
Barbara Kingsolver, journaliste américaine, raconte la longue et dure grève des mineurs de cuivre de l’Arizona au milieu des années 1983-1984. Après avoir chroniqué ces événements de manière régulière pour la presse locale, elle s’est replongée dans les centaines d’heures d’interviews réalisées avec des grévistes, des femmes de grévistes, quelques politiques aussi, pour en tirer cet ouvrage, paru en anglais en 1989, mais traduit tout récemment.
En juillet 1983, alors que l’industriel minier Phelps Dodge veut contraindre ses employés à des baisses de salaires importantes et la suppression de mesures liées à l’ancienneté notamment, les mineurs se mettent en grève. Les temps sont alors difficiles pour les syndicats qui doivent se battre pour subsister. Le président Reagan fraîchement élu venait de détruire purement et simplement le syndicat des contrôleurs aériens. Tous ceux qui s’étaient mis en grève pour revendiquer de meilleurs salaires, un temps de travail diminué, de meilleurs équipements... Avaient été licenciés ! A l’époque, les contrôleurs aériens, fonctionnaires, n’avaient pas le droit de grève.
Briser le mouvement à tout prix
En Arizona, Phelps Dodge, entreprise privée dans laquelle les droits syndicaux étaient pourtant acquis, ne se comporta guère mieux. Tous les moyens furent bons pour briser le mouvement : injonctions judiciaires pour restreindre l’installation des piquets de grèves ou y limiter la présence des syndicalistes, occupation des villes minières par la Garde nationale pour contrôler la population, recrutements d’ouvriers « jaunes », ... L’industriel est allé jusqu’à fermer ses mines durant de longs mois, licenciant et abandonnant ses salariés à l’aide sociale. Il ne rouvrira les mines que quelques semaines avant la renégociation des conventions, une fois les mineurs endettés jusqu’au cou et pressés forcément de retrouver un salaire. Il n’a pas hésité non plus à interrompre la couverture médicale des grévistes au lendemain d’une inondation tragique.
Une grève émancipatrice pour les femmes
Devant de telles injustices et alors que certains mineurs étaient contraints d’aller vendre leur force de travail ailleurs, les femmes, elles, sont restées. Elles ont géré banques alimentaires et caisses de grèves. Elles ont tenu les piquets de grèves que leurs compagnons n’avaient plus le droit ou la possibilité d’occuper. Elles ont aussi été traduites en justice sous les prétextes les plus fallacieux pour avoir osé tenir tête au trust minier et à la police d’État. Certaines ont trouvé dans ces dix-huit mois de lutte, les ressources pour leur propre émancipation. C’est cet éclairage sur le rôle et la présence des femmes dans le mouvement qui apporte tout son intérêt au témoignage de Barbara Kingsolver.