Bonsoir Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière. Est-ce que vous êtes satisfait, ce soir des annonces du Premier ministre dans le 20h de TF1 pour faire face à cette hausse des prix de l’énergie en France, mais aussi partout dans le monde ?
Yves Veyrier : L’annonce, déjà, du blocage des prix sur gaz et électricité tout au long de l’année était indispensable. J’avais réagi en m’étonnant du système de bouclier tarifaire qui a été proposé et de la « dégringolade » des prix supposée au mois d’avril ou à partir du printemps. Là, les choses semblent se clarifier. Sur l’annonce qui est faite ce soir en complément, parce que nous avons deux sujets en réalité : une inflation qui reprend – le Premier ministre l’a reconnu – l’énergie, l’alimentaire et, aujourd’hui, le prix de l’essence, du diesel, des carburants. Cette annonce des 100 euros, c’est un coup de pouce de pouvoir d’achat pour le mois de décembre. Le positif, c’est que tous les salariés, fonctionnaires, retraités, demandeurs d’emploi, qui sont en dessous de 2 000 euros nets mensuels, en bénéficieront. Le fait que ce soit large et qu’on ne laisse de côté personne, de ce point de vue, est effectivement une annonce positive. Cela étant, c’est un coup de pouce ponctuel. Le pari est que l’inflation soit temporaire. Or je ne suis pas sûre qu’elle va passer. Depuis la fin de l’été et le début du mois de septembre, quand nous avons rencontré le Premier ministre, j’appelais et j’appelle toujours à un coup de pouce sur le Smic. Cette annonce qui est faite conforte la nécessité d’un coup de pouce sur le Smic. Le Premier ministre a conclu son propos en indiquant que « booster » le pouvoir d’achat c’était favoriser la reprise économique. Il faut en finir avec ce discours qui consiste à penser que le salaire serait l’ennemi de l’emploi. J’avais appelé le Premier ministre la semaine dernière, j’étais intervenu directement, sur la nécessité de compenser toutes celles et tous ceux qui utilisent leur véhicule pour aller travailler par une prime « transport », donc ça me conforte dans ce sens-là. Je comprends les difficultés pour les très petites entreprises, parce que tout le monde subit la hausse du coût de l’énergie, des prix. Y compris pour les petites entreprises c’est sans doute plus compliqué. Mais je pense qu’il y a pas mal d’entreprises qui doivent faire un effort sur les salaires parce que les 100 euros produisent un effet de seuil, quand on est à peine au-dessus on n’en bénéficie pas. Il faut booster les négociations de salaires dans les branches et les entreprises, ça fait partie de ce que Force Ouvrière revendique et on pousse dans ce sens-là.
Yves Veyrier est-ce que selon vous les entreprises qui font beaucoup de bénéfices, on ne parle pas forcément des petites entreprises en difficulté, notamment à la sortie de la crise du Covid. Mais les grosses entreprises, est-ce que selon vous, auraient dû peut-être mettre la main à la poche pour aider les Français ?
Yves Veyrier : Non seulement elles devraient mettre la main à la poche, mais il faut absolument qu’elles le fassent. Cette annonce, ce soir, du gouvernement est la reconnaissance qu’il y a une vraie urgence sur l’inflation. Là, on répond à ceux qui sont le plus en difficulté, en dessous de 2 000 euros nets. C’est le salaire médian, à peine au-dessus du salaire médian. Incontestablement, les entreprises qui ont bénéficié du déploiement massif d’aides publiques pendant la crise sanitaire. Mais également déjà auparavant, il y a eu le CICE, c’était 20 milliards d’euros chaque année qui ont été transformés en exonération de cotisations sociales ; s’y ajoutent d’autres dispositifs d’exonérations de cotisations sociales, de crédits d’impôts, de recherche et autres. On est, au bas mot en temps normal, avant même la crise sanitaire, à 150 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises. On voit bien que les dividendes dans les grands groupes repartent à la hausse, les indices boursiers sont à leurs niveaux records. Oui, il faut absolument pousser à la négociation des salaires dans les branches, dans les entreprises. Je rappelle que FO demande qu’il y ait un véritable effort de revalorisation d’ensemble de tous les emplois qui sont scotchés au Smic et souvent à temps partiel.
Sur 38 millions de Français qui vont être concernés par cette indemnité, il y a tout de même 13 millions de retraités. Ce ne sont pas que les actifs qui sont concernés. C’était nécessaire pour vous que les retraités soient inclus ?
Yves Veyrier : C’est très important. Les retraités sont mobilisés depuis plusieurs années sur les questions de pouvoir d’achat. Il ne faut pas oublier que le gouvernement avait désindexé les pensions du régime de base de la sécurité sociale de l’inflation et, malheureusement, un accord, que FO a contesté, sur les retraites complémentaires va désindexer les retraites complémentaires de l’inflation. Les retraités sont donc perdants depuis pas mal de temps. Cela a été démontré, en termes de pouvoir d’achat. Il était évidemment essentiel qu’ils ne soient pas laissés pour compte. Tout comme les demandeurs d’emploi d’ailleurs. Ils risquent d’être impactés sur la réforme de l’assurance chômage – j’espère que nous aurons une réponse satisfaisante du Conseil d’État à nouveau – il était important aujourd’hui que les demandeurs d’emploi ne soient pas laissés de côté non plus.
Vous donnez rendez-vous prochainement au gouvernement, Yves Veyrier, pour justement les demandes que vous faites ce soir, cette indemnité transport supplémentaire que vous réclamez et aussi la participation des entreprises qui font des bénéfices. On rappelle que ces indemnités qui seront versées par les entreprises seront remboursées par l’État. C’est un coût supplémentaire de près de 4 milliards d’euros pour le budget général.
Yves Veyrier : Le rendez-vous est permanent. Dès le mois de septembre, j’avais alerté le gouvernement sur le fait que l’indice de référence du Smic allait conduire à une augmentation automatique anticipée du Smic. J’ai même appelé le gouvernement à prendre les devants pour montrer qu’il ne s’en tenait pas à des paroles mais passait aux actes. Il a malheureusement attendu que l’augmentation réglementaire lui soit imposée. Il n’a pas donné de coup de pouce, je le regrette. Cela étant, je l’ai interpellé sur la prime « transport », donc on voit que nous arrivons à faire bouger les choses. Et puis, il y a une urgence, de toute façon, sur l’inflation. Le rendez-vous est permanent et, sur ces aspects-là, je ne vais pas lâcher avec notamment la question des salaires. Le Premier ministre, le dit lui-même, le pouvoir d’achat favorise la reprise économique. FO le dit depuis longtemps, le salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi, bien au contraire, a fortiori, quand nous sommes dans un contexte où on nous dit vouloir appuyer sur la relocalisation d’activités et la réindustrialisation du pays, eh bien, il faut booster. Et puis, il y a trop de salariés dont les fins de mois sont difficiles à boucler.