, Dussopt, nous les remettons sur la table dans le cadre de la réforme des retraites car, elles consistent toutes en la casse du statut, dont le code des Pensions fait partie. Toutes ces questions sont liées à la réforme territoriale. Les personnels administratifs sont ceux qui subissent le plus. Mais tous les champs de la fédération sont concernés : jeunesse et sports, la culture qui sert souvent de cobaye, mais aussi l’Education nationale, l’Enseignement supérieur, l’Enseignement privé…
Le congrès de la FNEC-FP FO a donc décidé de jeter toutes ses forces dans la préparation
de cette grève et lancé un appel solennel en ce sens aux personnels et à tous les syndicats de la fédération, comme proposé par Clément Poullet, élu nouveau secrétaire général de la fédération à l’issue du congrès.
Les délégués ont ainsi appelé à amplifier
la mobilisation. Plus précisément, ils appellent les personnels à poursuivre les assemblées générales pour décider et préparer la grève, dans l’unité partout où cela est possible
. Ils demandent à tous les syndicats de la fédération de prendre contact avec les autres organisations syndicales pour réaliser les conditions de l’action commune pour gagner sur les revendications : le retrait du projet Macron-Delevoy de régime universel par points, le maintien des 42 régimes dont le Code des pensions civiles et militaires de retraite et l’abandon de la loi de transformation de la Fonction publique et des contre-réformes.
Concertation ou mobilisation, ils ont choisi, pour la défense de leur statut
Quant à la concertation sectorielle relative à la réforme des retraites
initiée par les ministres Jean-Michel Blanquer et Jean-Paul Delevoye pour réfléchir à sa mise en application
selon les propres termes de ces derniers, la fédération y a répondu par une fin de non-recevoir. Les délégués s’en sont félicités dans la résolution générale, citant le courrier d’Hubert Raguin aux ministres : Ce que notre confédération refuse au niveau interprofessionnel parce qu’elle veut empêcher la réforme, le gouvernement voudrait-il tenter de l’imposer dans des concertations sectorielles qui vaudraient de son point de vue, un accord pour l’accompagnement et la mise en œuvre de son projet ?
Les délégués ont ajouté : Qu’y a-t-il en effet à discuter avec le ministre Blanquer qui, quelques jours seulement après le suicide de notre collègue Christine Renon (…) ose tenter de récupérer l’émotion et la colère pour remettre sur la table la question du statut de supérieur hiérarchique du directeur d’école et les EPSF que les enseignants et parents mobilisés contre la loi Blanquer lui ont imposé de retirer ?
(Le ministre de l’Education nationale a en effet dû abandonner en cours de route l’article de sa loi pour une école de la confiance qui prévoyait de créer des Etablissements publics des savoirs fondamentaux
au sein desquels les collectivités locales auraient pu regrouper écoles et collèges de façon à mutualiser les moyens, ce qui au passage aurait de fait remis en cause la fonction de directeur d’école.)
Qu’y a-t-il à discuter avec le président Macron, qui le même jour, à l’occasion de son grand show à Rodez sur la réforme des retraites, annonce pour les enseignants une « transformation de la carrière dans toutes ses composantes ?
, font aussi mine d’interroger les délégués.
Notre job, c’est de fédérer la mobilisation
En réponse à ces menaces à peine voilées sur leur statut, les militants FO ont condamné le basculement d’une Fonction publique de carrière à une Fonction publique de métiers
, expliquant : la notion de métiers en lieu et place de corps remet en cause les garanties individuelles et collectives… Elle remplace la qualification par les compétences qui introduisent la rémunération individuelle au détriment de la grille collective de référence.
Signes des temps, les applaudissements nourris de la salle lorsque Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires FO invité au congrès, a déclaré à la fin de son intervention : Nous n’avons pas d’autre choix que la mobilisation et d’y aller ensemble ! On entend dire que les salariés ne veulent pas se mobiliser, mais il y a de la mobilisation partout : les gilets jaunes, les Ehpad, les Finances… Notre job, c’est de la fédérer ! La question n’est pas le 5 mais le 6 ! Ensemble, on va les faire reculer !
Suicides… La lettre de Christine Renon, affichée dans les salles des profs, dans les salles des maîtres…
Une belle combativité s’est donc exprimé à ce congrès, alors que pourtant, les délégués étaient encore sous le coup des suicides de plusieurs de leurs collègues, en particulier celui de Christine Renon, directrice d’école à Pantin le 21 septembre, et celui, le 9 septembre, de Laurent Gatier enseignant au lycée professionnel de Chamalières, dans le Puy-de-Dôme, le département même où se déroulait le congrès.
Ces suicides ont été évoqués dès les premiers instants du congrès, par ceux à qui il revenait d’accueillir les délégués, Cécile Raby secrétaire départementale de la Fnec et Frédéric Bochard, secrétaire général de l’Union départementale du Puy-de-Dôme, lui-même enseignant. On peut dénoncer ou accuser les pratiques managériales mais celles-ci ne sont que la conséquence des réformes qui détruisent l’enseignement et qui détériorent les conditions de travail des personnels (…) De la maternelle à l’université, ce gouvernement saccage tout, invalide l’avenir de la jeunesse, détériorent les conditions de travail de tous les personnels et s’attaquent aux garanties statutaires…
, a notamment déclaré ce dernier.
Clément Poullet a rappelé le vent de révolte
qui s’est levé dans tout le pays au lendemain du suicide de notre collègue Christine Renon, soulignant : sa lettre est un acte d’accusation implacable contre les politiques successives qui ont saccagé l’école. Elle est affichée dans les salles des profs, dans les salles des maîtres, elle a été lue dans les rassemblements spontanés du 3 octobre ou des milliers ont dit maintenant ça suffit, il faut que ça s’arrête !
Les cadres aussi subissent les réformes
Le témoignage d’Agnès Andersen, du syndicat Indépendance et direction FO (ID FO) qui regroupe les personnels de direction du secondaire a revêtu une importance particulière : Les cadres que nous sommes subissent les contre-réformes comme les autres. En plus, l’administration nous met en position d’être les bouc-émissaires et les variables d’ajustement des situations de crise. Nous devons appliquer des textes, nous n’en sommes pas les auteurs. Que l’on ne nous fasse pas porter des responsabilités qui sont celles des politiques.
Dans ce contexte, les délégués ont exigé que soit enfin communiqué le nombre de suicides de personnels par le ministère
et que partout les CHSCT soient réunis pour faire l’état des lieux des conséquences des réformes sur la santé des agents et que toutes les mesures de prévention soient prises et que les CHSCT soit consultés,
conformément au décret 82-453
sur les projets d’aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
La loi de transformation de la Fonction publique programme la disparition des CHSCT : raison de plus pour les faire vivre, décide le congrès
Ces CHSCT dont la loi de transformation de la Fonction publique publiée le 7 août dernier au journal officiel a programmé la disparition pour 2022 car, comme l’a notamment souligné Philippe Beaufort, secrétaire général du syndicat FO des personnels administratifs (SPASEEN FO), Il n’y a pas d’étanchéité entre les attaques dans le secteur privé et celles contre le secteur public, entre la loi Travail, les ordonnances Macron et la loi de transformation de la Fonction publique
.
Raison de plus pour les faire vivre, pour que les personnels s’en saisissent, ont décidé les délégués FO. Leur résolution sociale est sans ambigüité : Le congrès refuse la disparition des CHSCT prévue pour 2022 dans la Fonction publique
et appelle toutes ses instances à
Autre motif d’inquiétude : la remise en cause, également dans le cadre de la loi de transformation de la Fonction publique, des commissions administratives paritaires (CAP) jusqu’ici chargées de donner leur avis sur les mutations et les promotions des personnels.
Décidément déterminés à tenir tête, les délégués FO, ont rappelé qu’une loi votée peut être abrogée, ce qu’ils revendiquent haut et fort. Même si la bagarre est très difficile, nous n’avons pas le choix,
Ce n’est pas l’abattement qui l’emporte, mais la volonté de s’organiser autour des revendications avec les organisations syndicales
Un lycéen de 15 ans assassiné aux abords d’un établissement de Seine-Saint-Denis en région parisienne, un recteur d’académie qui refuse à des personnels sous le choc d’exercer leur droit de retrait, pourtant statutaire… Des parents qui immédiatement se solidarisent et se mobilisent avec ces personnels et leurs syndicats pour exiger des recrutements rapides d’assistants d’éducation (ex surveillants), de conseillers principaux d’éducation, de médecins scolaires… Une mère de famille qui, face au refus de l’administration de répondre à ces revendications, interpelle spontanément le recteur : Mais combien de morts vous faudra-t-il !?
… Une autre qui lance : vous nous parlez d’émotion légitime, mais nous sommes en train de passer à la colère légitime !
…
Ce récit, Clémence Gardant du syndicat des lycées et collèges (SNFOLC) de Seine-Saint-Denis l’a conclu par ces mots : Ce n’est pas l’abattement qui l’emporte, mais la colère et la volonté de s’organiser autour des revendications avec les organisations syndicales
.
Nous le constatons tous les jours, même pour des militants aguerris, nous n’avons jamais été confrontés à un tel niveau de souffrance mais aussi de colère
, a aussi témoigné Salima Bouchalta, du Syndicat des personnels administratifs (Spaseen) de l’Isère et élue secrétaire fédérale. Hubert l’a dit dans son intervention,
Encore un moment du congrès particulièrement applaudi.
Place aux jeunes
|