Le projet de loi de finances pour 2014 vient d’être voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Le gouvernement a intitulé ce PLF 2014 « cap sur la croissance et l’emploi ». Or, la boussole est coincée sur « austérité ».
Ce budget poursuit une stratégie dangereuse du point de vue de la croissance économique et sur le plan social. Poursuivre, même durcir, ce que la Commission Européenne appelle le « redressement des comptes publics », tout en faisant financer par les ménages une politique fiscale clairement favorable aux entreprises, sans exiger de contrepartie en termes d’investissements et d’emplois, est contreproductif à plusieurs égards.
Cette politique, qui s’illustre par son manque de clarté (comme l’a démontré l’épisode sur le revirement du gouvernement en ce qui concerne la taxation de l’épargne, alors même que les députés l’ont déjà votée), crée des critiques envers l’impôt républicain et poursuit la baisse suicidaire de l’intervention publique. Les choix budgétaires et fiscaux du gouvernement sont conformes au pacte européen (accepté par le gouvernement) et aux injonctions de la Commission européenne et de la Cour des comptes (devenu de fait le Haut conseil des finances publiques).
Suivre ce cap, appauvrit les ménages, les salariés et les retraités, réduit les droits et les politiques publiques et sociales et pèse contre la consommation et l’activité, et donc contre la croissance et l’emploi. Cela renforce les tendances récessives qui plus est quand l’euro est surévalué par rapport aux autres monnaies.
Ainsi pour 2014, les 15 Mds€ d’économies de dépenses (montant sans précédent comme l’indique le gouvernement, après 10 Mds d’économies en 2013) sont issues de l’obligation faite par le traité européen TSCG de réduire d’un point le déficit dit « structurel ».
Les restrictions de droits sociaux vont représenter 6 Mds€, dont la moitié sur l’assurance maladie et une partie du fait du projet de réforme sur les retraites. L’action publique sera, quant à elle, amputée de 9 Mds€, sans compter les économies liées au financement du CICE. La destruction de 13 123 postes statutaires dans la fonction publique de l’État et les baisses des moyens d’interventions de 4% chez les opérateurs de l’État et de 2% dans les ministères conduisent à des missions publiques abandonnées bien que prioritaires socialement ; à des services publics de proximité en moins ; à une commande publique en diminution ce qui aura un impact fort sur l’activité et sur l’emploi privé. La suppression de l’obligation d’assistance technique de solidarité et d’aménagement assurée au bénéfice des communes par l’État va engendrer des inégalités fortes et une incapacité de la puissance publique à répondre aux besoins locaux.
Pour Force Ouvrière les choix fiscaux de ce PLF 2014 sont particulièrement contestables. Les dispositions fiscales qui visent l’ensemble des ménages, bien au-delà des ménages aisés, ont clairement un objectif de rendement visant à compenser l’allègement fiscal des entreprises (au minimum égal à 10 Mds rien qu’au titre du CICE).
Ces dispositions vont irrémédiablement faire baisser le pouvoir d’achat des salariés, des retraités et des ménages. C’est le cas de la suppression de l’exonération d’impôt des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, de la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé ou encore de la création d’une contribution climat énergie. C’est aussi le cas avec la hausse de taux de TVA (et alors que la baisse du taux réduit de 5,5% à 5% ne se fera même pas in fine). A cela s’ajoute un nouveau gel du point d’indice dans la Fonction Publique.
Il ne s’agit pas de tomber dans le poujadisme du « ras le bol fiscal » mais d’exiger une vraie réforme fiscale correctrice des inégalités alors que les mesures récentes les amplifient.
Force Ouvrière réaffirme que les régimes sociaux et les services publics, au lieu d’être remise en cause ou progressivement et insidieusement rendus inopérants, doivent être renforcés pour soutenir la croissance, combattre la pauvreté et les inégalités grandissantes. Ils sont, à travers l’action publique et les investissements qu’ils permettent, source de croissance, au même titre que l’indispensable augmentation des salaires pour relancer la consommation. Ce budget va à contre sens, il poursuit le « cap sur l’austérité ».
Cette analyse se compose de deux parties. La première vise à mettre en perspective ce PLF 2014 en présentant ses grands objectifs ainsi que, et ils lui sont liés, le nouveau cadre de gouvernance dans lequel il s’inscrit, directement imposé par Bruxelles. Cette première partie passe également en revue les principales mesures fiscales. La seconde détaille pour sa part les conséquences de ce projet de budget, aux niveaux des ministères, des opérateurs de l’État et des collectivités, en termes de crédits alloués et de réductions d’effectifs et de missions publiques.
I. Un budget beaucoup trop déséquilibré
I.1. Assainissement budgétaire et compétitivité : des objectifs assumés ... mais pas trop ...
Une fois n’est pas coutume, le PLF 2014 a très bien été accueilli par la Commission européenne le jugeant à la fois « prudent et responsable » [1]. Signe extérieur de rigueur…
Il faut dire que le gouvernement se donne les moyens de contenter la très libérale Commission européenne en visant deux objectifs : la poursuite et le renforcement de la baisse des dépenses publiques, en premier lieu celles de l’État et des Collectivités (le PLFSS 2014 faisant la même chose au niveau de la sécurité sociale), et la « restauration de la compétitivité des entreprises ».
Ce PLF 2014 repose donc sur deux piliers.
I.1.1. Un effort important de maîtrise de la dépense publique en 2014, jusqu’en 2017 :
Pour 2014, les économies en dépenses se monteront à 15 Mds€. Pour bien prendre la mesure de ce que ces économies impliqueront « au quotidien », il faut savoir que ces économies représentent une division par quatre du rythme naturel d’évolution des dépenses (0,5% de croissance annuelle contre 2 % en moyenne sur la décennie 2000, cf. tableau 2).
Parmi ces 15 Mds€ d’économies, 9 seront réalisées sur le budget de l’État. Cet effort sera globalement réparti en trois tiers, portant respectivement sur les dépenses de fonctionnement via notamment un effort important sur la masse salariale (1,7 Mds€), ce qui signifie concrètement des emplois publics supprimés ; sur les moyens que l’État alloue à d’autres entités (collectivités territoriales et opérateurs publics) et sur les autres dépenses d’investissement et d’interventions (ce qui aura des conséquences sur les marchés publics, et donc sur l’emploi privé). La partie II détaille les conséquences concrètes de ces suppressions d’effectifs et de moyens au niveau des ministères, des opérateurs de l’État et des collectivités.
Les 6 autres Mds€ seront dégagés sur le budget des administrations de sécurité sociale grâce à la « maîtrise des dépenses de santé et la réforme des retraites » (cf. le tableau 1 ci-après présentant les principaux postes où les économies seront réalisées).
Budget de l’État Dépenses de fonctionnemen Masse salariale (via une baisse nette des effectifs entre 2013 et 2014 et la stabilité du point d’indice) Fonctionnement courant Concours aux autres entités (opérateurs, collectivités locales et UE) Autres dépenses (hors dette et pensions, c’est-à-dire dépenses d’intervention d’investissement) Charge de la dette |
+ 9 Mds + 2,6 Mds + 1,7 Mds + 0,9 Mds + 3,3 Mds (dont 1,5 Mds pour les seules collectivités) + 2,6 Mds + 0,5 Mds |
Sphère sociale Maîtrise des dépenses de santé Réforme des retraites Economies sur les frais de gestion des caisses de sécurité sociale Economies via renégociation de la convention d’assurance chômage Economies sur les prestations familiales |
+ 5,8 milliards d’économies 2,9 milliards 1,9 milliards 0,5 milliards 0,3 milliards 0,2 milliards |
Source : PLF 2014.
