Le Tour se conjugue aussi au féminin !

InFO militante par Baptiste Bouthier, L’inFO militante

Demi Vollering et Annemiek van Vleuten, Tour de France 2022. © Thomas Maheux- ASO

Relancé l’an dernier, le Tour de France femmes est à nouveau organisé cet été dans la foulée de celui des hommes.
Focus sur une épreuve déjà incontournable.

Une histoire chaotique

Les images de l’été dernier ont marqué les esprits. Au bord de la route, spectateurs et spectatrices ont été très nombreux à répondre présent pour encourager les coureuses du Tour de France femmes, disputé la semaine suivant le Tour des hommes. Mais quel chemin parcouru pour en arriver là ! Loin d’être une évidence, l’existence même d’un équivalent de la Grande Boucle pour les femmes a longtemps fait débat, dans un milieu sportif où l’égalité des sexes est rarement un combat gagné d’avance.

Après une première édition pionnière et isolée en 1955, il faut attendre les années 1980 pour qu’un Tour de France femmes soit réellement lancé par l’organisateur du Tour masculin. De 1984 à 1989, les étapes des femmes sont disputées en lever de rideau de celles des hommes, sur un parcours similaire. C’est à cette époque que Jeannie Longo devient une célébrité, remportant trois éditions de suite en 1987, 1988 et 1989 après avoir terminé deuxième des deux précédentes. Mais l’épreuve, plombée par de nombreuses remarques sexistes, y compris des coureurs masculins, ne décolle pas et s’arrête après l’édition 1989.

Commence alors une bonne vingtaine d’années d’errance, qui verront se succéder plusieurs épreuves aux noms et aux niveaux sportifs variés, mais qui, toutes, ambitionnent d’être l’équivalent féminin du Tour de France : le Tour de la CEE féminin au début des années 1990, la Grande Boucle internationale au tournant de l’an 2000, la Route de France de 2006 à 2016. Malgré la présence à leurs palmarès des grands noms de ces deux décennies – Leontien van Moorsel, Joane Somarriba, Nicole Cooke, Annemiek van Vleuten, Amber Neben… – ces épreuves ne subsisteront pas, entre mésentente avec ASO, la société organisatrice du Tour de France, difficultés financières récurrentes et essor encore trop timide du cyclisme féminin.

2022, le pari réussi de la renaissance

Et c’est précisément ce dernier point qui change à partir des années 2010, sous l’impulsion de l’Union cycliste internationale (UCI) et des grands organisateurs d’épreuves masculines, dont ASO. À partir de 2014, l’organisateur de la Grande Boucle met en place La course by Le Tour de France, une épreuve d’un ou quelques jours organisée en parallèle du Tour et qui réunit les meilleures coureuses du monde. Mais ces dernières réclament plus, encouragées par l’UCI, ce qui a débouché, l’an dernier, sur la première édition du Tour de France femmes, nouvelle mouture. Un franc succès populaire, et bien sûr sportif : les plus grands noms du peloton se sont battus pour les victoires d’étapes (deux pour Marianne Vos, deux pour Lorena Wiebse, une pour Cecilie Uttrup Ludwig) et la victoire finale est revenue à Annemiek van Vleuten (plus deux étapes), reine incontestable du cyclisme féminin depuis plusieurs années. Organisée sur une semaine, à partir du dernier jour de l’épreuve masculine pour surfer sur l’euphorie des trois semaines de son grand frère, la Grande Boucle version femmes a convaincu son monde et revient cet été pour un nouveau grand spectacle annoncé.

2023 : rendez-vous au sommet du Tourmalet

Pour son renouveau en grande pompe, le Tour femmes avait démarré au pied de la Tour Eiffel l’an dernier, mettant ensuite le cap vers l’est pour s’achever à La Planche des belles filles. Menu bien différent cette fois, puisque si l’épreuve commencera à nouveau le jour où les garçons finiront leur Tour sur les Champs-Élysées, ce sera depuis… Clermont-Ferrand, pour s’achever huit jours plus tard à Pau. Une semaine qui sera placée sous le signe de la pente, car entre le Massif central et les Pyrénées, toutes les étapes s’annoncent corsées et susceptibles de faire des écarts entre les meilleures.

Longue de 177 kilomètres, une distance rarissime chez les femmes, et proposant un final corsé en direction de Rodez, la quatrième étape sera particulièrement intéressante à suivre. Mais nul doute que la victoire finale se construira avant tout le dernier week-end. Le samedi, les coureuses devront en effet grimper le col d’Aspin et surtout le Tourmalet (17km à 7,3%), le col le plus difficile des Pyrénées, au sommet duquel sera tracée l’arrivée de cette septième étape. Puis, le lendemain, un contre-la-montre de 22 kilomètres autour de Pau sera la dernière occasion de faire des écarts, après avoir accumulé de la fatigue toute la semaine.

Encore van Vleuten avant de tirer sa révérence

Ce parcours n’a pas de quoi effrayer Annemiek van Vleuten, la tenante du titre, qui est la première candidate à sa propre succession. Grimpeuse hors pair et bonne rouleuse, la Néerlandaise voudra laisser un peu plus son nom dans l’histoire de son sport, à 40 ans, et alors qu’elle doit prendre sa retraite à la fin de la saison. Mais elle devra pour cela écarter de sa route sa dauphine de l’an dernier, Demi Vollering, qui est de loin la meilleure coureuse de la saison 2023 au départ de ce Tour. La Néerlandaise, âgée de 26 ans, a collectionné les succès sur les classiques du printemps, signant notamment un triplé ardennais tonitruant sur l’Amstel Gold Race, la Flèche wallonne et Liège-Bastogne-Liège. La Polonaise Katarzyna Niewiadoma, qui avait complété le podium du Tour l’an dernier, la Sud-Africaine Ashleigh Moolman et l’Italienne Marta Cavalli sont également des candidates déclarées à la victoire finale.

Mais il faudra aussi compter sur le contingent français, dont le premier objectif sera de remporter une étape, à défaut d’y être parvenu l’an dernier. Audrey Cordon-Ragot (multi championne de France) et Evita Muzic (huitième du général et deuxième de l’étape de Bar-sur-Aude l’an dernier) seront les meilleures chances tricolores, de même que Juliette Labous. Mais la coureuse du Team DSM, âgée de 24 ans, est surtout la principale arme française pour le classement général. Remarquable quatrième l’an passé, à moins d’une minute du podium, elle tentera cette fois de monter sur la boîte, voire de faire encore mieux si la chance lui sourit. Le public hexagonal n’attend que ça pour se passionner pour le Tour de France femmes et s’y intéresser, petit à petit, autant qu’à celui des hommes.

Baptiste Bouthier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération