Il y a déjà une bonne dizaine d’années cet éditeur avait publié en deux volumes ces affiches, témoignage de la guerre d’Espagne (1936-1939). Les deux premières éditions étant épuisées, il a décidé d’un retirage mais cette fois en un seul volume. Belle initiative venant à point nommé.
Le 17 juillet 1936, quatre généraux putschistes décident de renverser la II° République espagnole dirigée par le Frente popular depuis quelques mois seulement. Pour le patronat, les grands propriétaires terriens, l’église, les partis réactionnaires et fascisants, la gauche au pouvoir est une insulte. Ils chargent donc l’armée qui ne se fait pas prier (sauf la marine) de faire un coup d’État, avec comme fer de lance l’armée d’Afrique dirigée par le général Franco, un catholique fanatique issu pourtant d’une famille de marranes luso-galicienne. Cette promenade militaire qui ne devait durer que quelques jours, prendra trois ans grâce à la réaction instantanée des classes populaires : ouvriers des centres urbains, travailleurs agricoles des latifundia, ainsi que la bourgeoisie nationaliste catalane et basque.
Les militants syndicaux et des partis politiques de gauche posent alors leurs banderoles revendicatives pour attraper le fusil, mais aussi la pioche, le marteau, la faucille, la plume et prennent en main les moyens de productions : usines, ateliers, bureaux, champs.
L’effervescence artistique
Dans ce foisonnement révolutionnaire la création artistique explose. Dans les arrières salles des locaux des syndicats (CNT anarchiste, le plus important, UGT socialiste) et des partis politiques (PSOE socialiste, FAI anarchiste, POUM communiste antistalinien, PCE communiste), les miliciens et miliciennes prennent le temps de déposer fusils et outils pour prendre le pinceau, la brosse et réaliser des affiches de propagande révolutionnaire.
L’expression graphique de ces œuvres est très liée aux influences des courants artistiques de l’Entre-deux-guerres, loin de l’art « socialiste » pompeux de l’URSS de Staline, puis de la Chine maoïste. Les affiches ici reproduites en sont l’expression la plus visible, mais on retrouve cet art graphique dans les publications (journaux, revues, livres…) et sur des fresques murales qui avaient fait leur apparition durant la révolution mexicaine et qui vont refleurir un jour d’avril au Portugal, comme l’a chanté Georges Moustaki : dis-leur qu’un œillet rouge a fleuri au Portugal.
Le 1er avril 1939, la guerre d’Espagne prenait fin. Les peintures religieuses d’un style baroque pompeux devenaient la règle incontournable pendant près de quarante ans dans la longue nuit du franquisme.
« Espagne 36. Les affiches des combattant-e-s de la liberté », Les Editions Libertaires, 3° édition, 2019, 208 p., 35 euros. |