Retraites : sur le terrain, des travailleurs déterminés à gagner

InFO militante par Ariane Dupré, Sandra Déraillot, Elie Hiesse, L’inFO militante

Le 7 mars 2023 à Angers

Manifestations et grèves, massives, ont rythmé la vie du territoire le 7 mars. Les actions se poursuivent ce 8 mars et même au-delà. Petit aperçu d’initiatives locales et sectorielles.

Enorme, historique, inédit, on n’avait jamais vu ça... Dans les unions locales et départementales FO, la participation à la journée de mobilisation interprofessionnelle du 7 mars est unanimement louée. Quelques 120 000 manifestants à Lille, 50 000 à Lyon, 53 000 à Grenoble, 45 000 au Havre, 25 000 à Nancy. Mais aussi 30 000 à Rouen 20 000 à Angers, 15 000 au Puy en Velay... Même des villes qui ne manifestaient pas jusqu’à présent se sont lancées dans le mouvement, souligne Alexandre Leleux, secrétaire général de l’Union locale de Maubeuge. Fourmies, par exemple, a réuni 400 personnes. Villes moyenne et petites cités ne sont pas en reste. A Montauban, avec 15 000 personnes nous avons eu plus de monde que lors des mobilisations de 1995, s’enthousiasme Eliane Teyssié, secrétaire générale de l’UD du Tarn et Garonne. C’était très impressionnant et la pluie n’a rien empêché. Dans le Maine et Loire, à Saumur, quelques 4 500 personnes sont descendues dans la rue. 1 000 s’étaient donné rendez-vous à Longwy en Lorraine et 8 000 à Bourgoin-Jallieu en Isère.

Pour cette journée visant à mettre la France à l’arrêt, On a vu des camarades du privé qui n’ont pas l’habitude de battre le pavé, même s’ils se mettent en grève quand il y a des problèmes sur les salaires, observe Catherine Rochard, secrétaire générale de l’UD de Maine et Loire. Les travailleurs de la Laiterie Tessier (Caprice des Dieux), les Villemorin-Mikado (semences potagères), ceux de Carrefour étaient très présents à la manifestation d’Angers. En Seine Maritime, Yanis Aubert, secrétaire général départemental FO a observé aussi, et il n’est pas le seul, une très forte présence des lycéens dans le cortège : Des lycées entiers sont descendus dans la rue. A Nancy, Frédéric Nicolas, secrétaire général de l’UD, souligne aussi la présence de nombreux manifestants non syndiqués, des gens qu’on ne voyait pas avant. Et le phénomène s’est observé dans de nombreux cortèges en France.

Le 7 mars 2023 à Nancy

Blocages en série

Outre la participation aux manifestations, l’appel à « La France à l’arrêt » a été mis en action sur tout le territoire. Dépôts de pétrole et raffineries en premier lieu. Nous avons bloqué le dépôt de Vern sur Seiche entre 3 h et 10 h mardi matin, rapporte Fabrice Le Restif, secrétaire général de l’UD d’Ille-et-Vilaine. C’était un avertissement pour la suite. Trois des quatre terminaux méthaniers français ont été mis à l’arrêt (et ce au moins jusqu’au lundi 13 mars). L’ensemble des sites de stockage de gaz ont été touchés par un important mouvement de grève même s’ils n’ont pas été totalement bloqués. Le site EDF de Velaines (Meuse), plateforme logistique des centrales nucléaires françaises où sont stockées des pièces de rechange, est à l’arrêt depuis mardi 7 mars, ce qui pourrait entraîner des retards dans la maintenance des centrales. Et à l’entrée de la zone industrielle de Sablé-Sur Sarthe, de nombreux militants étaient présents pour freiner entrées et sorties de camions. On a eu jusqu’à 15 km de bouchons le 7 mars indique Loïc Boyard, secrétaire général de l’UD de la Sarthe.

Les militants ont su cibler aussi les points névralgiques, laissant passer les automobilistes mais bloquant les camions au risque parfois de se voir évacués manu militari par les forces de l’ordre. Nous avons occupés quatre ronds-points à Lille et un à La Chapelle d’Armentières, explique Karine Wellcame responsable de l’Union locale FO de Lille. La police nous a délogés de La Pilaterie et La Chapelle parce qu’il y avait vraiment trop de camions. Mais dans l’ensemble nous avons été très bien accueillis par les routiers. Nous n’avions même pas besoin de leur demander de se mettre en travers. Les camarades de l’enseignement, de La Poste, des métaux qui étaient venus prêter main forte étaient étonnés d’un tel accueil. A Montauban, le Pont de Chaume a été bloqué par des militants avec pour effet de provoquer un engorgement de toute la rocade.

Marseille le 7 mars 2023. © UD FO 13

Femmes : un 8 mars axé sur la question des retraites

A Grenoble, le centre de tri postal de Sassenage a été bloqué dans la nuit, ainsi que tous les dépôts de transports en commun, avec le concours des étudiants. L’intersyndicale des Transports de l’agglomération grenobloise (TAG) appelle à la grève jusqu’au 10 mars inclus.

Car ce 8 mars, le mouvement continue. Teinté différemment ce mercredi en raison de la journée internationale des droits des femmes. De nombreux cortèges privilégient ainsi ce jour les explications et les slogans axés sur l’impact qu’aurait la réforme sur la retraite des travailleuses. Dans les carrés de tête, que des femmes à Lille, Nancy ou Rennes. Les prises de parole ont souvent aussi été réservées aux représentantes syndicales. Comme à Mont-de-Marsan ce matin.

Les secrétaires d’unions départementales de l’intersyndicale déposeront à la préfecture du Nord des cahiers de doléances portant sur les inégalités homme/femme. Chez nous à la DGFIP, nous avons beaucoup insisté sur les temps partiels contraints et les problèmes de promotion, précise Mathieu Silbermann, secrétaire départemental FO DGFIP dans le Nord. Nous sommes souvent obligés de déménager dans un autre département lorsqu’on obtient un concours par manque de postes chez nous. Beaucoup de femmes s’empêchent donc de postuler. Elles restent aux grades inférieurs et sont minoritaires au-delà du grade d’inspecteur, ce qui a évidemment un impact sur leur retraite.

Des grèves reconduites

Plus généralement, aux quatre coins du pays, des entreprises ont voté la reconduite de la grève. Dans la Haute-Loire, à titre d’exemples, Linamar Montfaucon (qui produit des pièces de transmission pour l’automobile) et Siel (fabricant d’enseignes lumineuses). Et dans ce département, les agents d’EDF seront en grève jusqu’à la fin de la semaine au moins. En Ille-et-Vilaine, la reconduction a été annoncée pour les 8 et 9 mars dans les secteurs de l’énergie, à la Poste, dans l’action sociale, la santé ou l’Urssaf. Le transport de marchandises poursuit également l’engagement avec les salariés de STG ou encore Kuehne+ Nagel. A Montauban (Tarn-et-Garonne), l’intersyndicale s’implique dans le blocage d’un lycée le 9 mars et organisera une nouvelle manifestation samedi 11 mars. D’ici là nous soutenons tous les blocages organisés par les syndicats qui ont appelé à la reconduction, ajoute Eliane Teyssié.

A Brioude (Haute-Loire), un rassemblement est organisé ce mercredi à la gare par des cheminots et des enseignants. Quant aux cheminots nantais, ils ont reconduit la grève pour une durée illimitée. Dans les Côtes d’Armor, une action est prévue avec les enseignants qui se rendront le 9 mars devant l’inspection académique à Rennes.

Par ailleurs toutes les raffineries de France demeurent bloquées. Aucun produit ne sort que ce soit chez Total, Exxon ou Petroineos, résume Jean-François Vapillon secrétaire fédéral FO chargé de la branche pétrole. Entre 80 et 100 % des personnels y sont grévistes. Des assemblées générales doivent décider aujourd’hui même d’une reconduite du mouvement jusqu’au 11 mars. Chez EDF de nombreux sites nucléaires, hydrauliques, thermiques demeurent en grève ce mercredi matin, sans qu’on ait encore d’état des lieux précis, selon Alain André, secrétaire général de la Fédération nationale de l’énergie et des mines - FO. Nouveauté notable pour le militant : L’émergence d’une forme d’organisation de la grève visant à durer. On constate que les agents des métiers tertiaires alimentent les caisses de soutien de manière plus importante. Et seuls demeurent en grève les agents qui pèsent beaucoup sur l’outil de travail.

Et si quelques-uns mettent le mouvement en pause ce mercredi, c’est pour mieux se mobiliser très bientôt. « Nous allons décider aujourd’hui de ce que nous ferons jeudi et vendredi, explique ainsi Karine Wellcame à l’UL de Lille. Les actions chez nous ont commencé dès lundi. Il nous faut désormais discuter entre syndicats, nous poser un peu. Mais chez FO, on est chaud pour bloquer à nouveau avant la fin de la semaine, même si les autres syndicats ne peuvent pas suivre faute de troupes.

Ariane Dupré Journaliste à L’inFO militante

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération