Préserver le cadre national de l’école, pour FO c’est fondamental

Les Dossiers de l’InFO militante par Clarisse Josselin, Elie Hiesse, L’inFO militante

Illustration : Jean-Luc Boiré

Pour la fédération, cette pénurie de personnels s’explique en grande partie par la faiblesse des rémunérations dans l’Éducation nationale. Elle vient de lancer une pétition pour exiger l’augmentation immédiate de tous les salaires.
FO demande aussi l’abandon du chantier de refondation de l’école, qui vise à donner plus d’autonomie aux écoles pour définir leur projet pédagogique. Dans ce contexte, les conditions de travail se dégradent partout. Signe de la profondeur du malaise, même les personnels de direction se sont rassemblés le 15 septembre devant le ministère de l’Éducation nationale.

E n cette rentrée scolaire, qui a vu quelque 12 millions d’élèves prendre le chemin des cours, de la maternelle aux formations post-bac, ce sont les personnels qui ont manqué à l’appel, en raison d’une pénurie. Tous les corps de l’Éducation nationale sont concernés, de l’enseignement aux services administratifs.

Du côté des professeurs, environ 4 000 postes n’ont pas été pourvus à l’issue des concours 2022. Pour faire face à cette pénurie, le gouvernement, qui avait promis la présence d’un enseignant devant chaque classe à la rentrée, a recruté 4 500 contractuels. Dans l’urgence, certaines académies, comme celle de Versailles, n’ont pas hésité à lancer mi-mai des « jobs dating », des entretiens de trente minutes pour décrocher des contrats d’un an renouvelables. Certains de ces professeurs néophytes n’ont reçu que quatre jours de « formation » avant de se retrouver face aux élèves. Grâce à ce bricolage, le gouvernement estime que la rentrée s’est  bien passée.

Il n’en est rien, constate la fédération de l’Éducation nationale FNEC FP-FO, qui a organisé une conférence de presse de rentrée le 8 septembre dans ses locaux à Montreuil. D’après nos remontées du terrain, il n’y a pas un professeur devant chaque classe, comme l’assure le gouvernement, a dénoncé Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP-FO. Et rien que dans mon département, l’Essonne, 900 élèves n’ont pas eu d’affectation en lycée professionnel faute de place. Pour nous, c’est inacceptable.

Alors que la situation ne cesse de se dégrader, la fédération dénonce la multiplication d’enseignants contractuels occupant des postes de titulaires, pour certains sans préparation. Ces embauches correspondent à l’esprit de la loi de transformation de la fonction publique de 2019, et leur nombre ne cesse de progresser. Ces contractuels sont désormais au nombre de 35 000 selon le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye, un chiffre en hausse de 10 % pour cette rentrée. Ils représentent 1 % des effectifs dans le premier degré, mais de  6,5 % à 8 % dans le second degré.

 Le recrutement de contractuels coûte moins cher

Le manque criant de personnels concerne aussi les services administratifs où près de 10 000 postes ont été supprimés en quinze ans, indique Philippe Beaufort, secrétaire général du Syndicat national FO des personnels administratifs des services extérieurs de l’Éducation nationale (SPASEEN-FO). La division examens et concours est au bord de l’explosion, témoigne-t-il. Lui aussi constate une arrivée massive de contractuels et revendique le recrutement des personnes inscrites sur les listes complémentaires. Des postes sont gelés car le recrutement de contractuels coûte moins cher, ils sont payés au Smic et n’ont pas de déroulement de carrière, déplore-t-il. J’ai vu des bureaux entiers de contractuels dans les rectorats. Cela concerne aussi de plus en plus de postes d’intendants [NDLR : les gestionnaires] en établissement scolaire [les EPLE] alors que ces derniers font partie de l’équipe de direction.

Face à la catastrophe annoncée, la FNEC FP-FO s’était mobilisée bien avant la rentrée pour exiger l’embauche sous statut de tous les candidats figurant sur les listes complémentaires aux concours. Une telle possibilité n’a été donnée aux recteurs qu’à la fin août. Et malgré ces consignes, la priorité a été donnée à l’embauche de contractuels dans les académies de Lyon et de Saint-Denis de la Réunion. Dénonçant une situation inacceptable, l’ensemble des organisations syndicales ont organisé des rassemblements devant ces rectorats le 7 septembre.

