Le narrateur mystère, dont nous ne saurons jamais le nom, nous invite à partager avec lui un bout de sa vie. Livreur à vélo pour une plateforme de restauration, il a un accident qui le contraint à changer d’orientation professionnelle. C’est par hasard qu’il entend parler d’un nouveau job en plein développement : client mystère. Ainsi, tel Alice découvrant l’autre côté du miroir, il devient celui qui observe, voire épie, le travail des autres, tel un juge tout-puissant.
Le parallèle est double entre ces situations : outre cet effet de reflet, il y a une sorte de fuite en avant le « nez dans le guidon » à vouloir être toujours plus performant pour avoir les courses les plus rentables ou évoluer dans la hiérarchie de l’évaluation à but qualitatif. Pris dans cet engrenage, il s’agit d’aller toujours plus vite pour ne pas tomber, jusqu’à en perdre son esprit critique, voire sa conscience.
Ce sont donc deux côtés du même monde que nous arpentons, celui du travail ubérisé où tout est contrôlé par des algorithmes, où règnent l’évaluation et l’efficacité absolue et où l’humain s’efface devant l’injonction de perfection.
Le tempo est rapide, la narration réaliste et pleine d’auto-dérision, avec un regard lucide surprenant parce qu’il analyse une lente descente aux enfers qu’on sent presque inévitable, comme une spirale fatale.