Le Mans : grève des transports pour une réorganisation humaine du travail

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

© Gilles ROLLE/REA

Horaires difficiles, pauses impossibles à prendre, incivilités : les conditions de travail à la Setram, gestionnaire des transports publics du Mans, entraînent un absentéisme de plus en plus problématique, alimentant un cercle vicieux entre sous-effectifs et surcharge de travail.

Le 30 septembre fut un jour de colère dans les transports publics du Mans (Sarthe). Les 650 salariés de la Setram, où FO a fait 32% aux dernières élections, étaient appelés à faire grève ou à débrayer pour défendre leurs conditions de travail, en forte dégradation depuis des années. L’acheminement des voyageurs, déjà limité sur certaines lignes du fait du manque de personnel, s’en est trouvé bouleversé : deux lignes de bus supprimées, six perturbées, et les lignes de tramway passées en horaires de vacances.

Il faut que les usagers sachent que ça ne va plus, explique Bruno Peltier, délégué FO dans l’entreprise, qui ne souhaite pourtant pas une grève longue pour ne pas pénaliser les voyageurs. Le militant décrit le malaise grandissant parmi les personnels, les burn-out qui se multiplient : Toute l’entreprise est gangrenée, sauf le service de maintenance des bus, où demeure un esprit familial.

Chose rare en ces temps d’inflation galopante, la hausse des salaires n’apparaît qu’en dernier dans les revendications. Ce n’est même pas une grève pécuniaire, appuie Bruno Peltier. Nous, ce qu’on veut, c’est une vraie qualité de vie au travail. Il y a des jeunes qui touchent 1 650 euros net, et qui partent ! Quelque chose ne va pas. Le côté pécuniaire pourrait aider à rendre le métier plus attractif, mais ça ne ferait pas tout.

Crise des transports : une semaine de mobilisation en octobre

En premier lieu, c’est le sous-effectif dû à l’absentéisme grandissant que le délégué FO pointe du doigt. On a eu des pics à 12 ou 14% d’absentéisme, contre 5 ou 6% normalement. Bruno Peltier dénonce des arrêts consécutifs à la fatigue et au mécontentement. Parmi les revendications des grévistes, on retrouve des problématiques communes à l’ensemble des transports publics urbains : On travaille le soir, la nuit, le dimanche, les jours fériés, on fait des services doubles, on mange en décalé, on n’a que 21 week-end par an, énumère le militant. Le conflit illustre donc en partie la crise du secteur des transports. Face à cette situation alarmante, la fédération FO Transports appelle d’ailleurs à une semaine de mobilisation nationale du 17 au 23 octobre, pour les salaires et contre la dégradation des conditions de travail.

Mais outre ces enjeux nationaux, l’organisation managériale des itinéraires à la Setram aggrave encore les choses selon Bruno Peltier. Notre direction nous dit que le sous-effectif est un problème national, sauf qu’il n’y a pas que ça. C’est aussi dû à la construction des services, aux temps de pause que les gens ne peuvent plus prendre. Car le manque de personnel active un cercle vicieux, entre sous-effectifs et surcharge de travail pour ceux qui restent. Des salariés n’arrivent même plus à prendre de congés pour garder leurs enfants.

Des heures supplémentaires pour tout remède

Une mauvaise gestion managériale qui intervient en outre dans un contexte social de plus en plus tendu. Les problèmes sociétaux, on se les prend en pleine face quand on travaille dans le service public, souligne Bruno Peltier. On n’est pas formé pour la gestion de conflits, pour les caillassages de tramways. C’est un des seuls métiers où l’on est aussi isolé au milieu de tant de monde. Le contact ne se fait plus, on est séparé par des vitres, et s’il y a du retard, c’est toujours sur le conducteur qu’on se venge.

En guise de remède à ce sous-effectif structurel, la direction a proposé un accord pour augmenter les heures supplémentaires possibles, de 115 heures comme fixé par la convention collective, au maximum légal, c’est-à-dire 220 heures. Les autres syndicats de l’entreprise ont signé, pas FO. Ça ne fait que créer des salariés encore plus fatigués, tance Bruno Peltier. De plus, l’accord est censé se faire sur la base du volontariat, mais quand on sollicite de jeunes recrues par encore titularisées pour faire ces heures sup’, ils sont obligés de dire oui.

La direction de la Setram met en avant le contexte national de manque de personnel dans les transports. Mais des conducteurs, il y en a plein les rues : ils reçoivent 250 candidatures par an, affirme Bruno Peltier. Seules 10% d’entre elles sont retenues. Ils veulent des pilotes de chasse ? Il y a une opacité totale sur les critères de sélection.

A force de sous-effectifs, certaines lignes ont été sous-traitées à des entreprises qui, elles, sont susceptibles de retenir des candidats rejetés par la Setram, souligne le délégué FO.

La crainte que les usagers se détournent des transports publics

Le militant demande une réorganisation des circuits qui adapte le travail à l’homme, que les salariés aient les moyens de leurs objectifs. Une enquête menée par un cabinet indépendant a pointé l’existence de risques psychosociaux. Rassemblés le 30 septembre devant la mairie, les grévistes souhaitaient remettre le pré-rapport au maire du Mans, Stéphane Le Foll, également à la tête de la métropole et donneur d’ordre sur la question des transports publics urbains. La venue d’un huissier a dissuadé les salariés de diffuser ce document interne. Pas de quoi étonner Bruno Peltier : La direction n’a jamais été dans une position de dialogue.

Le délégué plaide pour une prise de conscience de la situation : Chez FO, on regrette que le donneur d’ordre ne se soit pas mêlé de ça depuis des années. Ce n’est pas normal de mettre en souffrance des salariés. Au-delà même de cette question, se pose celle du service public : Est-ce qu’on veut vraiment que les usagers prennent les transports urbains ? C’est une mascarade. Les gens vont finir par pallier le manque de service en prenant leur véhicule.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération