Le détail des postes menacés ne sera pas connu avant le 31 janvier, date à laquelle la direction a prévu de dévoiler son plan aux salariés, au lendemain d’un CSE central exceptionnel. Mais il est déjà quasi certain que 300 emplois vont disparaître chez Yves Rocher, soit 10% des effectifs du groupe. Les trois sites de production bretons seraient dans le viseur. L’usine de Ploërmel serait même condamnée à la fermeture à l’horizon 2025, selon le syndicat FO.
L’annonce a provoqué un vrai séisme dans le nord du département, berceau d’Yves Rocher,
C’est en effet dans ce bourg de 4 000 habitants qu’Yves Rocher a lancé son activité en 1959. Il faisait alors figure de pionnier, tant par le développement de la cosmétique végétale que par celui de la vente par correspondance. C’est devenu un fleuron. En 2019, l’enseigne revendiquait plus de 3 100 magasins et 30 millions de clients à travers le monde. Elle reste l’une des marques préférées des Français, selon un récent sondage Ifop.
Perte de 30% de chiffre d’affaires
Mais la crise du Covid a plombé les comptes. Le groupe souffre aussi de la perte du marché russe, suite à la guerre en Ukraine. En octobre dernier, la sous-performance économique
du groupe a été évoquée pour la première fois en CSE, selon Le Télégramme. Nous avons perdu environ 30% de chiffre d’affaires et une partie de la clientèle, nous sommes passés de 420 millions de produits fabriqués en Bretagne en 2019, à 270 millions par an actuellement
, reconnaît Nadine Doudard, déléguée centrale FO chez Yves Rocher.
Pierrick Simon pointe également des erreurs stratégiques. Le groupe a notamment racheté en 2018 l’entreprise américaine Arbonne dont le produit phare, un complément alimentaire, a vu depuis ses conditions de vente restreintes, entraînant des difficultés financières.
Pour renouer avec la croissance, la direction a annoncé à l’automne dernier sa volonté de se lancer à la conquête du marché asiatique, notamment en Chine. Elle compte aussi gagner en compétitivité grâce à un rééquilibrage des compétences sur les sites bretons du groupe
, selon Les Echos. Mais aucun plan stratégique affiné n’a été présenté aux syndicats
, souligne Pierrick Simon.
Les salariés doivent être traités dignement exige FO
Pas de plan social au programme. Ces suppressions de postes se feraient dans le cadre d’un accord de Gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), tout juste négocié et soumis début janvier à la signature des organisations syndicales. La direction a inventé un GEPP
, redoute Nadine Doudard.renforcé
lui permettant de supprimer au moins 300 postes en trois ans, officiellement sur la base du volontariat, mais dans les faits elle va faire son marché
FO, troisième organisation syndicale du groupe avec 24,48% de représentativité, a refusé de signer l’accord. Mais ce dernier a été validé le 13 janvier par deux organisations syndicales majoritaires. On pensait réussir à faire bloc pour refuser cet accord et pouvoir le retravailler, mais la CFTC a fait volte-face et quitté l’intersyndicale
, dénonce la militante.
L’accord prévoit une indemnité de départ de 2 000 euros bruts par année d’ancienneté. Nous demandons les mêmes mesures d’accompagnement qu’un PSE, avec de meilleures indemnités et des critères objectifs de départ, poursuit la déléguée centrale. La direction a les moyens de payer.
L’usine de Ploërmel, condamnée selon FO, compte aujourd’hui près de 200 salariés, dont 108 en CDI. Parmi eux, moins d’une quarantaine seront à la retraite ou en congés de fin de carrière d’ici 2024,
Pierrick Simon rappelle que le patron du groupe Bris Rocher, petit-fils du fondateur de la marque, était le 6e milliardaire breton en 2021. Il se plaçait aussi à la 52e place des plus grandes fortunes françaises en 2022, d’après Challenges, avec un pactole de 2,3 milliards d’euros.