Si d’aucuns contestent le caractère théorique de ces économies en dépenses publiques, qu’ils se rassurent, les dépenses de l’État au sens strict [2], vont réellement baisser de 1,4 Mds par rapport à 2013.
Au final, l’État dépensera moins en 2014 qu’en 2013 : il dépensera 278,4 Mds€ en 2014 contre 279,8 Mds€ en 2013 soit une baisse de 0,5% (voir tableau 2). Cette baisse qualifiée d’historique par le gouvernement est en outre particulièrement importante compte tenu de la baisse des recettes fiscales due notamment à la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité (10 Mds€ en 2014, jusqu’à 20 Mds€ à partir de 2015). Cette baisse est pour partie due à celle des dotations à destination des collectivités qui recevront en 2014 comme en 2015, 1,5 Mds€ en moins, fruit du nouveau « pacte de confiance et de responsabilité signé entre l’État et les collectivités » – cadre d’une « RGPP territoriale » qui se poursuit et s’amplifie.
L’objectif poursuivi par ce PLF 2014 est invariablement le même que celui des lois de finances précédentes : atteindre le seuil limite de déficit public fixé à 3% du PIB [3], non plus en 2013 mais le plus vite possible. En effet, de loi de finances en loi de finances, de plan d’économies budgétaires en plan d’économies budgétaires, cet objectif s’avère toujours aussi absurde et suicidaire mais demeure la ligne de conduite.
En 2013, l’État a réalisé 10 Mds d’économies en dépenses publiques dans le but d’atteindre 3% à la fin 2013. Finalement, au printemps 2013 il est annoncé que ce serait plutôt 3,6% de déficit et en définitive, et ce sera plutôt 4,1% de déficit à la fin de l’année 2013.
Pour parvenir à ce 3% et réaliser in fine l’équilibre du solde structurel (le nouveau graal des dépenses publiques depuis le vote du TSCG, cf. plus loin), les objectifs de réduction de la dépense publique de ce PLF 2014 s’inscrivent dans un programme d’assainissement budgétaire plus large appelé la loi de programmation pluriannuelle des dépenses publiques.
La dernière en date a été votée en décembre 2012. En vertu de celle-ci, le gouvernement envisage de plafonner en moyenne la croissance annuelle des dépenses publiques totales sur la période 2013/2017 à + 0,5 % alors que ces dépenses évoluaient sur la période 2000/2011 à un rythme 4 fois plus élevé (+2.1 % en moyenne) ! Pour ce faire, le gouvernement reprend à son compte les règles strictes d’évolution des dépenses de l’État décidées depuis 2011 (règle du « 0% valeur » pour les dépenses de l’État au sens strict et « 0% volume » pour les dépenses totales de l’État), et entend faire contribuer à ces objectifs de réduction des dépenses publiques : la modernisation de l’action publique (la MAP), la nouvelle réforme des retraites, celle de la politique familiale, la baisse des dotations de l’État aux collectivités et le futur « acte 3 de décentralisation », ainsi que la division par presque deux du rythme de croissance des dépenses de santé – soit le trend d’évolution le plus bas depuis 1998 souligne le gouvernement [4].
Moyenne du taux de croissance annuel de la dépense publique sur les années 2000/2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2013-2017 | |
Taux de croissance annuel moyen des dépenses publiques totales | +2,1% | +0,7% | +0,9% | +0,5%, soit une division par 4 par rapport à la période 2000/2011 pour réaliser ce petit 0,5% de croissance, l’État réalise 15 Mds d’économies | +0,5% |
Taux de croissance annuel moyen des dépenses de l’État**, en % et en volume | 0% | -0,4% | -0,5% | -0,3% sur 2015/2017 |
* hors éléments exceptionnels, à savoir : la recapitalisation de Dexia, certaines dépenses militaires et contribution à l’UE
** plus exactement des APUC = État + opérateurs
Source : Programme de stabilité de la France 2013-2017, p 21.
Le second pilier de ce PLF réside dans son volet fiscal très largement favorable aux entreprises en les exemptant largement de toute participation à l’effort de redressement national. L’intégralité de l’effort fiscal repose sur les ménages et dans des proportions bien supérieures à ce qui est annoncé par le gouvernement.
Dans le contexte actuel de très faible croissance, avec un taux de chômage à un niveau très important et un taux de pauvreté qui continue d’augmenter [5], poursuivre la baisse des dépenses publiques et faire reposer tous les efforts sur les seuls ménages est aberrant. Car en effet, la stratégie du gouvernement n’est autre qu’un pari sur l’avenir assis sur un présupposé théorique libéral : aider les entreprises à retrouver de la compétitivité bénéficiera à long terme à tous...
Déjà dans les années 70, le patronat expliquait que « les profits d’aujourd’hui feraient les emplois de demain »….
I.1.2. Des choix fiscaux incompréhensibles (et très contestables)
Depuis 2011, la politique fiscale menée en France est en rupture totale avec celle qui avait prévalu les dix années précédentes. Alors que jusqu’alors, la volonté de baisser le taux de prélèvements obligatoires avait largement déterminé la politique fiscale des années 2000, le creusement de la dette publique qui en a résulté a conduit au revirement fiscal visant, quant à lui, à faire rentrer dans les caisses de l’État le maximum de recettes fiscales.
Là encore, le gouvernement ne fait que poursuivre le mouvement engagé fin 2011. Mais la répartition des efforts demandés aux ménages et aux salariés d’un côté et aux entreprises de l’autre est disproportionnée à l’avantage des entreprises.
Alors que les ménages devraient subir, après 10 Mds€ en 2013, une hausse de leurs impôts au moins équivalente (12 Mds selon le président de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, plus selon d’autres estimations) [6], les entreprises, depuis l’abandon du projet de taxe sur l’excédent brut d’exploitation [7], sont totalement exemptées de tout effort fiscal supplémentaire et bénéficieront même en 2014 d’une baisse de leurs prélèvements de près de 10 Mds rien qu’au titre du CICE !!
Une politique fiscale justifiée (selon le gouvernement) en faveur de la compétitivité...
Alors que le PLF 2014 fait la part belle aux entreprises qui ont, de surcroît obtenu la tenue d’ici à la fin de l’année des « assises de la fiscalité sur les entreprises », celles-ci redoublent de critiques à l’endroit du gouvernement alors qu’elles devraient simplement lui dire merci.
De nombreuses dispositions qui leur sont particulièrement favorables ont été cependant âprement discutées au Parlement. C’est le cas notamment du CICE et du Crédit Impôt Recherche, deux niches fiscales qui ne font pas partie, à proprement parler du PLF 2014 car déjà existantes, mais qui ont néanmoins largement agité les débats compte tenu de leur coût (20 Mds pour l’un à partir de 2015 et autour de 6 Mds pour l’autre, les deux chaque année !) et de leur efficacité qui reste encore à démontrer.
Le CICE ou « Crédit Impôt Compétitivité Emploi » est comme son nom l’indique un crédit d’impôt à destination des entreprises, dont l’assiette est un pourcentage de la masse salariale [8].
Selon le gouvernement (qui l’a instauré en novembre 2012), il s’agit par ce crédit d’impôt de faire baisser le « coût du travail » des entreprises et de créer prés de 300 000 emplois d’ici 2017.
Ce dispositif présente de sérieuses limites que Force Ouvrière a exprimé à de nombreuses reprises, notamment dans le cadre du comité de suivi du CICE récemment mis en place au sein du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP).
D’abord son coût exorbitant : « en vitesse de croisière », c’est-à-dire à partir de 2015, il s’élèverait à 20 Mds€ par an ! (9,8 Mds en 2014). [9]
Ensuite son financement : il sera financé pour moitié par la baisse des dépenses publiques (donc, à nouveau, moins de service public) et pour l’autre par les ménages via le renforcement de la fiscalité environnementale et la hausse en janvier prochain des taux de TVA. C’est déjà à ce niveau un cadeau fiscal fait aux entreprises financé par les ménages et usagers du service public (c’est-à-dire les mêmes…).
Le CICE sera en outre et surtout distribué sans aucune contrepartie exigée ex-ante, ni en termes d’emplois, ni en termes d’investissement et sans contrôle ex-post. Ce sont ainsi plusieurs dizaines de milliards qui vont être distribués aux entreprises, chaque année, sans que l’on sache quoi que ce soit de l’utilisation des fonds publics qui pourront aussi bien être affectés à de l’investissement, à des embauches (cas favorable « espéré » par le gouvernement), qu’à des augmentations de dividendes voire même au financement d’une délocalisation (ce qui s’est déjà produit avec le cas du FSI – Fonds stratégique d’investissement – en 2009) !
Pour Force Ouvrière, il faut revoir complètement ce CICE, à commencer par sa finalité (nous dénonçons l’argument idéologique d’un problème de « coût du travail ») et son financement. Imposer des éléments de conditionnalités préalables strictes en matières d’emplois (maintien et création), d’augmentations salariales, d’investissements productifs, ainsi que des éléments de contrôles publics (contrôles fiscaux notamment, mais aussi en lien avec l’inspection du travail) constituent également des préalables indispensables.
Force Ouvrière revendique également qu’une part du CICE soit consacré par l’État pour financer des mesures nationales ciblées en matières d’emplois et de reconversion (environ 1,5 Mds selon nos propositions).
Le CICE vient en outre s’ajouter à d’autres dispositifs de crédit d’impôt à destination des entreprises, comme le Crédit Impôt Recherche (CIR) lui aussi particulièrement coûteux pour les finances publiques (entre 5,5 et 6,2 Mds en 2014 selon la Cour des Comptes) et qui peine toujours à démontrer son efficacité [10]. Le CIR n’a été modifié qu’à la marge dans ce PLF contre la volonté de beaucoup de parlementaires de le réformer en substance pour le recentrer sur les PME. En vain, puisque le gouvernement leur a opposé sa volonté de sanctuariser, pour reprendre un terme d’actualité, le CIR sur toute la législature.
De longue date, Force Ouvrière revendique que le CIR évolue en CIRD, permettant un suivi et des applications concrètes en matière de Développement et de production aux niveaux de filiales ou de sous-traitants de l’entreprise bénéficiaire du CIR. L’objectif doit être que ce CIR bénéficie concrètement à l’emploi une fois les recherches abouties.
Et comme pour le CICE, les contrôles fiscaux doivent être rétablis pour vérifier de la bonne utilisation du CIR. Cette niche fiscale constitue le mécanisme est le plus généreux de l’OCDE si l’on rapporte son montant au PIB (0,26%) : son efficacité est relative et elle a engendré de nombreux abus, avérés mais pas toujours sanctionnés. Une évaluation pour une refonte contrôlée du dispositif CIR est indispensable. Au contraire, encore une fois, ce PLF le reconduit en l’assouplissant…
Parmi les rares nouvelles mesures fiscales qui devraient frapper les entreprises, il faut noter la taxe de solidarité sur les hautes rémunérations. Conçue pour remplacer feu la taxe à 75 % sur les très hauts revenus et retoquée par le Conseil constitutionnel, cette nouvelle taxe n’a pas vraiment la même ambition. Son taux a été revu à la baisse (de 75% à 50% sur la fraction des rémunérations supérieure à un million d’euros), elle a un caractère exceptionnel (seuls sont concernés les revenus au titre de l’année 2013 et 2014), elle sera payée par les entreprises et par ailleurs plafonnée à 5% du chiffre d’affaire de celle-ci. Elle sera enfin déductible de l’IS ... mais pas de la surtaxe d’IS payée à titre également exceptionnel par les grandes entreprises qui devraient être les plus concernées par le paiement de cette taxe.
Prévue pour un rendement déjà modeste de 300 millions en 2014, le rendement devrait être beaucoup plus faible, entre 10 et 15 millions d’euros seulement...
S’il fallait se persuader du caractère très amical de ce PLF à l’endroit des entreprises, il faut encore souligner le nouveau régime d’imposition des plus-values sur valeurs mobilières contre lequel le « collectif des pigeons » s’était mobilisé l’année dernière mais ne se remobilisera pas cette année.
Le PLF 2014 parvient à les assujettir à l’impôt sur le revenu – ce que contestaient ce collectif dans le PLF 2013 – mais avec de très gros abattements. Des abattements de 50% au bout de deux ans de détention seulement et pouvant aller jusqu’à 85%, dans certains cas, au bout de huit ans de détention. Les pigeons sont bien redevenus des rapaces…
.... et financée par les ménages
Contrairement aux entreprises, on l’aura compris, ce sont les ménages qui vont devoir supporter l’intégralité des augmentations de prélèvements obligatoires en 2014 et dans des proportions bien supérieures à ce que le gouvernement prétend.
Cette situation est d’autant moins acceptable que le gouvernement refuse de l’assumer. Pour preuve, l’absence totale de mention faite dans le PLF 2014 à la hausse des taux de TVA qui sera effective à partir de janvier 2014. S’il est vrai que la réforme des taux des TVA a été votée en loi de finances rectificatives 2012, il est aberrant (et du coup mensonger) de ne pas la prendre en compte pour totaliser la hausse des impôts à laquelle les ménages devront faire face en 2014. De plus, l’engagement pris en 2012 par le Président de la République d’une légère réduction du taux réduit de TVA de 5,5% à 5% ne sera finalement pas respecté.
S’agissant des mesures fiscales de ce budget qui touchent aux ménages et donc, notamment, les salariés, ce sont surtout, sous couvert d’œuvrer à la justice fiscale ou à la « modernisation de notre modèle social », des mesures de rendement car elles touchent un très grand nombre de ménages, bien au-delà de la catégorie des « ménages aisés ».
Si Force Ouvrière demande un examen global des niches fiscales de façon à regarder comment supprimer ou réduire certaines, souvent sources d’injustices et d’inégalités, et cela dans le cadre de la réforme fiscale d’ensemble que nous revendiquons, les mesures du PLF 2014 ne sont pas acceptables tant elles frappent l’ensemble des ménages dans un contexte de baisse de pouvoir d’achat et alors même que les entreprises sont largement exemptes de quelque effort fiscal.
Si certaines d’entre elles n’ont finalement pas été votées à l’Assemblée nationale (comme la réduction d’impôt pour frais de scolarité bénéficiant à 2,3 millions de ménages qui sera donc maintenue) et que d’autres ont heureusement été prises pour protéger les ménages les plus modestes (retour à l’indexation normale du barème de l’IR après deux années de gel, revalorisation exceptionnelle de la décote de 5% et augmentation de 4% du seuil du revenu fiscal de référence [11]), quelques unes vont sérieusement alourdir l’impôt sur le revenu d’un grand nombre de retraités et de salariés.
C’est par exemple le cas de la suppression de l’exonération d’impôt des majorations de retraite qui devrait à elle seule faire rentrer près de 1,2 Mds€ de recettes supplémentaires.
Ou celui encore de la suppression de l’exonération fiscale de la part patronale à la complémentaire santé qui, en se conjuguant à la réduction du plafond de déduction de la cotisation salarié à un régime de prévoyance et de complémentaire santé (article 5 du PLF 2014) a valu un communiqué syndical commun. Les organisations syndicales Force Ouvrière, CGT, CFTC et CGC ont, dans un communiqué commun, dénoncé cette nouvelle attaque contre les contrats collectifs sous couvert de généralisation de la complémentaire santé. Les conséquences de ces deux mesures vont en fait bien au-delà de l’objectif annoncé qu’est l’élargissement de l’accès à la CMU complémentaire et à l’aide à la Complémentaire Santé (ACS). En effet, alors que la seule suppression de l’avantage fiscal pour la part patronale doit rapporter à l’État 1 Md en 2014, le financement des mesures en faveur des plus démunis est évalué à 250 millions d’euros [12]. A cela s’ajoute une réduction du plafond de déductibilité pour les salariés qui va bien au-delà du simple ajustement. La réduction envisagée du plafond touche non seulement la santé, mais aussi la prévoyance. Son ampleur va conduire à fiscaliser également une part significative de la cotisation salariée à la complémentaire santé et à un régime de prévoyance complémentaire. Ainsi, pour un salarié au Smic, la réduction du plafond de déductibilité va conduire à tripler le montant qu’il devra réintégrer dans son revenu imposable en 2014 par rapport au montant à réintégrer du seul fait de la fiscalisation de la cotisation employeur. Pour ce salarié, l’impôt 2014 augmentera en moyenne de 270€ à 450€, dont 180€ à 300€ du seul fait de la réduction du plafond.
Abaissement du plafond de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial (de 2000 à 1500 euros par demi-part) | + 1 Md |
Suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité | + 0,4 Md – REJETE |
Suppression de l’exonération d’impôt des majorations de retraite | + 1,2 Md |
Suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé. | + 1 Md |
Lutte contre la fraude fiscale des ménages | + 1 Md |
Revalorisation de la décote de 5% Revalorisation de 4% du seuil fiscal de référence (amendement voté) |
- 0,2 Md |
Source : PLF 2014 – Rapport économique et financier, p 164.
Annoncée par le Président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre 2013, l’introduction d’une composante carbone dans le calcul des taxes intérieures sur la consommation (TIC) des énergies fossiles (essence, gazole, charbon et houille, fioul lourd et domestique, gaz naturel) a été votée par l’Assemblée nationale.
→ Comme Force Ouvrière l’avait prédit et dénoncé, cette taxe carbone vise à opérer un transfert de revenus des ménages vers les entreprises. Ainsi la valeur carbone des produits énergétiques taxés a été calibrée et déterminée à partir d’objectifs de rentabilité budgétaire et ce pour financer notamment le CICE à hauteur de 3 Mds€ en 2016.
Les taux de taxes existantes sur l’énergie et les carburants connaîtront donc une augmentation progressive et proportionnée au contenu en dioxyde de carbone (CO2) des différents produits énergétiques [13]. Dès 2014, trois produits énergétiques verront en conséquence leur niveau de taxation augmenter du fait de cette introduction : le gaz naturel, le fuel lourd et le charbon [14]. Les carburants (gazole et essence) ne devraient pas augmenter, en 2014, du fait d’une compensation de la hausse par la diminution de la TIPCE.
Alors que, contrairement à la version du gouvernement précédent, il n’est pas prévu de reverser aux ménages une partie du montant des recettes générées par cette taxe, le gouvernement considérant que des dispositions compensatoires suffisantes ont été prises (extension des tarifs sociaux de l’énergie, interdiction des coupures d’électricité et de gaz pendant l’hiver, aides à la rénovation thermique de bâtiments, Eco-PTZ et prime), les exonérations à celles-ci sont nombreuses.
Considérant que les entreprises non exonérées répercuteront directement ou indirectement sur les ménages l’augmentation de leur facture énergétique, les ménages devraient au final supporter une grande partie du rendement attendu de cette contribution carbone soit : 340 millions d’euros en 2014, 2,5 milliards d’euros en 2015 et 4 milliards d’euros en 2016.
Au final, si l’on totalise la hausse des taux de TVA dont le rendement attendu est de 5,6 Mds en 2014 [15], le coût de la contribution climat énergie (0,34 Md en 2014), l’abaissement du plafond de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial (le plafond du quotient familial est de nouveau abaissé de 2000 à 1500 € - gain : 1 Md - sans que le produit de cet abaissement soit redistribué à la politique familiale), la suppression de l’exonération d’impôt des majorations de retraite (+ 1,2 Md), la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé (+ 1 Md), ce sont déjà 10 Mds€ de prélèvements supplémentaires, sans compter la hausse des cotisations retraites, l’impact des autres dispositifs de ce PLF en terme de fiscalité écologique et un grand nombre de nouvelles taxes qui seront votées dans le cadre du PLFSS (par exemple la fiscalité sur une partie de l’épargne, après plusieurs changements de positions de la part du gouvernement).
L’orientation fiscale de ce budget, en particulier le transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages, s’inscrit complètement dans la politique libérale bruxelloise. Au total, par rapport à 2013, les ménages paieront 12 Mds de plus et les entreprises 9 Mds de moins. Ce sont les ménages qui vont financer le cadeau fiscal aux entreprises.
Pas étonnant qu’un membre du gouvernement ait pu affirmer que le Medef a « son lit de camp dans le bureau du ministre du Budget ». Le Medef a planté sa tente au « ministère du capital » du gouvernement du « Président des entreprises »…
Ces nouveaux prélèvements risquent d’affecter encore un peu plus la consommation en 2014 alors que le pouvoir d’achat des ménages devrait, selon le dernier point de conjoncture de l’Insee, décliner de 0,1% au troisième trimestre 2013 puis de 0,2% au quatrième trimestre.
Compte tenu même du nouveau cadre de gouvernance des finances publiques, il était important pour la France de présenter des gages à la Commission européenne sous peine de se voir sanctionnée au motif qu’elle ne conduirait pas la politique de rigueur adéquate pour « redresser ses comptes publics et sa compétitivité ».
Si la Commission européenne a favorablement accueilli le PLF 2014, le nouveau gendarme en France des finances publiques, le Haut conseil des finances publiques, a menacé, quant à lui, le gouvernement de sanctions futures si le rythme de réduction du déficit et notamment du déficit structurel n’était pas respecté ... !
I.2. Un budget qui satisfait la Commission européenne...mais contesté par un Haut Conseil des finances publiques très « zélé »
I.2.1. Un PLF qui s’inscrit dans une gouvernance anti-démocratique
Depuis 2011, de nombreux textes législatifs touchant à la gouvernance des finances publiques ont été adoptés en Europe (en particulier le « six pack », le « two pack » et le fameux « Traité pour la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance » ou TSCG).
Ceux-ci ont en commun d’organiser une surveillance de plus en plus étroite des finances publiques des États membres mais également de leur situation économique plus globale au travers d’un certain nombre d’indicateurs (évolution des parts de marché à l’exportation, évolution des coûts salariaux, dette du secteur privé...).
Cette surveillance s’opère désormais au moyen de procédures de contrôle beaucoup plus fines que par le passé. Ainsi les États membres sont-ils dans l’obligation d’informer et de documenter, selon un calendrier très précis, les autorités européennes de la situation budgétaire et économique présente et à moyen terme. Sur la base de ces documents (Programme national de réforme [16] et Programme de stabilité envoyés au printemps), les autorités européennes expriment des avis et des recommandations dont la mise en œuvre ou non, par les États, intervient favorablement ou pas dans la procédure complexe de sanctions préventives et correctives nouvellement mises en œuvre.
Pour les États de la zone euro, ceux-ci sont en plus contraints de présenter aux autorités européennes, avant le vote de leurs Parlements, leurs projets de budgets qui doivent là encore témoigner de la conformité de la politique économique du gouvernement aux recommandations bruxelloises, comme le prévoient les traités adoptés.
Le second pilier de cette surveillance est tout aussi problématique. Il s’agit de la mise en place de mécanismes de sanctions préventives quasi-automatiques en cas de non respect des seuils de déficit et de dette publique et de la généralisation par ailleurs d’une nouvelle procédure de vote : es sanctions à la majorité qualifiée inversée [17].
Dans son application, ce principe de sanction à visée préventive – qui a été l’un des points les plus âprement discutés au Parlement européen – risque de rencontrer de sérieuses difficultés car il revient en fait à sanctionner des États qui respectent les ratios de finances publiques (pour l’instant il n’y en a aucun !) mais dont les autorités européennes pensent qu’ils pourraient ne plus les respecter à l’avenir ! L’Europe des sanctions et des procès d’intention…
Ce principe donne une importance majeure à la seule appréciation des autorités européennes, ce qui leur confère un pouvoir de pression très important sur les États, un pouvoir d’autant plus contestable qu’il revient à sanctionner des États sur la seule base d’une évaluation de la survenue potentielle d’un risque ! Prévoir des sanctions en amont de la réalisation « d’infractions » alors même qu’aujourd’hui et même hier, la majorité des États membres les ont toujours commises est assez révélateur de l’obscurantisme dans lequel la construction européenne s’est progressivement enfermée. « Comme si durcir une contrainte qui dans le passé n’avait pu être honorée accroissait pour l’avenir les chances de succès », résume l’économiste Benjamin Coriat [18].
Depuis le vote de loi organique relative à la programmation pluriannuelle et à la gouvernance des finances publiques en décembre 2012 visant à transposer en France les dispositions du TSCG, le gouvernement ne doit plus uniquement veiller à atteindre la cible de 3% de déficit. Toute sa politique doit désormais tendre vers la réalisation d’une autre cible budgétaire : le solde public structurel (ou solde structurel) qui doit être positif et fixé à + 0,5% du PIB au maximum !
Sur un plan démocratique, il est dangereux que les choix relatifs aux finances publiques, et donc aux politiques publiques, soient tributaires d’une notion aussi contestable que celle de « solde structurel » et soumis aux arbitrages et contrôles de Bruxelles.
Pour ce faire, un gendarme supplémentaire a été créé : le Haut conseil des finances publiques.
I.2.2. Les menaces d’un Haut Conseil des Finances publiques autiste à la réalité
Présidée par le président de la Cour des comptes et composé de dix « personnalités », non élues, cette nouvelle institution est chargée de « veiller à ce que la politique du gouvernement soit compatible avec cet objectif d’équilibre structurel en 2017 ».
En cas d’écart trop important, il appartient à ce HCFP d’interpeller le gouvernement sur sa politique et de l’enjoindre à la corriger (via la mise en œuvre d’un mécanisme de correction automatique).
C’est précisément la menace qui pèse sur le gouvernement depuis que le HCFP a rendu son avis en septembre sur le PLF 2014. Une fois que le solde structurel de 2013 sera définitivement connu au printemps 2014, le HCFP pourrait réclamer le déclenchement de mesures d’économies supplémentaires.
Le ministre de l’Economie (ou doit-on parler du « ministre du Capital » ?) a contesté cet avis et notamment l’absence de prise en compte, par le HCFP, du délai supplémentaire de 2 ans accordé par la Commission européenne. La réponse du Président du Haut Conseil est assez inquiétante mais significative : celui-ci a souligné que le travail du HCFP consistait uniquement à « constater des écarts » avec la loi de programmation et non avec la réalité. Sans commentaires....
II. A nouveau, moins de service public
En 2014, 13 123 postes seront donc supprimés au niveau des différents ministères (administrations centrales, services déconcentrés, services spécialisés, opérateurs sous tutelle, etc). Non seulement cette destruction de postes publics est encore plus importante que celle subie en 2013 (-12 298), mais ces budgets 2013 et 2014 font suite à cinq années de RGPP qui ont conduit à la suppression de 400 000 emplois publics dans la Fonction Publique.
Au-delà de ces chiffres édifiants, la situation sur le terrain et dans chaque service est alarmante. Certains ministères vont encore payer un lourd tribut à cette action de réduction des moyens publics. De fait, l’exercice des missions devient totalement impossible dans de nombreux services publics.
Pour les fonctionnaires et les agents publics, les conditions de travail continuent à se dégrader du fait des réductions drastiques des budgets de fonctionnement et d’investissement. Cette problématique est la même dans la Fonction Publique Hospitalière (du fait du budget du ministère de la santé et du PLFSS 2014 synonyme, lui aussi, d’austérité et de réductions) ou dans la Fonction Publique Territoriale - les crédits de fonctionnement des collectivités et les dotations globales de l’État aux collectivités territoriales (-1,5 Mds€) sont aussi en chute libre.
Dans la même veine de l’austérité, la valeur du point d’indice reste gelée, pour la quatrième année consécutive ce qui va entrainer une nouvelle baisse des traitements des fonctionnaires en 2014. En 12 ans, au regard du point d’indice, les fonctionnaires ont perdu 16,30% de pouvoir d’achat. Dans le même temps, certains agents ont pu bénéficier de progression de carrière ou de revalorisation Les mesures catégorielles chutent à nouveau : 270 M€ contre 310 M€ en 2013, et le budget de l’action sociale interministérielle est lui aussi en baisse, une fois de plus.
Pour illustrer les impacts potentiels de ce nouveau budget d’austérité sur les politiques et missions publiques et sur les différents ministères, nous pouvons développer par exemple :
A l’Education nationale : des créations en trompe l’œil mais une territorialisation bien réelle
Contrairement aux annonces faites sur les missions prioritaires liées à l’Education Nationale, ce ministère est aussi contraint : si 1000 ETP (équivalents temps plein) en plus sont bien prévus pour les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ce qui est naturellement positif), le ministère prévoit 123 emplois en moins dans les collèges, 198 en moins dans les lycées professionnels, 345 en moins dans les lycées, 66 en moins dans les classes post-bac : alors que les effectifs augmentent encore à la rentrée 2013 !?
De plus, depuis 2003, les établissements scolaires ont perdu 3090 personnels administratifs, et aucune création n’est prévue dans le projet de budget pour 2014.
Sur un plan budgétaire, les postes en plus sont essentiellement précaires et non-statutaires : emplois d’avenir professeur (rémunérés 402 € pour 12 heures de travail par semaine) et contrats aidés dans le premier et le second degré.
En terme de masse salariale pour la Fonction Publique de l’État, le tour de « passe-passe » se poursuit, comme Force Ouvrière l’avait dénoncé dès le budget 2013 : les suppressions de postes et d’emplois (dans tous les ministères) concernent à chaque fois des postes statutaires de fonctionnaires. Pour des « missions prioritaires », l’essentiel des « créations » s’effectuent selon des emplois contractuels et précaires.
L’estimation que nous faisons à partir du budget 2013, de ce PLF 2014 et des prévisions triennales du gouvernement est que la MAP pourrait conduire à supprimer 200 000 emplois statutaires d’ici 2017 dans la Fonction Publique de l’État (après 400 000 depuis 2007 du fait de la RGPP !).
Concernant ce projet de budget 2014, l’allocation des moyens sera « affiné tout en poursuivant un effort budgétaire spécifique pour les établissements en éducation prioritaire : il s’agira de différencier les moyens en fonction des spécificités territoriales, sociales et scolaires de chacun des établissements selon le projet d’école ou le contrat d’objectifs ».
Clairement, ce PLF 2014 appliqué au ministère de l’Education Nationale officialise et met en œuvre « l’école territoriale » c’est à dire une école où l’égalité du droit à l’instruction s’effacera progressivement face aux impératifs budgétaires sous-couvert de théorie pédagogique à géométrie variable selon « les territoires ». Cela accompagne, notamment, le projet d’acte 3 de décentralisation et sa notion de « République des territoires » que Force Ouvrière dénonce et combat.
Ecologie, Transports, Energie, Logement : un budget effectivement « mauvais » !
A peine quelques mois après le limogeage de la ministre chargée de l’écologie parce qu’elle avait qualifié son budget de « mauvais », le PLF 2014 confirme ce qualificatif ! Le ministère de l’égalité des territoires et du logement (METL) et le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE) font partie des ministères prioritaires… pour les remises en cause.
Ce projet réduit de 500 M€ pour le budget du MEDDE (déjà en réduction constante depuis des années) et de 160 M€ pour le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».
Le Budget 2014 est contraire à une politique ambitieuse dans le domaine de l’eau et de l’environnement puisqu’il est décidé d’un « hold up » de 220 M€ sur les ressources des Agences de l’Eau.
Au niveau des transports, un nouveau désengagement du financement des infrastructures de transports est opéré au motif d’une augmentation de la redevance payée par les sociétés d’autoroutes.
En ce qui concerne les effectifs, les deux ministères et leurs opérateurs perdent près de 1600 emplois publics (soit -2,25%) alors que dans le même temps le Président de la République a annoncé la création de 2000 emplois d’avenirs sur le plan EcoRenov (là encore le tour de passe-passe entre suppression réelle d’emplois statutaires et créations temporaires de contractuels).
Ainsi, ce budget entérine des suppressions drastiques de moyens en supprimant au passage l’ingénierie de solidarité (ATESAT [19]) que l’État assure en appui des communes.
L’article 64 du projet de loi prévoit un gel des aides au logement, entrainant une diminution de 94 M€ d’aides distribuées par l’État aux ménages. Comme Force Ouvrière et l’AFOC [20] l’ont condamné, une telle mesure est inacceptable compte tenu de la baisse du pouvoir d’achat d’une grande majorité de salariés, de consommateurs et de la constante progression du coût des biens essentiels, de l’énergie et des services. Ne pas revaloriser le barème des aides au logement reviendrait, non seulement à précariser davantage les foyers les plus modestes, mais également à peser sur la consommation des ménages déjà fortement impactée par la hausse programmée des impôts, des cotisations retraites salariales, du coût de l’énergie, des transports, etC.
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales : désertification territoriale de l’état
Le ministère de l’Agriculture participe aux « efforts » avec des dépenses de fonctionnement diminuant de 6% (6 M€) et une nouvelle suppression de 231 emplois (280 supprimés en 2013 !) marquée par la poursuite de réformes des structures et des services déconcentrés notamment sur les fonctions support. A cela s’ajoute une suppression de 238 emplois chez les différents opérateurs publics déjà amputés de 320 postes en 2013.
Les suppressions de ce ministère et de ceux de l’Ecologie et du Logement conduisent à une fragilisation des Directions départementales des territoires (dans chaque département) constitutif d’une accentuation de la désertification territoriale de l’État.
Economie et finances : le budget de la désespérance
Les ministères économiques et financiers connaissent 2 564 nouvelles suppressions d’emplois. Depuis 2001, c’est un quart des effectifs qui a disparu dans les directions de Bercy ! Le « redressement productif » ne risque pas de monter bien haut…
Les ministres de Bercy concrétisent leur volonté d’afficher les missions économiques, fiscales, industrielles comme non prioritaires dans l’action gouvernementale, en totale contradiction avec les discours (des mêmes) sur la nécessaire lutte contre toutes les fraudes ou sur les enjeux nationaux de redévelopper l’industrie ou de réussir la plan numérique.
Les crédits de fonctionnement seront amputés de 50 M€ ce qui va engendrer de nouvelles mesures restrictives sur les moyens de contrôle, des retards sur les paiements aux fournisseurs (une commande publique en berne, donc des emplois privés menacés, particulièrement dans les départements ruraux) et des retards de remboursement des frais occasionnés par les déplacements des agents.
Dans ces ministères, comme dans les autres, alors que tous les acteurs de prévention font le constat d’une dégradation des conditions de travail, il va sans dire que ces nouvelles suppressions d’emplois et ces restrictions supplémentaires de moyens de fonctionnement ne feront qu’aggraver les choses.
Justice : être « prioritaire » avec moins ?
La maîtrise des frais de justice et la rénovation de leur gestion conduisent à des économies à hauteur de 45 M€. La mise en place de la plateforme nationale d’interceptions judiciaires (mesures de mutualisation) conduira à des réductions de près de 20 M€ dès 2014.
Le fonctionnement de l’aide juridictionnelle sera amputé de 32 M€ avec la remise à plat de la modulation géographique des rémunérations liées aux prestations d’aide juridictionnelle. A noter, ce qui est positif, la suppression du « forfait justice » de 35 €.
Alors que la situation dans les centres pénitenciers est extrême faute de moyens, d’effectifs et d’une surpopulation carcérale par rapport aux possibilités d’accueil, les chantiers immobiliers pénitentiaires verront leur dépense d’investissement subir 12 M€ d’économies ! Cette mesure ne remet-elle pas en cause l’atteinte de l’objectif à terme d’un parc carcéral de 63 500 places ?!
Plus de rigueur, moins de culture
La participation de la mission « culture » à « l’effort de redressement des comptes publics » est significatif : diminution des crédits d’investissement (musée Picasso, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée-MuCEM, centre des archives nationales de Pierrefitte, Philharmonie) et réductions des crédits aux opérateurs, qui verront leurs subventions baisser de 15 M€ par rapport à 2013.
Le PLF 2014 prévoit la suppression de 83 effectifs (-0,2%) dans les services et opérateurs du ministère (missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » et programme « Recherche culturelle et culture scientifique »). Comme pour les Agences de l’Eau, un prélèvement de 90 M€ sera opéré sur le fonds du roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ce qui remet partiellement en cause la capacité de soutien du CNC au secteur cinématographique et audiovisuel.
Les aides à la presse connaissent une diminution de 10,7 M€ en 2014 par rapport à 2013. Les concours de l’État à l’audiovisuel public dans son ensemble connaissent une diminution de 1%. Cela conduit à une économie de 137 M€ sur la mission « Médias ».
La Défense attaquée
7910 emplois supprimés en 2014 pour les services et les opérateurs du ministère de la Défense, après 7259 destructions de postes en 2013. Les économies records imposées à ce ministère reposent notamment sur une réduction sans précédent de la masse salariale, qui diminuera de près de 170 M€ entre 2013 et 2014, du fait des baisses d’effectifs et du gel des mesures catégorielles.
Après les 54000 suppressions d’emplois imposées et subies du fait de la RGPP, ce sont encore 24000 postes, dont 7400 postes de personnels civils, qui seront supprimés d’ici 2019 comme fixé par la Loi de programmation militaire dans laquelle s’inscrit pleinement ce budget pour 2014. Une bérézina !
S’agissant des dépenses de fonctionnement, la mission « défense » intègre une diminution de ce type de dépenses pour un montant de 100 M€. Après des années de diminution, la question de l’activité des forces, celle de la condition du personnel et plus globalement la capacité des armées à remplir leur contrat opérationnel sont clairement posées !
De plus, à court terme, ces baisses de moyens et d’effectifs sont complétées par une réduction volontariste des dépenses dans la plupart des secteurs, notamment : frais de déplacement (-10 M€), dépenses générales de communication et de prestations intellectuelles (-10 M€), frais liés à la mobilité des militaires (-15 M€).
Outre-mer, la rigueur aussi
Le ministère chargé de l’Outre-mer réalise doit lui-aussi réduire ses dépenses courantes. L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) voit le montant de sa subvention diminuer de 5 % et ses effectifs baisser de 3 ETP.
Vu de l’extérieur, l’Intérieur n’a rien de prioritaire
En 2014, les dépenses de fonctionnement des services centraux et préfectoraux seront en diminution de 7 M€ par rapport à 2013 et les services et Préfectures subiront une diminution des effectifs de 635 emplois ! La réforme visant à supprimer jusqu’à 30% de sous-préfectures (actuellement en « préfiguration – expérimentation » en régions Alsace et Lorraine) vise à justifier ces baisses qui vont se poursuivre en 2015.
Le montant des taxes affectées à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est diminué de 10 % (économie de 18 M€). Au total les efforts de « rationalisation » demandés à l’agence sont de 27 M€.
Concernant les crédits alloués à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, la réduction des dépenses sera de 9,6 M€. La « maîtrise des dotations » destinées au versement de l’allocation temporaire d’attente (ATA) aux demandeurs d’asile sera assurée par la mise en œuvre d’une part, d’un plan d’action permettant de limiter les versements indus de cette prestation ainsi que d’autre part, par la réduction du montant des frais versés à Pôle emploi pour la gestion du versement de cette allocation (-5 M€).
Les missions confiées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration seront rationalisées, notamment dans les domaines des formalités d’admission au séjour et des diverses prestations offertes aux étrangers admis à séjourner régulièrement sur le territoire français. Ces réformes se traduisent par la diminution de 15 emplois.
Alors, certes, la mission « Sécurités » est une mission prioritaire au sens du gouvernement et verra ses effectifs renforcés sur des « missions fondamentales ». Les autres missions de l’Eta ne l’étant visiblement plus…
Pour autant, comme l’indique le PLF 2014, cette mission prioritaire « participe également à l’effort de maîtrise des dépenses publiques » !
La diminution de l’indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) des élèves en école permet une économie de 12 M€ en 2014. Comme les autres, le ministère de l’Intérieur intensifiera l’effort de mutualisation afin de permettre une baisse des dépenses de fonctionnement de 0,4% (- 7 M€).
En matière de soutien, les achats, la logistique et les équipements des forces de sécurité (police, gendarmerie et sécurité civile) seront regroupés dans un service commun : le service des achats, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI). D’autres actions de mutualisation, notamment dans le domaine logistique, seront également menées, par exemple pour ce qui concerne la police technique et scientifique, le rapprochement des flottes d’hélicoptères de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale, les formations ou l’hébergement des forces mobiles. Ce mouvement de mutualisation complètera celui déjà engagé en 2013 pour la mutualisation du soutien automobile. Toutes ces mutualisations doivent dégager de nouvelles économies budgétaires substantielles mais aussi fragiliser les capacités d’interventions opérationnelles des policiers et des gendarmes !
Recherche moyens désespérément
La participation de la recherche et de l’enseignement supérieur à « l’effort de maîtrise des dépenses publiques » se traduit par des économies de près de 0,3 Md€ :
– baisse de la programmation de l’Agence nationale de la recherche (- 81 M€) ;
– économie de 50 M€ environ sur les interventions transversales, l’administration centrale et le fonctionnement courant de certains opérateurs ;
– révision de la programmation immobilière (-30 M€), induite notamment par une hiérarchisation des projets, induisant le report et l’abandon de certaines opérations ;
– volonté d’efficience sur la restauration universitaire (-10 M€) ;
– stabilisation des engagements du fonds unique interministériel (FUI) qui permettra d’économiser 50M€.
Dans le même temps, le chef de l’État et le gouvernement affichent une priorité aux Programmes d’investissements d’avenir et à 34 Plans industriels : leur réussite repose essentiellement sur la recherche publique, en amorçage voire en continue. Leur engagement s’effectue donc avec une nouvelle réduction des moyens de recherche… Aberrant.
Travail et emploi : effectivement pas une priorité…
Après 141 suppressions d’emplois en 2013, les services du ministère devront rendre 137 postes supplémentaires en 2014. Le projet de réforme sur l’inspection du travail (déjà lourdement fragilisée et amputée depuis sa régionalisation et 2010) vise à concrétiser ces baisses d’emplois ! Pour l’usager-salarié, c’est à nouveau moins de présence géographique de l’inspection du travail et moins d’inspecteurs et contrôleurs du travail…
Plusieurs « mesures de rationalisation » des dispositifs et de modernisation des financements sont aussi prévues :
– La réforme de la formation professionnelle, en cours de négociation entre les interlocuteurs sociaux, est d’ores et déjà présentée par le ministère comme une mesure d’économie ! Par ailleurs, le renforcement du rôle des régions en matière de formation professionnelle s’accompagne de la suppression de la dotation générale de décentralisation relative à la formation professionnelle ;
– Suite aux décisions de la MAP, l’indemnité compensatrice forfaitaire en matière d’apprentissage est supprimée. Cette suppression représente une économie de 550 M€ sur le budget de l’État. Une nouvelle aide, plus ciblée, sera mise en place par les régions à destination des entreprises de moins de 10 salariés. Cette nouvelle prime sera financée par un recentrage du crédit d’impôt sur les sociétés bénéficiant aux entreprises qui recrutent des apprentis à la suite de la concertation en cours avec les régions et les partenaires sociaux sur l’apprentissage.
– L’instauration d’une dégressivité sur les exonérations de cotisations sociales en faveur des organismes d’intérêt général en zone de revitalisation rurale (ZRR), aligne ce dispositif sur les conditions applicables à l’embauche dans ces zones prioritaires et représente une économie de 30 M€.
La mission « solidarité, insertion et égalité des chances » est, comme les autres, sujette à réductions :
– un schéma d’emplois fixé à -223 postes en 2014, soit -2 % des effectifs ;
– une réduction de la dépense du FNSA au titre de l’aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE), fixée à 35 M€.
Régimes sociaux et santé : pendant que les besoins augmentent, les moyens diminuent
Une des priorités du budget triennal 2013 – 2015 est de poursuivre « la maîtrise des coûts de gestion des caisses de retraite ».
Outre le projet de contre réforme des retraites que Force Ouvrière combat, plusieurs des régimes composant la mission voient leurs frais de gestion encadrés par une Convention d’Objectifs et de Moyens (COG), celle de la SNCF devant être prochainement renégociée. Ces COG s’attachent à une « trajectoire d’économies sur les dépenses de fonctionnement et de personnel ». A titre d’exemple, le régime des marins verra ses frais de fonctionnement diminuer de 4,1 M€ (-12%) et de 70 emplois (- 6%) sur la période 2012-2015. La Caisse des Dépôts, pour sa part, présente une diminution de ses frais de fonctionnement au titre de la gestion du régime de retraite des mines de 3 M€ (-12%) entre 2011 et 2015.
La « participation à l’effort de stabilisation des emplois publics » se traduit par une diminution de 20 ETP sur l’opérateur de la mission, l’ENIM (Établissement national des invalides de la marine).
Le décalage de la date de revalorisation des pensions du 1eravril au 1er octobre 2014 entraîne une moindre dépense sur la mission d’environ 40 M€ en 2014… Cela revient surtout à siphonner pour plus de 600 millions d’euros, les revenus des retraités.
La fiscalisation des majorations de pensions de 10 % des retraités ayant élevé 3 enfants ou plus, évaluée à 1,2 Md€ en 2014, impactera également durement les retraités les plus modestes aujourd’hui non imposables.
Ce projet de budget 2014 et le projet de contre réforme des retraites constituent une nouvelle attaque sur le pouvoir d’achat des retraités, pourtant durement malmené depuis des années et encore récemment avec la Contribution additionnelle à la solidarité pour l’autonomie (CASA) de 0,3 % mise à la charge des retraités imposables depuis le 1er avril 2013, la suppression de la demi-part fiscale pour des millions de retraités, etc...
Conformément aux orientations fixées par le gouvernement, les opérateurs de la mission « Santé » poursuivent une baisse des dépenses de fonctionnement et d’interventions, ce qui réduit de 10 M€ le montant des subventions qui leur sont versées. La « rationalisation des effectifs » engagée en 2013 se poursuit en 2014, ce qui se traduit par une baisse de 52 emplois après 20 rendus en 2013.
Le mode de tarification des séjours hospitaliers des bénéficiaires de l’aide médicale d’État sera modifié : le coefficient de majoration, aujourd’hui applicable aux tarifs des séjours de patients AME, sera réduit de 1,3 à 1,15 en 2014.
Au niveau du PLFSS 2014, Force Ouvrière dénonce le montant de l’ONDAM à 2,4 % et du sous ONDAM hospitalier à 2,3 %, ce qui va aggraver encore plus la situation des hôpitaux.
La diminution programmée des moyens à l’hôpital va porter atteinte aux soins nécessaires pour les malades en réduisant les postes de travail et en aggravant les conditions de travail et d’exercice professionnel. Pour Force Ouvrière, il faut notamment remettre sur la table la question de la T2A, préjudiciable pour l’organisation hospitalière et la qualité des soins.
Comme le PLF 2014, le PLFSS 2014 s’inscrit dans une logique de rigueur ou d’austérité voulue par la politique européenne et les marchés.
Les collectivités fragilisées :
Les députés ont voté une réduction de dotation de l’État aux collectivités locales d’1,5 Mds€ dans le budget 2014. La réduction est de 840 M€ pour les communes et établissements intercommunaux, de 476 M€ pour les départements et de 184 M€ pour les régions.
Or, les conseils généraux voient leurs dépenses sociales relatives au Revenu social d’activité (RSA), à la prestation de compensation du handicap (PCH) et à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) en augmentation constante depuis 4 ans (augmentation du nombre d’allocataires sociaux), sans que l’État n’abonde pour ces missions publiques nationales. De ce fait, et par nécessité des investissements qu’ils doivent mener sur les responsabilités transférées par les deux premiers actes de décentralisation, les départements sont déjà en situation financière très difficile.
Certes, les départements seront autorisés à relever pendant deux ans le taux des droits sur les transactions immobilières (jusqu’à 4,5% au lieu de 3,8%) mais d’une part cela ne compense pas à hauteur suffisante et d’autre part c’est financer des politiques sociales par des impôts indirects et décentralisés.
Cela ne suffira pas à équilibrer les budgets des conseils généraux, tant les dépenses sociales des départements augmentent avec la crise et la détérioration de l’emploi.
Les communes n’ont pas de dépenses sociales contraintes aussi fortes que les départements, mais les besoins en interventions publiques, notamment pour pallier le désengagement criant de l’État, sont gigantesques.
Et la suppression de l’aide technique de l’État (ATESAT évoqué précédemment) va les contraindre, soit à ne pas répondre aux besoins publics, soit à dépenser pour faire intervenir des acteurs privés. L’article 66 du PLF 2014 la supprime à compter du 1er janvier 2014. Les communes ayant signé une convention en 2013 avec l’État ne pourront plus en bénéficier auprès le 31 décembre 2015 : les communes vont devoir s’organiser pour trouver des relais d’ingénierie, ce qui est dramatique pour les petites.
Ces mêmes communes sont aussi concernées par le projet de loi ALUR (Accès au logement et un urbanisme rénové) en ce qui concerne l’instruction des autorisations d’urbanisme : le seuil de mise à disposition des services de l’État pour l’instruction des autorisations d’urbanisme passe de 20 000 à 10 000 habitants, pour les intercommunalités. Les communes de moins de 10 000 habitants faisant partie d’une intercommunalité de plus de 10 000 habitants ne pourront plus bénéficier de la mise à disposition gratuite des services de l’État, une façon d’imposer à la mutualisation, au regroupement intercommunal (et donc à la suppression des communes) pour l’instruction des autorisations d’urbanisme comme pour l’aménagement technique.
Par ailleurs, le taux intermédiaire de la TVA qui s’applique à la collecte des déchets ménagers par le service public communal ou intercommunal, doit être augmenté au 1er janvier 2014, tout comme le taux normal qui doit passer de 19,6% à 20%. Inscrite au projet de budget pour contribuer à financer le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), la mesure a été approuvée par l’Assemblée nationale, qui a rejeté des amendements maintenant le taux intermédiaire à son niveau de 7%.
Or, le taux intermédiaire a déjà été augmenté, en 2012, de 5,5% à 7%. Pour les communes, cette nouvelle hausse, qui aboutirait à un quasi-doublement de la charge de TVA, se traduira inéluctablement par une augmentation du coût du service pour les habitants-usagers.
S’agissant d’un service nécessaire et essentiel pour la population, les communes demandent que celui-ci soit réintégré dans le périmètre du taux réduit de TVA, au même titre que les services de première nécessité. Faute de quoi cette nouvelle augmentation fragilisera encore un peu plus leur capacité à mettre en œuvre des services publics efficaces.
Enfin, comme au niveau des ministères, le projet de budget organise un « hold up » par des prélèvements sur divers opérateurs des collectivités, en particulier 270 M€ sur les chambres de commerce.
Achevé de rédiger le 29 octobre 2013