« J’espère juste qu’il ne va pas trop pleuvoir », sourit Didier Hotte arborant le pin’s FO. À Paris comme dans d’autres villes de France, les retraités ont manifesté le 26 mars pour dénoncer leur perte de pouvoir d’achat, à l’occasion d’une journée d’action nationale organisée par le groupe des 9, rassemblant neuf organisations de retraités, dont FO.
Ce jour-là, devant Bercy, les drapeaux et gilets colorés des manifestants tranchent avec la valse des manteaux sombres des hauts fonctionnaires qui entrent et sortent du ministère. Dans la foule, tout le monde témoigne des difficultés financières qui touchent les retraités. « Ma copine doit maintenant faire la queue aux Restos du Cœur. J’ai peur de la rejoindre bientôt », souffle Annie. Venue de l’Essonne, elle manifeste « pour la première fois depuis ma retraite il y a 3 ans », indique-t-elle.
La revendication de 10 % d’augmentation sur toutes les pensions
Le premier mot d’ordre de cette journée nationale concerne avant tout le pouvoir d’achat. « Nous considérons que l’augmentation des pensions de 4,3 %, qui a été accordée au début de l’année, est largement insuffisante, explique le secrétaire syndical. Cela ne suffit pas à compenser le défaut d’indexation des retraites que nous subissons depuis plus de dix ans. » Le groupe des 9 exige une hausse des retraites de 10 %, « une sorte d’à-valoir pour tout ce qui n’a pas été donné durant cette dernière décennie », souligne Didier Hotte.
Dans le contexte d’inflation qui exacerbe la perte de leur pouvoir d’achat, les personnes âgées sont contraintes de se serrer un peu plus la ceinture. Parmi les conséquences qu’observe l’UCR-FO, la tendance actuelle des retraités à se "démutualiser", pour économiser chaque mois la centaine d’euros que coûtent les cotisations aux mutuelles de santé. Le budget des ménages ne parvient pas à suivre l’augmentation des prix de ces mutuelles, des prix qui ont bondi de 18 % à 20 % ces dernières années. « On constate cette tendance notamment chez ceux qui ont une affection longue durée et sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale. Rassurés par cette prise en charge totale, ils mettent arrêt à leur mutuelle. Mais cela risque de se retourner contre eux si, demain, ils ont une autre infection qui, celle-ci n’est pas prise en charge à 100 %... »
Des déclarations gouvernementales plus qu’inquiétantes
D’autant que les récentes déclarations de Bruno Le Maire sur ces affections dites de longues durée (ALD), comme le cancer ou le diabète, inquiètent les militants. Pour réduire les dépenses publiques de 20 milliards d’euros en 2025, le ministre de l’Economie et celui des comptes publics, Thomas Cazenave, ne cachent pas leur intention de couper dans les dépenses de santé et notamment le remboursement des soins liés à ces ALD, soins pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie. « Le gouvernement laisse planer l’idée qu’il y aurait des abus sur ces ALD. Mais les supprimer risque tout simplement de précariser un peu plus les malades, dont beaucoup sont des personnes âgées à la retraite. »
Parmi la trop longue liste de petites phrases qui inquiètent, celle de Thomas Cazenave, le ministre ayant évoqué l’éventualité de sous indexer les pensions de retraites. « Cela fait dix ans qu’elles sont sous indexer (de l’inflation, Ndlr). Mais là, cela implique de l’écrire dans la loi, et non plus dans le PLF en précisant que cela entre en dérogation avec le code de la sécurité sociale », observe le militant. Et lorsque Bruno Le Maire évoque la fin d’un État providence pour mettre en place un État protecteur, « on devine la casse du système social hérité de 1945, souffle Didier Hotte. Nous sommes aussi là pour les futures générations de retraités ! »
Pour la défense des services publics de santé
Les manifestants sont également venus montrer leur inquiétude quant à « la situation des services publics : hôpitaux, Sécurité sociale, transports, prise en charge de l’autonomie … », précise le communiqué commun du groupe des 9. « En tant que personnes âgées, nous sommes tributaires des services de santé publics, je pense notamment à l’hôpital et à la prise en charge de l’autonomie, souligne Didier Hotte. Ces deux secteurs dont nous dépendons beaucoup sont dans un état déplorable. » Entre eux, les manifestants parisiens évoquent également la crainte de voir leur hôpital public, déjà en souffrance, tomber un peu plus, conséquences de nouvelles coupes budgétaires.
Quant à la question de la prise en charge de l’autonomie, elle demeure sans réponse. « On attend encore et toujours cette loi sur le grand âge, qui permettra de résoudre les enjeux autour de l’autonomie, souffle le militant. Depuis 2010, rien de concret n’a été fait pour venir en aides aux Ehpad ou à l’aide à domicile. Et je ne vous parle pas de l’absence de construction de nouveaux établissements pour les personnes en perte d’autonomie. Macron a menti ! Il n’a jamais eu l’intention de faire évoluer la situation. On l’a vu encore dernièrement avec le scandale d’Orpea. Cela n’a pas donné lieu à une grande politique publique sur la prise en charge des aînés... »
Depuis 2017, le pouvoir d’achat en souffrance
Le nom du président de la République revient souvent. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis, lors de sa première campagne en 2017, qu’il maintiendrait le pouvoir d’achat des retraités. « Peu de temps après son élection, en 2017, le président de la République a décidé d’augmenter le taux de la CSG, sans aucune compensation, rappelle Didier Hotte. On a vu très nettement, en 2018 une perte de la progression du pouvoir d’achat des retraités. Il a donc fait exactement l’inverse de ce qu’il promettait. »
Ce mardi 26 mars, devant Bercy, le groupe des 9 demandent à être reçu par le ministre. Si aucune rencontre n’est annoncée, « nous n’allons pas en rester là », prévient Didier Hotte. Après la période des Jeux Olympiques, « nous allons remettre cette question du pouvoir d’achat des retraités à l’agenda politique, notamment au moment des discussions pour le budget. » Pour le militant, une chose est sûre, le combat va continuer. « Sous la pluie comme au soleil ! »