Les jolies colonies de vacances

InFO militante par Christophe Chiclet, L’inFO militante

© Herve VINCENT/AVECC-REA

Fondées à l’origine dans un but sanitaire et hygiéniste, les colonies de vacances ont permis en plus d’un siècle à des dizaines de millions d’enfants de partir en vacances. Ces structures pâtissent aujourd’hui d’un manque d’attractivité des métiers de l’animation. À la veille de l’été, il manquait 30 000 moniteurs.

C’ est en 1883 qu’Edmond Cottinet crée en France l’Œuvre des colonies de vacances du 9e arrondissement de Paris. Il envoie à la campagne dix-huit petits anémiés et dira à leur retour :  Ils ont engraissé de sept kilos en quatre semaines. Jean Macé, qui a lancé la Ligue de l’Enseignement en 1866, ouvre ses propres centres de vacances et de loisirs en 1886 à destination des enfants des classes populaires et moyennes. Il s’agit de sortir les gosses des taudis, de la malnutrition et de la pollution des villes. Il s’agit aussi de lutter contre l’emprise de l’Église et des droites monarchistes sur la jeunesse française. Mais face aux « colos » de la République, l’Église catholique va développer ses patronages d’été. La France va recevoir l’appui du scoutisme naissant. En effet, un général britannique, Baden Powell (1857-1941), lance le mouvement scout international en 1907. Issu du protestantisme, le scoutisme arrive en France deux ans plus tard, et l’Église va le catholiciser. Mais rapidement apparaissent aussi les scouts protestants, orthodoxes, israélites et musulmans.

Le souffle du Front populaire et de la Libération

Les laïcs ne se laissent pas déborder et fondent les Éclaireurs de France, mouvement mixte et laïc. Le Front populaire, avec son secrétariat d’État aux sports et aux loisirs, crée une école de formation pour les moniteurs et les directeurs de centre. Ils auront même un diplôme officiel dans les années 1950 (le fameux BAFA d’aujourd’hui). En 1939, les Offices départementaux des centres de vacances et de loisirs voient le jour. Si en 1913, seulement 100 000 petits Français ont bénéficié des colos, ils seront quatre fois plus en 1937. Après la Libération, en 1947, 90 % des colonies sont financées directement ou indirectement par l’État. En effet, suivant le programme du Conseil national de la Résistance, la plupart des grandes entreprises ont été nationalisées. C’est ainsi que les comités d’entreprise (SNCF, EDF-GDF, Renault…) multiplient la construction de centres de vacances à la mer, à la montagne, à la campagne. Sans compter les colos des municipalités et celles plus ou moins liées aux ministères des Sports et de l’Éducation nationale. Et c’est ainsi qu’avec le baby-boom, un million de petits Français sont passés par les colos en 1955 et quatre millions dix ans plus tard. Ce n’est pas un hasard si Pierre Perret fait un tabac avec sa chanson Les jolies colonies de vacances en 1966. Mais à partir des années 1990, l’attrait des colos s’estompe. Seulement 1,3 million de fréquentation en 2014 et à peine un million en 2017. À cela plusieurs raisons, entre autres l’appauvrissement des comités d’entreprise et des budgets municipaux, la hausse des prix des séjours, la fermeture d’infrastructures vieillissantes... Les colos tentent alors de se réinventer avec des séjours plus courts et aux activités spécialisées. Actuellement, le secteur affronte un déficit d’attractivité de ses métiers se traduisant par un manque d’animateurs, 30 000 à la veille de ces vacances d’été. Quoi qu’il en soit, de 1880 à 2010, près de 60 millions de petits Français ont fréquenté ces jolies colonies de vacances…

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération