[Livre] À la ligne – Feuillets d’usine - Histoire ordinaire de la servitude volontaire

Idées par Corinne Kefes

Au milieu des rangées de livres étalés dans toute bonne librairie, voici une drôle de pêche !

Ouvrage quelque peu inclassable, ce roman-journal-poème nous plonge dans l’univers des chaînes d’usines agroalimentaires. Un univers répétitif, bruyant, épuisant pour le corps et pour l’esprit.

La force de l’auteur est de nous faire suivre une ligne de crête entre ce milieu abrutissant et ses envolées littéraires et poétiques.

Par les mots et leurs jeux, par le rythme de la ligne qui revient souvent à elle-même, il nous berce pour mieux nous asséner une vérité crue, si ce n’est cruelle.
Alors que dans une vie antérieure, comme éducateur spécialisé, il a dû faire face à la violence des banlieues, il se retrouve confronté à une tout autre violence, dans un système qui n’est pas le sien et il nous prend à témoin de son expérience.

Il nous dépeint ce monde quasi inhumain où les horaires décalés désorientent, où s’impose la dictature de l’horloge, où l’abrutissement du travail chamboule certitudes et repères, et en vient à la conclusion que finalement, ce qui est pire peut-être c’est l’absence de travail. L’usine est un divan, dit-il. Elle amène à la découverte de son moi intérieur, de ce qu’on est capable d’accepter par amour et pour le pain quotidien.

Un livre poignant, qui ne laissera pas indifférents ceux qui aiment la langue française, un livre sans fin puisqu’il n’y aura jamais de point final à la ligne

 

À la ligne – Feuillets d’usine, Joseph Ponthus, Éditions La table ronde, 263 pages – 18 euros.