Les principales mesures du projet de loi Rebsamen adopté par les députés

Dialogue social par Clarisse Josselin

François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le 1er juin 2015 à Matignon. © F. Blanc

Le projet de loi sur le dialogue social et l’emploi a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 2 juin, par 301 voix contre 208, après une semaine de débats. Il sera examiné au Sénat à partir du 22 juin pour un vote solennel prévu le 30 juin.

Le texte avait vu le jour après l’échec des négociations interprofessionnelles entre les interlocuteurs sociaux, début 2015, sur la modernisation du dialogue social. Le gouvernement avait alors décidé de « reprendre la main » et d’aller très vite. Au fil des mois, le projet de loi s’est considérablement alourdi, traitant de la représentation des salariés mais aussi de la pénibilité ou de la prime d’activité.

Pour FO, malgré quelques amendements favorables des députés, la réforme engagée fragilise les IRP, attaque les droits des salariés et contourne les syndicats.


Volet dialogue social


La délégation unique du personnel (DUP) élargie
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, toutes les instances du personnel (DP, CE, CHSCT) peuvent être regroupées au sein d’une délégation unique du personnel (DUP). Jusqu’à présent, la DUP était limitée aux entreprises de moins de 200 salariés et n’incluait pas le CHSCT.
Au-delà de 300 salariés, un regroupement partiel ou total est également possible, sous réserve d’un accord majoritaire. La DUP peut aussi se mettre en place dans toutes les entreprises appartenant à une unité économique et sociale (UES) regroupant au moins 300 salariés, par accord collectif.
Les questions relevant à la fois du CHSCT et du CE doivent faire l’objet d’une consultation et d’une expertise communes. Dans la DUP élargie, après amendements des députés, les suppléants sont autorisés à assister aux réunions. Le délai d’envoi de l’ordre du jour est porté de cinq à huit jours, contre quinze jours actuellement pour le CHSCT. Les crédits d’heures sont annualisés et mutualisés.


Une représentation dans les TPE
Une représentation externe des salariés et employeurs des TPE (moins de 11 salariés) sera créée au 1er juillet 2017. Les commissions paritaires régionales interprofessionnelles (10 représentants des syndicats et 10 du patronat dans le respect de la parité hommes/femmes) auront une mission de conseil, d’information et de médiation. Elles pourront aussi faire des propositions d’activités sociales et culturelles.
Leurs membres auront accès aux locaux des entreprises sur autorisation de l’employeur. Ils bénéficieront d’un crédit de cinq heures par mois, annualisables.
Par ailleurs, un rapport annuel sera fait sur les salariés des TPE sans couverture conventionnelle et un plan d’action mis en place pour améliorer cette couverture.


Les administrateurs salariés
Les entreprises de plus de 1 000 salariés (contre 5 000 salariés actuellement) ont l’obligation de mettre en place au moins deux administrateurs salariés. Pour les entreprises dont le siège social est à l’étranger, ce seuil passe de 10 000 à 5 000 salariés.
Les holdings de tête, quels que soient leurs effectifs, doivent aussi désigner ou élire des administrateurs salariés.


Information/consultation/négociations
Les dix-sept obligations d’information-consultation du comité d’entreprise sont regroupées en trois grands rendez-vous : orientations stratégiques ; situation économique et financière ; politique sociale, conditions de travail et emploi.
Les négociations obligatoires sont rassemblées en trois séquences : rémunération/temps de travail ; qualité de vie au travail ; emploi. Leur périodicité peut être modifiée par accord d’entreprise, sauf dans les entreprises n’ayant pas conclu d’accord sur l’égalité femmes/hommes.
En l’absence de délégués syndicaux, des représentants du personnel et des salariés mandatés par les syndicats peuvent négocier des accords collectifs. Les députés ont rétabli la validation obligatoire de ces accords par une commission paritaire de branche pour les salariés mandatés mais pas pour les élus mandatés, qui pourront signer seuls un accord collectif.
L’employeur peut recourir à la visioconférence pour réunir les IRP dans la limite de trois par an, sauf accord.


Égalité femmes/hommes
Après une levée de boucliers (voir article ci-dessous) les députés ont rétabli la négociation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes, mais en la diluant dans la négociation qualité de vie.
En l’absence d’accord sur l’égalité, l’employeur est tenu d’établir un plan d’action et d’en informer les salariés.
Le rapport annuel de situation comparée, obligatoire depuis 1983 au-delà de 50 salariés, est supprimé. À sa place, une « rubrique » sur l’égalité professionnelle doit être créée dans la base de données économiques et sociales partagée avec les représentants du personnel.
La proportion d’hommes et de femmes dans les listes aux élections professionnelles doit respecter celle du corps électoral et être composée « alternativement d’un candidat de chaque sexe, jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes ». En cas de non-respect, l’élection du candidat dont le sexe est surreprésenté sera annulée.
La parité s’applique aussi dans la désignation des conseillers prud’hommes.
 Voir l’article paru dans FO Hebdo n°3161
 Signer la tribune égalité parue dans Libération


Parcours militant
Les représentants du personnel titulaires, les délégués syndicaux et tous les salariés titulaires de mandats syndicaux bénéficient d’une progression minimale de salaire et d’un dispositif de valorisation de leurs compétences. Ils peuvent avoir, à leur demande, un entretien avec l’employeur en début et fin de mandat.


Volet intermittence


Intermittents du spectacle
La spécificité du régime d’Assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle est inscrite dans le Code du travail. Par ailleurs, les interlocuteurs sociaux représentatifs de la profession sont autorisés à négocier des modalités d’indemnisation spécifiques, dans un cadre financier préétabli. Ils doivent aussi négocier avant juillet 2016 sur les conditions de recours aux CDD d’usage. Ils doivent aussi examiner l’évolution de la prise en compte des périodes de maladie et de maternité avant le 31 janvier 2016.


Volet emploi

François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le 1er juin 2015 à Matignon. © F. Blanc

Prime d’activité
Au 1er janvier 2016, la prime d’activité remplacera la prime pour l’emploi et le RSA activité. Elle sera ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans et versée dès le premier euro de revenus aux salariés touchant jusqu’à 1,2 Smic (1 400 euros net). Les étudiants et apprentis y sont éligibles s’ils touchent au moins 0,78 Smic (soit 886 euros net) durant au moins trois mois consécutifs.
 Lire l’article « FO préfèrerait de meilleurs salaires »


Compte pénibilité
Les employeurs n’ont plus à remplir de fiches individuelles. Ils doivent déclarer à la caisse de retraite l’exposition des salariés aux différents facteurs de pénibilité en s’appuyant sur des référentiels de branche par métier. Ces référentiels seront opposables en cas de contentieux dans un délai d’action réduit de trois à deux ans. C’est également la caisse de retraite qui fera l’interface avec les salariés.


Compte personnel d’activité
Au 1er janvier 2017, le compte personnel d’activité regroupera les différents comptes existants (pénibilité, formation, compte épargne-temps…). Une concertation doit être ouverte avec les interlocuteurs sociaux avant la fin de l’année, en vue d’une éventuelle négociation. Un projet de loi précisera les modalités de ce compte en 2016.


Burn-out
Les pathologies psychiques, dont le burn-out, pourront être reconnues comme maladies professionnelles dans certains cas. Mais rien ne change sur le fond puisque le syndrome d’épuisement professionnel n’est toujours pas inscrit dans le tableau des maladies professionnelles. Sa prise en compte continuera de se faire par le système complémentaire de reconnaissance régionale des maladies professionnelles.
Un rapport du gouvernement doit être rendu au Parlement en juin 2016 sur la question de la reconnaissance du burn-out.
 Voir l’article paru dans FO Hebdo 3161
 Voir le communiqué de Force Ouvrière


Médecine du travail
Seuls les salariés occupant des postes à risques bénéficient d’une surveillance médicale renforcée dont les modalités seront précisées par décret. Le contrôle est assoupli pour les autres salariés et la vérification systématique de l’aptitude à l’embauche peut être abandonnée. La visite médicale périodique se fait au minimum tous les cinq ans contre deux ans actuellement.
Par ailleurs, en cas d’inaptitude à tout poste, l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement et peut rompre le contrat de travail « si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».


Action Logement
Le gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, des mesures pour réformer l’organisme de collecte et de gestion de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC).
 Voir le communiqué de Force Ouvrière


Afpa
L’Association pour la formation professionnelle, des adultes devient un établissement public économique et commercial (epic) par ordonnance, pour assurer sa pérennité.


CV anonyme
Cette mesure, qui n’est jamais entrée en vigueur faute de décret d’application, n’est plus obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés.
 Voir l’article paru dans FO Hebdo n°3160


Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante