[Livre] L’homme aux 660 victoires

Les articles de L’InFO militante par Corinne Kefes

Alcide Rousseau – Chasseur de primes, Philippe Soubirous. Éditions d’Arenberg – 306 pages, 30 euros.

Ce livre est l’histoire de deux rencontres fortuites : l’une entre le biographe et Alcide, l’autre entre Alcide et le vélo.

C’est en rendant service à un ami que l’auteur rencontre Alcide : passionné d’histoire, amateur de sport et de vélo en particulier, amoureux de sa région, il doit transporter un ancien vélo. Il remarque alors la plaque du fabricant et, intrigué, il va, de fil en aiguille, découvrir la vie de ce coureur. De la même façon, la rencontre d’Alcide avec le vélo est un hasard : né en 1881 dans la campagne bourguignonne, il est fils de fermier, destiné à reprendre la ferme. Mais il rêve d’ailleurs. La conscription lui fait découvrir la ville (Auxerre) et le vélo.

À cette époque, celui-ci connaît un intérêt grandissant : considéré comme un progrès social (le cheval du pauvre), il est de plus en plus utilisé à des fins sportives et de loisir, par les hommes comme par les femmes. Les premières courses sont créées (Paris-Brest-Paris), mais c’est surtout le vélodrome qui devient populaire avec les 6 jours de Paris par exemple.

À la quille, Alcide « monte » à Paris : il a déjà quelques courses à son actif dans la région et quelques victoires mais s’il veut percer, il lui faut conquérir la capitale. Il s’y installe, trouve un emploi de coursier à vélo, se marie. Le voilà lancé. Il multipliera les catégories d’épreuves, voyagera dans la France entière, en Belgique, en Allemagne, en Australie, aux Baléares, en Afrique du Nord, en Suisse. Il multipliera les victoires et les records (9 au total dont le record du 100 km). Il s’investira dans les débuts du syndicat cycliste : la professionnalisation des coureurs développe la notion de métier, la mise aux normes des contrats, la mise en place des caisses de secours mutuels et de retraite, la défense des intérêts des coureurs. Tour à tour agriculteur, militaire, sportif de haut niveau, syndicaliste, il finira primeur aux Halles de Paris, sans tout à fait quitter le monde du vélo, après toute une vie qu’il n’imaginait même pas.

rentes épreuves avec la course à l’engagement et à la prime, le monde des coureurs-partenaires, la part prenante de l’industrie et des avancées techniques comme le dérailleur, l’importance des journaux.

Il contient de riches et nombreuses illustrations d’époque : cartes postales, photos de famille, photos officielles dans les journaux, affiches, dessins. Il est considérablement documenté et détaille avec précision le monde du vélo à cette époque, avec force anecdotes et citations. L’écriture, très vivante, est dans l’esprit du commentateur sportif : on s’y croirait.

C’est l’histoire d’un homme célèbre, aujourd’hui retombé dans l’oubli, qui éclaire la société de son temps.