FO exige aussi depuis plusieurs mois l’organisation immédiate de concours exceptionnels à bac + 3 pour permettre la titularisation des contractuels qui le souhaitent. Le gouvernement a cédé, mais seulement pour le premier degré et avec un concours repoussé au printemps 2023.

FO refuse la territorialisation de l’école publique

La fédération FO demande aussi l’abrogation de la réforme de masterisation, qui a élevé en 2008 le niveau de recrutement des enseignants de bac + 3 à bac + 5, entraînant un assèchement du nombre de candidats. Elle exige une formation initiale dans le cadre du statut, en tant que fonctionnaire stagiaire. Lors d’une audience le 5 septembre avec la FNEC FP-FO, le ministre s’est dit prêt à en discuter.

La fédération FNEC FP-FO veut aussi faire reculer le gouvernement sur la généralisation à tous les établissements du concept d’école du futur, expérimentée depuis un an dans cinquante-neuf écoles de Marseille. Dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR), auquel FO a refusé de prendre part, il a été décidé de revoir l’organisation de l’école et d’en faire un chantier prioritaire, qui doit être lancé dès octobre. Il revient bien sûr à l’échelon national de fixer les objectifs des programmes (…) mais il appartiendra désormais au niveau local de choisir les moyens de cette transmission, à travers des méthodes et des projets idoines, écrit Emmanuel Macron dans une lettre adressée le 16 septembre à tous les enseignants. Ainsi, chaque établissement, – école, collège ou lycée – qui le souhaite sera invité à  bâtir un projet qui lui est propre en mettant tout le monde autour de la table, les chefs d’établissement, les directeurs d’école, les enseignants et toute la communauté éducative, les parents d’élèves, les élèves, les partenaires associatifs ou économiques et les élus des collectivités territoriales. Des moyens supplémentaires pourront être accordés, à hauteur de 500 millions d’euros, pour soutenir les innovations locales. Et ce, alors que l’école fait face à un manque criant de moyens.  Votre projet, c’est la territorialisation de l’École publique ; c’est le contraire de l’École de la République, la même pour tous les élèves du pays ; c’est la remise en cause du statut des enseignants fonctionnaires d’État. La FNEC FP-FO ne l’acceptera jamais et demande l’abandon de cette expérimentation, prévient Clément Poullet dans sa réponse à la lettre présidentielle, publiée le 19 septembre.

CLARISSE JOSSELIN

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Salaires des enseignants : FO redoute un nouvel enfumage

Augmenter les salaires immédiatement et pour tous les personnels, telle est la principale revendication de la fédération de l’enseignement FNEC FP-FO. Elle a lancé le 15 septembre une pétition pour demander l’ouverture de négociations dans la fonction publique pour l’amélioration des grilles indiciaires dès 2022. Elle revendique une nouvelle augmentation immédiate de la valeur du point d’indice, a minima au niveau de l’inflation, et l’ouverture de discussions pour rattraper les 24 % de pouvoir d’achat perdus en vingt ans du fait du gel du point d’indice.

La faiblesse des rémunérations dans l’Éducation nationale explique en grande partie la pénurie de candidats aux concours. Reconnaissant ce manque d’attractivité, Emmanuel Macron avait promis en avril dernier, lors de la campagne pour la présidentielle, une augmentation générale et inconditionnelle de 10 % pour tous les enseignants.

Lors d’une conférence de presse organisée le 8 septembre, Clément Poullet, secrétaire général de la FNEC FP-FO, a dit redouter un nouvel enfumage. Dans les faits, cette annonce devrait se traduire essentiellement par l’instauration d’un salaire plancher de 2 000 euros net – contre 1 640 euros aujourd’hui – pour les enseignants en début de carrière. Et cette promesse ne deviendrait pas réalité avant… septembre 2023.

Aujourd’hui, ce n’est qu’après dix à quinze ans d’ancienneté qu’un enseignant perçoit 2 000 euros net hors primes. Doit-on s’attendre à un plafonnement du salaire pendant les quinze premières années d’exercice ?, s’inquiète la FNEC FP-FO. Le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, a laissé entendre le 12 septembre sur France Info que seules les dix premières années de la carrière seraient revalorisées.

Ouverture de concertations en octobre

Dans un courrier envoyé le 16 septembre à tous les enseignants, le chef de l’État reste également flou.  Le ministre entamera prochainement les concertations avec les organisations syndicales afin de poursuivre la revalorisation générale de la rémunération des enseignants initiée il y a deux ans, écrit Emmanuel Macron. Le salaire des enseignants aura ainsi augmenté d’environ 10 % (...).

Il confirme aussi l’instauration d’une autre revalorisation salariale, pouvant aller jusqu’à 20 %, qui serait cette fois conditionnée à l’acceptation par l’enseignant de nouvelles tâches, comme le suivi individualisé d’élèves. C’est hors de question pour la FNEC FP-FO qui dénonce un chantage.

Pour permettre ces augmentations de salaire, le gouvernement s’était glorifié cet été d’une augmentation historique du budget de l’Éducation nationale de 3,6 millions d’euros l’an prochain.  Mais la mise en application de la revalorisation de la valeur du point d’indice des fonctionnaires, de 3,5 % au 1er juillet, représente déjà près de 2 milliards d’euros, relativise Clément Poullet. S’y ajoutent 400 millions pour les augmentations liées à l’ancienneté. Au final, il ne reste qu’un peu plus d’un milliard d’euros pour les promesses du gouvernement. Promesses qui par ailleurs laissent de côté tous les personnels non enseignants de l’Éducation nationale.

CLARISSE JOSSELIN

 

Conditions de travail : dans le secondaire, la cote d’alerte est dépassée

Jusqu’à 30 élèves par classe ! Les grèves dans les collèges et lycées publics, le jour de la rentrée scolaire, n’ont pas surpris. La dégradation des conditions d’accueil et de travail tient en deux chiffres, rappelés par la FNEC FP-FO dans sa lettre à Emmanuel Macron du 19 septembre : 7 900 postes d’enseignants y ont été supprimés en cinq ans, alors que les effectifs ont augmenté de... 26 400 élèves. Inédite, en revanche, est la mobilisation des personnels d’établissement. Le 15 septembre, le syndicat Indépendance et Direction ID-FO manifestait devant le ministère de l’Éducation nationale pour mettre en lumière leur épuisement face à la surcharge de travail imposée, depuis 2018, par les réformes continues.  Les arrêts maladie se multiplient. Dans l’académie de Lyon, 10 % des chefs d’établissement ont dû être remplacés. Le ministère doit agir pour assurer un exercice serein du métier, expliquait Franck Antraccoli, secrétaire général.

En mai, ID-FO, deuxième organisation, a exigé que le CHSCT ministériel se saisisse des conditions de travail. Refusé. Là encore, rien de surprenant. Depuis 2018, nos alertes restent lettre morte. La charte de pilotage signée en 2021, et censée mettre en place des garde-fous, n’est pas appliquée, dénonçait le militant FO, pointant la situation d’insécurité professionnelle et de perte de sens de bon nombre de personnels de direction.

Dix à douze heures de travail quotidien

En témoignent les résultats de l’enquête initiée en juin par ID-FO auprès des 14 400 responsables d’établissement public local d’enseignement (EPLE). Parmi les 1 507 chefs et chefs adjoints d’établissement ayant répondu (10,5 %), 88 % dénoncent une pression temporelle régulière ou permanente. 70 % disent travailler dix à douze heures par jour, 45 % le week-end et 25 % prendre  moins de cinq semaines de repos annuel. Et 66 % ont des symptômes physiques : mal de dos, migraines... Les équipements techniques ne facilitent pas leurs missions : 55 % les jugent obsolètes.

Autre point saillant, l’enquête révèle la dégradation des relations avec les autorités (administration centrale, services territoriaux). 65 % des répondants déclarent ne pas être consultés par les services académiques, 74 % avouent  des difficultés à appliquer des consignes perçues comme inappropriées ou contradictoires, et 41 % des difficultés à donner du sens à leur action. Les questions posées aux services académiques restent souvent sans réponse : ils n’en savent pas plus que nous, précise Franck Antraccoli. Il met en cause le pilotage devenu très institutionnel pour soutenir la transformation vers l’« École de la confiance », laquelle s’accompagne de réformes des structures (services mutualisés).

Reçu par le cabinet du ministre, ID-FO a obtenu l’engagement qu’un groupe de suivi sur la charte de pilotage serait mis en place. Le syndicat demande toujours la création d’un groupe de travail sur les conditions de travail, sous l’égide du CHSCT ministérielNous attendons des résultats concrets, prévient Franck Antraccoli qui n’exclut pas d’autres mobilisations.

ÉLIE HIESSE

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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