[Livre] Un océan, deux mers, trois continents : et vogue la galère négrière

Culture par Michel Pourcelot

Ce navire c’est le capitalisme en miniature, souligne Wilfried N’Sondé, l’auteur du livre, qui raconte l’histoire d’un prêtre noir du royaume du Kongo qui, au XVIIe siècle, embarque, libre, à bord d’un navire pratiquant le commerce triangulaire pour demander au Pape la fin de l’esclavage.

Si Nsaku Ne Vunda n’est pas un personnage historique des plus connus, il est des plus étonnants. Ce jeune Congolais, né vers 1583, baptisé et ordonné prêtre sous le nom de Dom Antonio Manuel, est envoyé en 1604 par le roi du Kongo, Alvaro II, comme son ambassadeur auprès du Pape Paul V. Il embarque à bord d’un navire négrier, qui, suivant le commerce triangulaire, le fait passer par le Nouveau Monde avant d’atteindre l’Europe. En s’appuyant sur ces faits historiques, Wilfried N’Sondé a construit son roman Un océan, deux mers, trois continents. C’est le cinquième livre de cet écrivain, musicien et chanteur né au Congo-Brazzaville, mais élevé en Ile-de-France, qui a été révélé par Le cœur des enfants léopards (Actes Sud, 2007), ouvrage récompensé par le prix des Cinq continents de la francophonie et le prix Senghor de la création littéraire).

« On en est encore là »...

Wilfried N’Sondé fait parler à la première personne son personnage quelque peu candide. Il lui fait exprimer ses doutes entre la foi chrétienne et la pratique de l’esclavage, sa volonté de demander au pape l’abolition de l’esclavage. À bord du navire négrier, Le Vent Paraclet, Antonio Manuel Nsaku Ne Vunda se lie avec Martin, simple matelot originaire de l’Ouest de la France. Ils se trouvent des valeurs communes, malgré ce qui les sépare. Et ce, comme l’auteur le confie au magazine Africultures, parce que malgré tout ce système économique et politique de soumission, de division, de conflits, l’être humain a cette capacité, aussi, de s’ouvrir à l’autre, [...] la rencontre est dans d’autres valeurs que le profit économique. Qui lui est toujours roi : Quand on se dit qu’on va s’emparer d’un phénomène du passé, on se doute qu’il y aura des résonances aujourd’hui, mais c’est plus que cela, c’est l’actualité, c’est assez effrayant. Le Vent Paraclet, c’est le capitalisme en miniature. il y a 300 esclaves, une centaine de matelots, quelques officiers, un armateur en Europe, le roi du Kongo et un acheteur aux Amériques. C’est-à-dire une dizaine de personnes qui s’enrichit en broyant la vie de près de 400 personnes. On en est encore là.

[( Un océan, deux mers, trois continents, de Wilfried N’Sondé, publié aux éditions Actes Sud le 3 janvier 2018. Prix : environ 20 euros. )

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante