Projet de loi Industrie verte : une première ébauche encore très floue

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Eric TSCHAEN/REA

Il n’est jamais trop tard pour agir. Bien qu’elle la déplore « tardive », la fédération FO de la Métallurgie se réjouit de la prise de conscience de l’exécutif sur la nécessité d’une industrie forte. Mais elle pointe un chiffrage très imprécis » du projet de loi industrie verte, lequel empêche de mesurer quelle sera sa portée effective, ainsi qu’un investissement en formation « nettement insuffisant.

Enfin ! FO Métaux ne cache pas sa satisfaction après la présentation du projet de loi industrie verte, destiné en quinze mesures à encourager la réindustrialisation décarbonée du pays. Dévoilé le 16 mai au lendemain d’une séquence savamment orchestrée vantant l’attractivité du pays (13 milliards d’euros de promesses d’investissements étrangers annoncés lors de l’événement « Choose France »), il sera examiné en procédure accélérée, dès le 19 juin au Sénat et le 17 juillet à l’Assemblée nationale.

Ce projet de loi traduit la tardive prise de conscience, par l’exécutif, de la nécessité d’une industrie forte. C’est une première étape. Mais il ne faut pas opposer l’industrie verte et le reste de l’industrie, avertit Frédéric Homez, secrétaire général de la fédération FO Métaux, qui attend du concret pour juger. Car l’inconnu qui règne vis-à-vis des futurs prix de ventre de l’électricité nucléaire, pourrait retarder voire menacer les investissements des industriels.

Pour autant, le militant pointe nombre de mesures allant dans le bon sens, d’ailleurs évoquées dans le Manifeste pour une industrie verte de la fédération, datant de 2021. Bienvenu, le volet devant faciliter les implantations : dépollution de friches industrielles, pré-aménagement de 50 sites « clé en main », division par deux des procédures administratives, appuis réglementaires au recyclage des déchets dans la production... Positive aussi, la réorientation des interventions de l’État, par une commande publique tenant compte des critères environnementaux, le conditionnement des aides (à la transition écologique) à l’impact environnemental des entreprises ou encore le changement des critères d’attribution du bonus écologique à l’achat de voiture électrique. Celui-ci serait conditionné à l’empreinte carbone des véhicules, pour favoriser ceux fabriqués en Europe. Nous aurions préféré que la logique soit poussée plus loin, en favorisant une préférence française plutôt que seulement européenne, précise Frédéric Homez.

Insuffisance et imprécisions

Mais le projet pêche par un chiffrage très imprécis, empêchant de mesurer quelle sera sa portée effective. Ainsi, de la mesure-phare en matière de financement : le nouveau crédit d’impôt Investissement Industries Vertes (C3iv), lequel couvrirait 20 % à 45 % des investissements d’entreprises dans quatre filières vertes (photovoltaïque, éolien, batteries et pompes à chaleur). Le manque à gagner pour les finances publiques sera nul, assure l’exécutif. Il prévoit, sans pour autant les détailler, des mesures compensatoires, sous forme d’économies sur les dépenses et les niches fiscales « brunes » (accordées aux secteurs polluants et donc défavorables à l’environnement). Elles doivent être débattues à l’automne, dans le projet de loi des finances pour 2024, qui les entérinerait. Lesquelles ? Pour l’instant, rien ne précise comment sera financé ce crédit d’impôt, ni s’il y aura des contreparties en termes d’emplois, souligne Frédéric Homez. Le patronat en fait une ligne rouge. Cela n’empêche pas l’exécutif d’évaluer déjà les retombées du C3iv à 23 milliards d’euros d’investissements et (à) 40 000 emplois directs d’ici 2030

Pour le reste des financements, il table sur les prêts ou garanties BpiFrance (notamment 2,3 milliards par an pour décarboner les industries existantes) et la mobilisation d’épargne privée. Assurance-vie, épargne-retraite et nouveau « plan d’épargne avenir climat » dédié aux mineurs : l’exécutif espère collecter jusqu’à 5 milliards d’euros par an. A voir.

Dernier motif de circonspection pour FO : les 700 millions d’euros annoncés pour les formations aux « métiers d’avenir », requalification des salariés comprise. C’est nettement insuffisant quand on connaît les besoins des différents secteurs industriels concernés !, dénonce le secrétaire général de FO Métaux, fédération plus que jamais déterminée à défendre l’emploi.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération