Les favoris du Tour 2023

InFO militante par Baptiste Bouthier

© Pauline Ballet-ASO

Vainqueurs à eux deux des trois dernières éditions de la Grande Boucle, Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar ont toutes les cartes en main pour se disputer la victoire finale dans un duel alléchant. Les autres coureurs joueront sans doute la dernière marche du podium.

Nouveau rôle pour Vingegaard

En 2021, il ne figurait même pas sur la liste des candidats au top 10 final. En 2022, il n’était qu’outsider. Pour la première fois cet été, Jonas Vingegaard aborde le Tour de France dans la peau du favori, et du tenant du titre. Deuxième il y a deux ans, remplaçant alors au pied levé Primoz Roglic comme leader de la Jumbo-Visma, et vainqueur l’an dernier avec autorité face au double vainqueur sortant Tadej Pogacar, qui semblait invincible, le Danois a connu une ascension vertigineuse. Mais comme pour tous ceux qui parviennent au sommet, voilà désormais l’équation la plus difficile à résoudre : comment ne pas en redescendre ?

Les premiers mois après son succès, l’été dernier, avaient laissé place au doute. Jonas Vingegaard ne semblait pas avoir réussi à pleinement digérer son sacre, apparaissant comme un peu dépassé par l’ampleur de ce qu’il avait accompli. Mais 2023 a été plus rassurante. Certes, en mars, sur Paris-Nice, sa seule confrontation directe avec Pogacar entre les deux Grandes Boucles, le Danois de 26 ans a été sèchement battu par le Slovène, et même par David Gaudu, ne terminant « que » troisième du général. Mais le mois suivant, il a remporté avec une grande autorité le difficile Tour du Pays basque, empochant trois des six étapes au passage. De quoi faire le plein de confiance.

Au niveau qui était le sien sur les routes du Tour de France l’an dernier, Jonas Vingegaard n’a pas de rival, pas même Tadej Pogacar. Mais est-il capable de reproduire une telle performance chaque mois de juillet ? S’agissait-il d’un épisode unique, d’une parenthèse dorée dans sa carrière ? C’est la seule inconnue au départ de Bilbao, car le reste n’a pas bougé : le parcours est taillé pour lui, ses équipiers sont parmi les meilleurs du monde et son équipe Jumbo-Visma n’a qu’une seule ambition, ramener à nouveau le maillot jaune à Paris.

Pogacar, l’heure de la revanche

Et soudain, il est redevenu humain. Mercredi 13 juillet 2022, dans le col du Granon, Tadej Pogacar perd pied. Au coude à coude avec Jonas Vingegaard depuis un moment, le Slovène a fini par se faire décrocher par le Danois. Mais le maillot jaune n’est pas dans la gestion : il se fait reprendre puis déposer par Nairo Quintana, Romain Bardet, Geraint Thomas, David Gaudu, et encore Adam Yates… À l’arrivée, il cède près de trois minutes à Vingegaard. Il ne les reprendra jamais d’ici Paris, le reste du Tour ne venant que confirmer la supériorité du coureur de Jumbo sur celui d’UAE.

Cette journée a marqué au fer rouge Tadej Pogacar. Un échec, presque une humiliation pour un coureur aussi dominateur ; en tout cas, sa première défaite, cuisante, après deux victoires impressionnantes d’affilée sur le Tour, en 2020 et 2021. De quoi dérégler la machine, semer le doute dans la tête du coureur ? Pas une seconde. Au lendemain du Tour, le Slovène a continué de remplir son palmarès en remportant le GP de Montréal puis, quelques jours après avoir fêté ses (seulement !)

24 ans, le prestigieux Tour de Lombardie. Surtout, son début de saison 2023 est parfait : Pogacar a remporté Paris-Nice (et trois étapes), le Tour des Flandres, l’Amstel Gold Race et la Flèche wallonne. Seule anicroche : un poignet fracturé sur Liège-Bastogne-Liège, qui n’est plus qu’un lointain souvenir au départ du Tour.

Car seul ce mois de juillet peut venir définitivement effacer le souvenir cuisant du col du Granon. Le Tour 2023 doit être celui de la reprise du trône par Tadej Pogacar, car telle est, à ses yeux et à ceux de bon nombre de suiveurs, sa place naturelle. Mais que se passera-t-il quand, au cœur de l’effort, les deux coureurs croiseront leurs regards ? Pogacar se souviendra-t-il, même furtivement, de la défaite subie dans sa chair ? Saura-t-il en faire abstraction ? Ou y puisera-t-il, au contraire, la force de se venger du Danois ? Quelle que soit l’issue, la bataille promet d’être belle.

Gaudu, le podium au mieux ?

Épatant quatrième du Tour l’an dernier, David Gaudu a changé de statut. D’espoir, le coureur de 26 ans est devenu le meilleur grimpeur français, le seul susceptible de monter sur le podium du Tour de France. Car est-il raisonnable d’espérer mieux ? Son début de saison est prometteur : deuxième de Paris-Nice, quatrième du Tour du Pays basque, le coureur de la Groupama-FDJ est devenu un cador mondial. Sur la Course au soleil, il a même joué dans la cour de Pogacar et Vingegaard, s’intercalant entre les deux au général final. Mais de mars à juillet, de la moyenne montagne de Paris-Nice aux grands cols du Tour, la vérité du jour est rarement celle du lendemain et il paraît aujourd’hui difficile d’imaginer David Gaudu être dans la course pour ramener le maillot jaune à Paris. A priori donc, Vingegaard et Pogacar sont un cran au-dessus, voire deux. Sur une autre planète. Gaudu serait plutôt le premier nom à cocher sur sa planète à lui, celle des candidats à la troisième marche du podium.

Et aussi…

Mais la liste des prétendants à la boîte à Paris est longue, et la lutte s’annonce ouverte. Côté français, outre David Gaudu, Romain Bardet rêve d’y parvenir pour la troisième fois de sa carrière, après 2016 et 2017. Leader de la formation tricolore AG2R-Citroën, l’Australien Ben O’Connor (quatrième en 2021) est un candidat sérieux aussi, de même que son compatriote Jay Hindley, vainqueur du Tour d’Italie l’an passé, mais qui découvre les routes du Tour. «  Rookie  » lui aussi, le Danois Mattias Skejlmose vient repousser ses limites, ce qui pourrait le mener loin.

Mais c’est peut-être au sein des équipes qui alignent plusieurs leaders que se trouvera l’heureux élu. Chez Bahrain-Victorious, les Espagnols Mikel Landa (quatrième en 2017 et 2020) et Pello Bilbao (neuvième en 2021) forment un duo intéressant. Chez Ineos, c’est carrément un trio qu’il faudra surveiller de près, d’autant que leurs qualités sont variées : le rouleur-grimpeur colombien Daniel Martinez, le puncheur-grimpeur britannique Tom Pidcock, et le jeune grimpeur espagnol Carlos Rodriguez. Cinquième en 2020, sixième l’année suivante, Enric Mas rêve de faire enfin aussi bien sur la Grande Boucle que sur le Tour d’Espagne (trois fois deuxième). Reste le mystère Richard Carapaz : vainqueur du Giro 2019, deuxième de la Vuelta 2020, troisième du Tour de France 2021, l’Équatorien a le profil pour mettre tout le monde d’accord, mais son début de saison transparent n’incite pas à l’optimisme.