Risque professionnel, des résultats peu rassurants

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

© Stephane AUDRAS/REA

Si la prévention du risque professionnel s’est améliorée sur les vingt dernières années, elle semble stagner depuis 2013. Le nombre d’accidents du travail – en particulier mortels – en France demeure bien trop élevé.

Dans son rapport annuel consacré aux risques professionnels, la Caisse nationale d’Assurance maladie se réjouit d’un indice de fréquence des accidents du travail particulièrement bas : 31 pour 1 000 salariés. En 2021, année où les mesures d’activité partielle étaient encore en place dans certains secteurs, ce sont cependant 604 565 accidents avec arrêt qui ont été déclarés – un chiffre en augmentation par rapport à 2020 (année marquée par le confinement) et légèrement inférieur à 2019 – et 645 décès (contre 530 en 2017).

Selon le rapport, le nombre de journées d’incapacité temporaire ne cesse d’augmenter (+ 5,6 % en 2021 par rapport à 2019), ce qui témoigne d’un taux de gravité des accidents qui s’élève. Plus de 48,5 millions de jours d’arrêt ont été accordés en 2021, soit l’équivalent de plus de 200 000 salariés arrêtés toute l’année.

Plus de la moitié des accidents avec arrêt de travail concernent des activités impliquant une manutention manuelle et près de 30 % des chutes. 21 % des décès sont liés au risque routier et 18 % à la manutention manuelle. Côté santé mentale, 10 662 affections psychiques ont été prises en charge au titre d’accident du travail en 2021. Le secteur médico-social est le plus touché. Régis Badel, secrétaire général du syndicat FO des médecins du travail, rappelle qu’il est important de déclarer tout accident, y compris ceux dont les conséquences sont psychiques. Deux décisions récentes des pôles sociaux des tribunaux de Grenoble et Chambéry ont bien rappelé que le stress post-traumatique ou un état anxieux survenu après un entretien tendu avec un manager, un directeur ou un responsable RH devait être considéré comme un accident du travail.

Une prévention moins efficace

À les regarder de près donc, les chiffres demeurent inquiétants : Nous ne sommes pas bien classés sur le plan européen, observe Régis Badel. Et cela a à voir notamment avec une fragilisation du dispositif de médecine du travail. En effet, depuis la loi El Khomri, les CHSCT ont disparu et les visites médicales sont davantage espacées. Or les commissions santé et sécurité au travail n’ont pas remplacé les CHSCT, poursuit Régis Badel. Elles ont moins de moyens, moins d’élus, moins de temps dédié. Une seule instance, le CSE, regroupe les prérogatives des anciens CE, CHSCT et des DP. Il est donc plus compliqué d’avoir une action efficace en prévention, notamment dans les petites entreprises.

Le plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels, mis en place par le gouvernement en mars 2022, s’adresse particulièrement aux TPE-PME et aux publics les plus exposés que sont les jeunes et les nouveaux embauchés, les travailleurs intérimaires, les travailleurs indépendants et détachés. Reste à savoir s’il aura ou non des effets positifs.

Par ailleurs, les chiffres de la CNAM ne prennent pas en compte les effets de la sous-déclaration : la moitié des accidents du travail en France ne seraient pas reconnus, dont 72 % parce qu’ils ne sont pas déclarés, selon la commission sur la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, chargée d’évaluer tous les trois ans le manque à gagner pour l’Assurance maladie.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération